” la politique est-elle l’art de résoudre les problèmes ou d
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Après les récentes interventions de M. Donnedieu de Vabres devant le
parlement, nous prenons acte avec satisfaction qu’après un an et demi de
contestation du protocole du 26 juin 2003, le ministre de la Culture admet
l’absurdité d’une approche comptable des annexes 8 et 10 de l’Unédic, et se
prononce enfin clairement pour le rétablissement d’une date anniversaire .
Par ailleurs, le ministre semble partager notre perplexité devant les
errements statistiques des gestionnaires de l’Unédic. Bref, il désavoue
poliment à son tour l’incompétence des signataires d’un accord à la fois
socialement intenable et économiquement douteux, et qui s’avère au reste
incapable de remplir la mission qu’ils s’étaient donnée: réduire le déficit
des annexes 8 et 10. Forts de cette analyse partagée, nous attendions de
découvrir les moyens que comptait mettre en oeuvre le gouvernement afin de
résoudre une crise qui n’a que trop duré. Or, nous constatons qu’il laisse à
des partenaires sociaux – qui n’ont jusqu’ici brillé ni par leur goût du
dialogue, ni par leur amour de la culture – la liberté de laisser pourrir la
situation jusqu’à l’expiration prévue de la Convention régissant l’Unédic,
c’est-à-dire décembre 2005.
Le ministre de la Culture entend, pendant ce temps-là promouvoir une «
politique ambitieuse de l’emploi culturel » dont l’intitulé semble
difficilement contestable : qui en effet osera jamais encore proposer « un
arrangement mesquin pour intermittents incultes » après le précédent du 26
juin? Son intention, développée par l’expert Guillot dans son récent
rapport, est que la production artistique ne soit plus rémunérée en partie
par les Assédic, mais par des salaires, correspondant de préférence à des
emplois permanents. Certainement cet objectif politique obéit-il à des
intentions qu’on peut qualifier de « bonnes », mais comment ne pas douter du
sérieux du projet quand on constate que ni l’expert ni le ministre ne
prennent le risque d’annoncer comment et surtout par qui seront financés ces
emplois permanents ?
Nous constatons en revanche que des moyens de coercition pour obliger à
pérenniser les emplois sont prévus. Dans le domaine du théâtre par exemple,
si nous le comprenons bien, l’expert imagine de conditionner l’octroi des
conventionnements (subventions de fonctionnement) à la création de postes
permanents, et les aides à la production au paiement d’un quota d’heures de
répétition. En un mot, seules les compagnies qui ont de l’argent pourront
continuer à demander de l’argent au ministère de la Culture, et seuls les
spectacles dont la production est déjà assurée pourront voir leur
financement bouclé par les DRAC. On imagine l’encouragement à la création, à
la novation, à la prise de risque qu’impliquent ces préconisations. On
mesure surtout l’économie substantielle réalisée par cette mesure simple,
efficace, et peu coûteuse. Trois lignes spécifiant ces nouvelles obligations
dans les formulaires de demandes de subventions, et par magie, des centaines
de projets, de compagnies dont les dossiers engorgeaient les bureaux des
DRAC s¹évanouissent. Mme Rived, secrétaire de la Fédération CFDT
Communication et Culture, toute à son oeuvre de collaboration avec le Medef,
de promotion de l’industrie télévisuelle et d’éradication du spectacle
vivant s’est empressée d’apporter sa pierre à l’édifice en proposant que la
licence d’entrepreneur du spectacle, indispensable pour solliciter quelque
subvention que ce soit, soit elle aussi conditionnée à cette logique
d’emploi permanent.
Nul n’a jamais dénié à quiconque le droit de vouloir être employé, ou
d’employer des salariés permanents. Ce que nous remettons en cause dans
cette préconisation de M. Guillot, c’est d’abord l’intrusion d’un formatage
à priori dans le temps de production, de fabrication, de représentation des
oeuvres ; qui peut décider en combien de temps et comment se travaille tel
ou tel spectacle ? C’est ensuite l’hypocrisie d’une sélection qui n’ose pas
s’avouer telle. C’est enfin et surtout une manière de claquer la porte au
nez des jeunes artistes et/ou techniciens, « les primo entrants » comme les
qualifie élégamment un autre expert, M. Charpillon, mandaté pour sa part
pour biffer des lignes dans les nomenclatures de métiers susceptibles de
relever des annexes 8 et 10.
Devant ce tableau contrasté de la situation, face à un ministre de la
Culture qui admet finalement la justesse de ce que nous proclamons depuis un
an, mais propose pour y parer un autre système d’exclusion, nous nous posons
la question : Pourquoi ne parvenons-nous pas à sortir de cette crise ?
Pourquoi notre démocratie s’avoue-t-elle incapable de répondre à une
situation complexe certes, mais dont les tenants et les aboutissant ont été
balisés par chacun depuis 18 mois de conflit ? Sans doute, parce que les
premiers concernés, les acteurs réels de la réforme, ceux dont la vie est en
jeu dans cette affaire ne sont pas écoutés et parce que leurs pratiques sont
ignorées. Il suffit pour s’en convaincre de lire la bibliographie de
l’expertise de M. Guillot : un seul recueil de textes écrits par des
intermittents pour 49 ouvrages écrits par des universitaires,
fonctionnaires, consultants en tout genre. S’il avait interrogé n’importe
lequel des acteurs de nos métiers, il aurait appris qu’il n’était nul besoin
d’appeler à une quelconque « professionnalisation », et que depuis vingt ans
jamais les niveaux techniques des musiciens ou des danseurs, par exemple,
n’ont été aussi élevés. Peut-être quelqu’un de moins étranger que M. Guillot
à la notion de création artistique aurait hésité à jeter dans le même sac
les 63 milliards d’heures passées par les français à regarder la télé, à se
rendre au cinéma, au théâtre, dans une salle de concert. Il aurait su que
pour nous, ces activités ne sont pas de natures égales, ni comparables.
Idem, il ne nous a pas échappé que dans les 57 pages que constituent ces «
Propositions à M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture et de
la Communication (pour une politique de l’emploi dans le spectacle vivant,
le cinéma et l’audiovisuel ») pas une ligne n’est consacrée au systèmes
d’indemnisation proposés par les opposants à la réforme (Nouveau Modèle
d’indemnisation du chômage des salariés intermittents de la Coordination
nationale des intermittents et précaires , accord Fesac).
Il convient de signaler ici qu’une expertise effective de ces modèles
alternatifs aurait supposé que M. Guillot disposât de données exploitables
fournies par l’Unédic. Or il s’est avéré que les données conservées par cet
organisme sont trop lacunaires pour permettre une évaluation fiable des
contre-propositions comme du protocole de juin 2003. S’embarrassant peu de
tels scrupules, c’est sur la base de ces données tronquées que l’Unédic
annonce périodiquement à grand cris de nouveaux déficits, prétextes à de
nouvelles saignées parmi les indemnisés. On ne peut que s’inquiéter du fait
que cette institution, qui gère l’indemnisation de millions de salariés
calcule ses budgets à la louche et privilégie la propagande à une analyse
sérieuse de sa propre situation. Et c’est avec cette même rigueur, et ce
même goût de la véracité que les mêmes acteurs se promettent de renégocier
la Convention assurance-chômage, fin 2005.
Ainsi donc, le pouvoir politique, aveugle aux réalités de nos pratiques,
sourd aux propositions faites par les premiers concernés, tétanisé par sa
peur d’affronter Medef et CFDT, ne nous semble pas en mesure de mettre en
place le « Valois de la Culture » qu’il appelle de ses voeux. Pour autant,
nous ne nous résignons pas. Après avoir analysé le protocole du 26 juin 2003
et sa circulaire d’application, après avoir élaboré un Nouveau modèle
d’indemnisation des salariés intermittents, nous continuons à travailler.
Soucieux d’éclaircir précisément la situation, de mieux savoir qui nous
sommes, de connaître la réalité quantitative et qualitative de nos
pratiques, nous avons lancé une expertise collective indépendante réalisée
en coopération avec le laboratoire Matisse-Isys (CNRS). Cette recherche en
cours comprend une étude statistique de l’indemnisation des salariés
intermittents, (à ce jour hélas retardée par le refus de l’Unédic de rendre
accessible sa base de données aux chercheurs comme aux usagers). Elle
intègre également une analyse sociologique, déjà en cours depuis deux mois
auprès d’un échantillon de 1500 intermittents.
Après 18 mois de lutte, nous savons vain de vouloir parvenir à « une
analyse partagée » de la situation, ou à un consensus avec les signataires
d’un accord Unédic qui n’a pour unique objectif que d’exclure et de
précariser le plus grand nombre possible d’entre nous. Nous ne voulons pas
participer à la création d’une excellence culturelle coupée du reste de la
société. Nous ne défendons pas le privilège d’une corporation, mais
réclamons au contraire la reconfiguration du champ d’application des annexes
8 et 10 : auteurs, plasticiens, pigistes et ceux partageant avec nous, mêmes
pratiques d’emploi et semblable précarité. Nous ne souhaitons pas protéger
les avantages d’une génération, en interdisant à la suivante de jouir des
mêmes. Et c’est parce que nous pensons avoir quelque chose à partager avec
tous que nous prétendons défendre un bien commun.
Il nous semble qu’un ministre de la Culture ne peut que partager ces
mêmes convictions, et ne saurait s’interdire d’en tirer les conclusions qui
s’imposent. Nous espérons donc une véritable décision politique, soufflée au
reste par M. Paillé, président (UMP) de la Mission d’information sur les
métiers artistiques de l’Assemblée Nationale. Nous demandons à M. Renaud
Donnedieu de Vabres d’ouvrir la nouvelle année par un acte politique majeur
: l’abrogation du protocole du 26 juin 2003.
Groupe Pollen cip-idf
[1] Quoi que le ministre ne l’ait pas exprimé clairement, nous l’entendons
bien comme suit : 507 heures cotisées sur une période de 12 mois ouvrent une
indemnisation de chaque jour chômé pendant 12 mois. Ce dispositif est la
première garantie d’une redistribution mutualiste. Toute autre acception du
terme de « date anniversaire » rompant avec la logique mutualiste (507
heures en 12 mois avec capitalisation de 243 jours indemnisés, par exemple)
relèverait donc pour nous de la pure falsification.
Le texte de ce Nouveau modèle d’indemnisation est consultable sur le site
de la Coordination : http://www.cip-idf.org
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