Avortement : manifester, c’est bien, lutter, c’est mieux
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L’association SOS tout-petits pourrit tout autant les trottoirs de nos grandes villes que les crottes de chiens les décorent : chaque mois, ses militants y prient à genoux, brandissant leurs drapeaux chouans et leurs photos de fœtus, avec la haute bénédiction des préfets et sous la protection des autorités. À Paris, en juin dernier, un de nos camarades a été violemment agressé par des éléments du Bloc identitaire (ramassis de têtes brûlées du FHaine et du MNR, disséminés parmi les anti-IVG), lors d’un contre-rassemblement, place de la Bourse. Au sein de ce groupe (excroissance du mouvement « Laissez-les vivre » qui sévissait dans les années soixante-dix, sous la baguette du Dr Jérôme Lejeune, bien connu pour ses actions anti-choix), on croise parfois Xavier Dorr, deux fois condamné pour ses interventions dans les rares cliniques parisiennes pratiquant encore l’avortement. En toute impunité, il continue de prêcher son mépris, malgré la dépénalisation de l’avortement et la création du délit d’entrave à l’IVG en 1993.
Trente ans après la légalisation de l’avortement en 1975 (et son remboursement, obtenu après une longue lutte des féministes en 1982), ce droit au choix personnel qui concerne encore une femme sur deux en France, reste tabou et culpabilisant, tant les réticences à reconnaître la libre disposition de son corps demeure très forte. Malgré la contraception, on compte encore aujourd’hui 200 000 IVG par an en France, ce qui résulte d’une carence de l’information et d’une méconnaissance des méthodes contraceptives et du cycle féminin. Par exemple, la pilule du lendemain, remboursée par la Sécurité sociale et délivrée sans ordonnance et gratuitement aux mineures qui en font la demande est loin, 5 ans après sa mise sur le marché français, d’être systématique. Prise dans les 12 heures, elle est pourtant efficace à 95 %, sans effets secondaires. Néanmoins, il semble que les adolescentes éprouvent quelques difficultés à en disposer, souvent culpabilisées devant l’aveu d’un rapport sexuel récent, ou pour d’autres raisons, ne serait-ce que celle, toute simple, du manque d’information.
Du côté des avancées, il convient de signaler que selon le dernier rapport de l’Ined, l’âge entre le premier rapport sexuel et la première maternité a augmenté de 4 ans, grâce aux moyens contraceptifs et qu’au total, aujourd’hui, 95 % des premiers rapports sexuels sont protégés contre 52 % au début des années 1970. Ce réflexe est certainement à imputer aux peurs dues au sida et autres maladies sexuellement transmissibles. Le moyen privilégié reste le préservatif, suivi de la pilule, ou des deux. Pourtant, encore 30 % des grossesses ne sont pas prévues et la moitié conduisent à une IVG. Selon les chercheuses et chercheurs de l’institut, ce problème reste lié à la mauvaise gestion quotidienne des pratiques contraceptives pour les femmes. L’IVG médicamenteuse (le Mifégype) suscite d’autres espoirs, mais également d’autres craintes. Cette méthode a été mise en place en 2004, hors des établissements de santé et est également appelée « avortement en ville ». La circulaire, issue de la loi Aubry 2001, vient seulement d’être signée et permettra de rembourser les femmes qui choisissent d’avorter par cette voie. L’avantage majeur est de ne plus être bloquée par les délais d’attente souvent très longs à l’hôpital et d’éviter ainsi le risque de se trouver hors délais légal et de pouvoir avorter à l’aide d’un simple comprimé. Néanmoins, beaucoup d’associations féministes sont sceptiques sur les conditions d’hygiène, de suivi médical et surtout le manque d’accompagnement, qui pourra notamment se faire sentir au sein de milieux sociaux les plus défavorisés.
Mais tous ces problèmes de gestion et d’information sur les moyens de contraception et de pratiques de l’IVG sont étroitement liés à la destruction du système de santé dans son ensemble. En effet, on constate aujourd’hui une carence de l’accueil dans les rares cliniques publiques qui accompagnent encore sans difficulté les femmes décidées à subir un IVG et fragilise de fait les acquis d’hier. De plus, ce droit fondamental et inaliénable au choix est également remis en cause par une poignée de député.e.s réactionnaires gonflé.e.s à l’ordre moral et faisant obstacle à l’application de la loi de 2001. Celle-ci permet de passer le délai légal de 10 à 12 semaines, sans entretien social pour une femme majeure et sans autorisation parentale pour une mineure. Plusieurs tentatives sournoises (sous couvert par exemple de sécurité routière) ont eu également lieu, pour faire reconnaître le fœtus comme être humain. Pourtant, ces arguments de bigots d’un autre siècle sont ridicules d’autant que, toujours selon l’Ined, la législation de l’avortement n’a pas eu d’impact démographique. Depuis 30 ans, le nombre d’enfants souhaités est resté inchangé et les femmes sont surtout moins victimes de complications graves et de décès, qui faisaient tant de ravages avant les années 1970 par les avortements clandestins. Les femmes doivent maintenir ce choix de refuser un enfant lorsqu’elles considèrent qu’une relation ne se prête pas à la, ou pour une toute autre raison, qui ne concerne qu’elles, ou éventuellement, leur compagnon !
Si quelques pays de l’Union européenne, comme l’Irlande ou le Portugal, forment des poches de résistance pour l’entrée dans la législation de textes proclamant le droit au choix, on assiste également, au sein du conseil et de l’assemblée européens, à un fort mouvement d’entrisme de la part des religieux et particulièrement des anti-choix. Ainsi, une députée se réclame-t-elle ouvertement anti-IVG qu’elle a recueille le soutien enthousiaste et unanime de plusieurs groupuscules catholiques et protestants conservateurs militant pour le même lobby, afin de former une commission.
Aux États-Unis, les choses ne se sont pas arrangées depuis la réélection de Bush soutenu, entre autre, par les ultra religieux. Plusieurs sénateurs ont réussi à faire voter un amendement au projet de loi sur le budget 2005, qui libère pendant un an les médecins et hôpitaux de l’obligation de pratiquer l’avortement. Plus grave, dans cette spirale, certains assureurs américains mettent dores et déjà en avant les problèmes de sécurité, afin de refuser d’assurer les médecins qui voudront continuer à pratiquer les IVG. Les anti-choix américains aggravent la situation en multipliant les manifestations devant les cliniques. De plus, les subventions fédérales seront retirées à tout organisme de santé qui ne fera pas de propagande en faveur de l’abstinence. Le but avoué des anti-choix n’est plus d’interdire, mais de rendre l’avortement de plus en plus difficile et compliqué pour les femmes qui se heurtent à des conditions de pratique de plus en plus mauvaises.
En France, une manifestation nationale « pour l’avortement et la contraception libres et gratuits » aura lieu le 15 janvier 2005, à Paris à 14 heures, place de la République. Y participer, c’est bien, mais notre lutte ne doit pas s’arrêter là, ni aux exigences d’associations purement légalistes. En effet, en plus du respect au droit inaliénable à l’avortement et au remboursement de la contraception, nous pensons à d’autres priorités, comme par exemple, la mise en place régulière de campagnes d’informations sur la contraception et l’avortement, dotées de budgets publics spécifiques. Ces campagnes doivent se dérouler sans incidents dans les cliniques publiques et les centres d’information comme le planning familial, desquels les anti-IVG doivent être écartés, de gré ou de force… militante. L’avortement à domicile doit être entouré de précautions, aujourd’hui insuffisantes, d’accompagnement et d’informations supplémentaires.
Transmis par le secrétariat aux Relations Extérieures de la Fédération
anarchiste.
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