Rémi,

Le 26 octobre 2014, ta mort m’avait déjà marqué, s’ajoutant à la longue liste des violences policières, confirmant l’évidence qu’aujourd’hui, en France, on peut se faire tuer pour ses idées. Pour chacune de leur mutilation, les nouvelles armes du maintien de l’ordre, grenades ou flash-ball manquent de tuer. À chaque fois, c’est la peur de la mort que l’État nous lance dessus. Les mensonges des gendarmes, du préfet, du ministère et des médias ont confirmé à leur tour que rien n’était finit du régime assassin et criminel sous lequel nous avons toujours vécu. Que le mythe de la démocratie ne tenait que par l’omerta sur la répression policière. Que rien, sinon nos propres forces, ne pourrait renverser cet état de fait. Les jours suivants, comme beaucoup, je suis sorti dans la rue. Nous n’étions hélas pas assez nombreux tant la machine médiatique avait bien marché, tant elle avait si bien su nous diaboliser. Les responsables de ta mort ont même osé prétendre que nous salissions ta mémoire…

Rémi,

Trois ans après ta mort, dont nous nous rappellerons tous, toute notre vie, rien, du coté des préfectures, des gendarmes et des médias n’a changé. Le 15 août 2017, à Bure, j’étais dans la manifestation contre l’implantation du gigantesque centre d’enfouissement des déchets nucléaires CIGÉO quand nous avons été la cible d’une salve d’une quinzaine de ces grenades meurtrières et de nombreux tirs de flash-balls. Nous étions, à ce moment-là, dans un champ vide, les gendarmes n’avaient rien d’autre à protéger que leur fierté. Et la trentaine de blessés, dont quatre graves dont je fais partie, n’est pas trop cher payé pour cela à leurs yeux.

Alors que seulement deux gendarmes ont été victime de blessures superficielles, des journaux titrent : « Bure : des blessés des deux cotés », d’autres ne parlent pas de blessés coté manifestant et aucun avant médiapart ne précise la gravité des blessures que nous avons subies. La TNT de la grenade qui est tombée à coté de moi a explosé une partie de mon pied. Le ciment mis dans l’urgence à la place d’une partie du métatarsien de mon gros orteil pulvérisé ne sera remplacé par une énième opération de greffe osseuse que fin novembre. En deux mois, l’intensité des douleurs a varié et a ré-augmenté depuis une dizaine de jours, ce qui m’a contraint à annuler ma venue à cette journée en ta mémoire.

Je serai là, l’année prochaine et continuerai le combat du mieux que je pourrais avec ce corps mutilé et marqué à vie. J’envoie une pensée sincère à ta famille. Ta mère, ta sœur, ton père. J’ai moi-même deux enfants et ne peux qu’imaginer leurs souffrances depuis ton départ et leur dégoût face à l’impunité policière. Je leur souhaite de tenir bon, ainsi qu’à tes proches qui doivent eux aussi faire face à ton absence qui ne s’arrête jamais.

La vie continue, le combat pour elle aussi.

À toi Rémi,

Dijon, 21 octobre 2017

Robin Pagès