Police et covid-19 : même combat !
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Luttes salarialesPrisons / Centres de rétention
Le jeudi 16 juin 2020, après des mois passés en première ligne du combat contre le virus du COVID-19, les travailleurs et travailleuses de l’hôpital public français sont descendu·e·s dans la rue. Ils et elles voulaient défendre leurs droits et dénoncer le manque de moyens et de personnel qui accablent les hôpitaux publics français depuis des décennies.
Chaque nouveau gouvernement Français répète la même chanson dès son arrivée au pouvoir : il n’y a plus d’argent pour l’hôpital public. Le résultat, c’est que les soignant·e·s continuent d’accumuler les heures supplémentaires et disposent de moins en moins des moyens nécessaires pour offrir à leurs patient·e·s des soins de qualité.
La pandémie de COVID-19 n’a fait qu’aggraver ces problèmes – et dans le même temps, le gouvernement français chantait les louanges des soignant·e·s, ces héros et héroïnes en première ligne de la guerre contre le virus, et promettait d’améliorer leurs conditions de travail et de tout faire pour aider l’hôpital. Les autorités ont même encouragé les Français·es à applaudir à la fenêtre tous les soirs à 20h en signe de solidarité avec les soignant·e·s.
De nombreux soignant·e·s n’ont pas été dupes de cette rhétorique, simple théâtre politique destiné à manipuler les électeur·rice·s. Dans les faits, le gouvernement n’a aucune intention d’améliorer leurs conditions de travail. Plutôt que des mots, les soignant·e·s veulent des actes, des changements concrets pour améliorer leur situation.
Le 16 juin 2020, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées pour montrer leur solidarité avec les soignant·e·s ; ce fut la première manifestation autorisée par la préfecture de police de Paris depuis le début de la pandémie. Après un parcours d’environ 30 minutes, la tête de cortège a atteint l’esplanade des Invalides et l’a trouvée totalement encerclée par les forces de police.
Des confrontations ont rapidement éclaté et se sont généralisées tandis que la police lançait des grenades lacrymogènes dans la foule. Pendant plus de deux heures, des affrontements intenses ont eu lieu sur l’esplanade, avec de multiples charges des unités anti-émeute BRAV-M visant à attaquer les manifestant·e·s et à effectuer des arrestations. Ces violences policières ont poussé de nombreuses personnes, venant de milieux très différents, à se joindre aux affrontements.
Parmi ces personnes se trouvaient des soignant·e·s. C’est le cas de Farida C., une infirmière de 50 ans qui exerce à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif. Elle a passé les trois mois précédant la manifestation à travailler 12 à 14 heures par jour, soignant des patient·e·s dont la vie était mise en péril par le COVID-19. Alors qu’elle luttait pour sauver des vies, elle a elle-même contracté le virus, entre autre à cause du manque d’équipement adapté. C’est pour cela qu’elle manifestait ce jour-là : pour rappeler au gouvernement ses promesses de revaloriser les salaires des soignant·e·s et de reconnaître l’importance de leur travail. La seule réponse des autorités à Farida et aux autres manifestant·e·s a été une pluie de gaz lacrymogène, de grenades assourdissantes et de flash-balls.
Tout comme elle a risqué sa vie pour sauver les malades du COVID-19, elle a fait le choix difficile de se défendre et de défendre les autres manifestant·e·s contre la violence asymétrique exercée par une police anti-émeute lourdement armée. Selon ses propres dires, Farida et quelques autres personnes ont répondu aux attaques répétées de la police par des jets de projectiles afin de tenir à distance les policiers (protégés par leur équipement) et de les empêcher d’attaquer et d’arrêter les manifestant·e·s.
En réponse, un groupe de policier l’a brutalement arrêtée en l’attrapant par les cheveux et en la traînant par terre, au prétexte qu’elle aurait jeté des projectiles en direction des forces de police. Alors qu’elle était face contre terre, un policier l’a immobilisée en posant un genou contre son dos. Elle a déclaré être asthmatique et a demandé sa Ventoline, ce que les flics ont totalement ignoré. Des vidéos et photos la montrent avec le visage ensanglanté après qu’ils lui ont passé les menottes. Lorsque les policiers l’ont soulevée pour l’emmener au commissariat, elle a tenté de crier son nom à d’autres manifestant·e·s pour que l’on sache qu’elle avait été arrêtée – mais les flics ont tenté de l’en empêcher en la bâillonnant de la main.
Elle a été relâchée après 24h de garde à vue et sera jugée le 25 septembre pour « outrages sur personne dépositaire de l’autorité publique, rébellion et violences sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Elle risque jusqu’à trois ans de prisons et 45 000€ d’amende.
Nous considérons qu’il n’y a aucune différence fondamentale entre le courage et l’abnégation dont Farida a fait preuve en soignant les victimes du COVID-19 et ceux qu’elle a montré en défendant d’autres manifestant·e·s contre la violence policière. Le COVID-19, tout comme la police en tant qu’institution, cherchent à remodeler le monde à leur image inhumaine, et ce, peu importe le nombre de morts. Nous sommes solidaires des infirmier·ère·s et des rebelles du monde entier qui se lèvent pour leur barrer la route : ils et elles sont en première ligne dans le combat contre la mort et l’oppression.
Le problème fondamental du moment présent n’est ni cette pandémie-là, ni l’agressivité de ces policiers en particulier. Ce sont les structures hiérarchiques imbriquées du capitalisme et de l’État, qui mettent systématiquement en péril des populations entières tout en concentrant le contrôle des ressources nécessaires à la survie de tou·te·s dans les mains d’un petit groupe uniquement soucieux de ses propres intérêts.
Liberté pour Farida !
Combattre la police, c’est aussi une question de santé !
Une interview de Farida est disponible ici.
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