Se prostituer est un acte révolutionnaire

Ce lieu de nulle part, fluide, inconnaissable – Rencontre, Rupture, Affrontement, Corps à corps sans visage, où nous sommes à la fois transcendées et niées.
J’ai retrouvé cette alchimie féroce où ma chair se fait argent.
J’attaque l’homme, je le morcèle, je mets à nu son mécanisme, je polis ses voies secrètes et ses rouages clandestins.

PROSTITUTION – REVOLUTION

Je pose le masque de la femelle-servante, ma nudité est une armure étincelante, inexpugnable – rien ne me viole, rien ne me vole et je ne rends pas – je PRENDS.
Seule maîtresse à bord de mon corps, et la nuit tout entière est ma cuirasse cloutée d’or.
Quand m’abordent dans l’ombre ces vieux sor­ciers impuissants, je fouille dans leurs entrailles, je tends leurs muscles, j’aiguise leurs souffles – ils se cabrent sous mes caresses et parcou­rent en hennissant le fluide désert satiné qui ondule sous leur sexe.
Suis-je absente, suis-je présente ?
Je suis enveloppée de passé, et déjà capara­çonnée de futur…
Ma liberté m’éclate dans les doigts comme une lourde grenade pleine de fric.
Hommes, hommes, hommes !
Vous qui me traquez dans les rues…
Je suis une et multiple à la mesure de vos désirs, parée de rêve, offerte et interdite – Celle que vous vous payez, c’est mon Double… car mon identité secrète est enfouie si profond que vous ne la trouverez pas…
Je suis cachée sous des milliers de peaux que vous ne trouverez pas jusqu’à la dernière, celle qui est invisible et n’appartient qu’à moi.
Toutes son chères, et précieuses, douloureuses, douces, glorieuses. Je ri’en enlève aucune sans l’avoir remplacée, je mue, je suis serpent et femme, jamais usée, jamais blessée.

JE SUIS PUTAIN –

Et je vous glisse entre les mains comme un fruit de glace brûlante.
Oui, nous sommes des PUTES.
Et nos corps sont vos instruments.
Le SEXE est un organe magique, en communion avec ta terre, et tourné à la fois vers la vie et la mort…
Dans votre civilisation de refoulés et d’aliénés, on en a fait une maladie, un poison, un mat, une obsession –

La « PERDITION » –

Bande de tarés, vous ne voyez donc pas que vous vous perdez à force de vous priver !
Ces vertueux Chrétiens au Cul stérilisé dans de l’eau bénite me dégoûtent !
Quant à moi, revenue au trottoir et considé­rant que c’est un ACTE RÉVOLUTIONNAIRE je prends maintenant mon plaisir où je le trouve, ayant enfin débarrassé mon corps et mon esprit de tous ces vieux tabous : « pureté ». fiançailles, mariage, fidélité – à quoi ? à qui ? à la poubelle éducative…
Je VIS, et merde au reste.
Nous les Putes qui refusons de nous faire exploiter par votre système, nous ferons la Révo­lution sur les trottoirs, dans les commissariats, les prisons, les Ministères, les universités, les hôpitaux, partout. On fera sauter tous ces vieux* corsets académiques…
Que tous les hommes qui viennent à nous, « fatigués et chargés », comme il est dit dans la Bible – ceux que nous sauvons du suicide et de la solitude, ceux qui retrouvent dans nos bras et dans nos vagins l’élan vital dont on les frustre ailleurs – ceux qui repartent, les couilles légères et le soleil au cœur – cessent de nous emmerder, de nous juger, de nous renier, de nous taxer, de nous matraquer, de nous enfermer, de nous prendre nos gosses pour les mettre à l’Assistance Publique, d’enfermer nos amants et nos hommes de coeur…
Qu’on nous reconnaisse belles, utiles, désira­bles, habiles, qu’on reconnaisse que nous faisons bander et éjaculer des milliers d’hommes et que l’argent gagné à la sueur de nos culs et de nos cerveaux est à nous et que nous l’avons mérité Qu’on nous honore et qu’on nous respecte comme dans l’Antiquité où les Poètes nous ont chantées et célébrées comme des Reines –
Chacun à sa place –
L’ouvrier à l’usine, l’épouse au foyer – et les Putes au trottoir, étincelantes et scintillantes comme les joyaux de la nuit –
Nous les grandes Artistes de l’amour, nous ne vous faisons pas de mal.
Si vous nous en voulez aussi férocement, c’est que nous remettons en question tout votre engrenage d’exploitation meurtrière.
Nous refusons la guerre…
Nous préférons l’AMOUR.
Nous refusons la servitude des usines et des bureaux, du mariage, des patrons et de l’État.
Nous sommes LIBRES, malgré vos interdits et vos brimades. Libres d’être là, ou ailleurs, ou nulle part – libres de nos corps – libres de notre argent – libres de notre temps – libres de notre espace – libres de nos gestes et de nos parades –
Je me PROSTITUE –
Pour ma liberté présente et future –
Pour que ma vie explose dans un chatoiement périssable et superbe –
Je ne veux pas de vos attaches, de vos pièges, de vos chantages, de vos contrats et de vos au­mônes –
Je veux me lever et me coucher quand je veux –
Je veux vous faire bander QUAND JE VEUX – Vous éjaculerez quand je veux –
Vous me ferez jouir quand je veux –
Et vous me paierez –
Le plaisir que je donne est très cher –
Je suis votre Maîtresse-Courtisane –
Et vous êtes mes valets –
Je revendique ma prostitution comme une DÉLINQUANCE –
Pour mieux cracher à la gueule de vos lois – de vos prisons – de vos asiles – de vos écoles – de vos casernes –
Sur vos masturbations chimiques et électroni­ques, vos armes, vos uniformes et vos ordina­teurs.

Grisélidis Réal,
22 mal 1977.
Genève,
Sur le trottoir.

Marge, n°13, Novembre-Décembre 1977, p. 4.

 

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Sacre sexuel : prostituées, prêtresses, princesses

Vous qui détenez seules les secrets les plus veloutés de l’amour et du VICE – mots nobles, mots sacrés, mots royaux du corps et du SEXE…
La Prostitution est un titre de Noblesse – de la seule authentique noblesse du geste, de la parade, de la lîthurgie carnivore des sens – Car l’âme sans chair n’est qu’un insecte sec – aux antennes brisées –
PROSTITUTION tu déroules tes rites affolants et masqués au cœur des nuits flamboyantes, à la face du soleil et de la lune – Rites antiques –
Le Vagin brûle sous la morsure des verges –
Et l’homme s’agenouille sous les zébrures du cuir, sa jouissance s’exacerbe sous les coups rythmiques du fouet, son sperme explose à la cadence des gifles, des morsures et des crachats, la violence sexuelle est une communion avec la MORT –
Médiatrice et transcendentale –
Oui nous nous jetons en offrande –
Qu’on nous crève et qu’on nous lacère Pâtures scintillantes harnachées d’or et de lanières
Femelles bardées de velours
Hybrides et interdites
Achetez-nous – lapidez-nous
Déchiquetez nos cuisses pailletées
Moirées de bave
Perlées de foutres et de baisers
Nous sommes les Dispensatrices
De toutes vos damnations charnelles
Mâles châtrés aux phallus écorchés
Aux couilles flagellées
Aux Anus obscurcis par les coups
Les cordes et les clous
Eventrés par nos mains sauvages
Râlant ensanglantés sous le feu des urines
Et rutilants de morve
Buvez nos larmes et nos sangs
Allumez le cratère de nos ventres léchez nos mamelles dressées
Et nos buissons de chanvre Noir
Nous sommes vos citadelles
Et vos océans
Par l’ébranlement de nos langues
Et la caresse humide
De nos lèvres scellées sur vos sexes
S’éveille le jet brûlant
De vos raz-de-marée
Vous vous tordez vous gémissez vous renaissez.
Sans cesse entre nos mains gantées de cruauté Sous le satin de nos bouches armé de nacre étincelante
Chaque nuit est célébrée votre agonie
En la Chapelle ardente de nos corps
Chaque nuit votre enfantement est recommencé
Vous êtes remis au monde à coups de fouet
Vous sortez tout fumants de nos vagins
Nous vos louves-mères vos putains
Que vous avez enfermées
Humiliées stigmatisées
Nous sommes éblouissantes
Et plus désirables derrière vos barreaux
Nos griffes acérées se plantent dans vos sexes
Nous avons toute-puissance
De vie et de mort
Sur la meute affamée de vos sens
Sur le halètement rythmique de vos souffles
Et sur le cyclones tournoyants de vos FOUTRES

Grisélidis Réal,
Paris, te 31 août 1976.

Marge, n°13, Novembre-Décembre 1977, p. 5.

 

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En réponse aux concierges d’extrême gauche

MARGE PROXENETE :
C’est ce qui c’est dit dans le milieu ultra-gôchiste.
Ce qui a été dénoncé publiquement dans les meetings.
Vous avez même poussé l’audace jusqu’à venir chez les copains leur demander des comptes.
N’est-il pas curieux de voir des gauchistes qui se disent libertaires se conduire comme des flics, et des féministes comme des phallocrates ?
– Pauvres petits cons I
Avez-vous pu croire un seul instant que j’étais irresponsable au point de ne pouvoir utiliser mon cul librement ?
J’ai été pute ! et après !
J’aurais pu être psy-quelque chose, prof, femme de ménage, ouvrière ou épouse de P.-D.G., FAIRE DANS LA PROSTITUTION LEGALE QUOI !
Seulement voilà !
Le travail, les huit heures par jour, les trois ans passés en petite-dactylo-pour-salaire-minable, le manque de vivre dans un monde où le temps est compté, minuté, tout cela ne m’a pas laissé le choix et je les ai tous vomis mes patrons- macs !
Quitte à se faire baiser autant y trouver son compte, n’est-ce pas !
Et puis c’est marre, si vous n’êtes pas encore au clair, venez me voir plutôt que d’aller faire chier les copains.

Grisoune JONES.

Marge, n°13, Novembre-Décembre 1977, p. 4.