Lutte sociale et repression
Catégorie : Global
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LUTTE SOCIALE ET REPRESSION
Il ne s’agit pas ici de s’étonner de la répression qui frappe les «contestataires sociaux», toutes celles et tous ceux qui veulent un monde plus juste. Il s’agit de comprendre tout le sens que prend la répression, pourquoi a-t-elle telle forme plutôt qu’une autre, et quel est le sens de son intensité.
Au travers de deux exemples: l’EDF-GDF et les OGM nous allons voir se qui se joue pour ceux qui répriment et les réprimé-e-s.
Qu’un système économico-politique se défende contre ses détracteurs, rien de plus logique. Que le système marchand ait cette démarche ne doit pas nous étonner et comme tous les autres système de l’Histoire, il a les meilleures raisons du monde pour justifier cette répression. Hier c’était Dieu, aujourd’hui c’est la modernité.
DU RAPPORT DE FORCES
Il y a au sein du système marchand un rapport de force qui existe et qui est fondée sur l’essence même du salariat, système qui instrumentalise l’individu: sa force de travail n’a de valeur qu’au regard des conditions la valorisation du capital. Autrement dit les conditions d’existence de l’individu sont essentiellement déterminées par l’utilité qu’il représente pour le système… on a besoin de lui, on l’emploi (il a un revenu), on n’en a pas besoin, il est chômeur (pas de revenu… ou quelques miettes).
Le système marchand, quelle que soit la structure constitutionnelle de son appareil politique, est donc basé sur un rapport inégalitaire qui ne peut qu’engendrer du conflit. Ceci est essentiel pour comprendre le rôle et le fondement de l’action répressive.
Tout est évidemment fait, sur le plan politique, pour que ce principe du salariat soit préservé et ne change dans aucun cas: rôle des partis politiques, propagande, idéologie, élections, éducation,…
La répression, dans une démocratie marchande n’est pas comme l’on voudrait nous le faire croire, une sorte de défense du Bien contre le Mal. Cette vision manichéenne, réductrice à l’extrême a servi tous les systèmes et permet de faire l’économie d’une explication sur le «sens» du système. Ainsi, dans le cas de l’économie de marché, la légitimité fondée sur le peuple suffit à tout justifier, de même que la légitimité fondée sur Dieu, justifiait également tout.
Les mécanismes qui conduisent à la reproduction du système sont ainsi ignorés, on en reste à l’aspect formel d’une démocratie qui n’a jamais pu, et peut de moins en moins, cacher les conséquences sociales du système qui la sous tend.
C’est donc un rapport de force permanent qui anime le système marchand. Que ce soit une lutte permanent pour améliorer ses conditions d’existences (salaires, conditions de travail, protection sociale)…), en passant par la lutte pour l’existence sociale (avoir une emploi donc être reconnu puisque c’est le seul moyen dans ce système), jusqu’à la remise en question des fondements de ce système.
LA REPRESSION, UN SAVANT DOSAGE
La répression est affaire de calcul politique.
Pour être efficace dans tous les sens du terme, la répression doit à la fois stopper le processus de contestation, le dissuader pour l’avenir, mais aussi préserver l’équilibre social. Une trop grande répression risque d’enclencher un processus de déstabilisation sociale due à la riposte à la violence exercée, mais une répression trop molle risque d’encourager les contestataires à recommencer leurs actions.
Dans les pays dit démocratiques, la répression a des limites qui sont généralement imposées par les us et coutumes, les traditions, les valeurs proclamées, enfin la loi. Toutes ces limites sont évidemment théoriques et parfaitement transgressables, y compris la loi allègrement violée quand «nécessité fait loi».
La période historique et les contraintes exercées sur le système jouent également dans le processus répressif.
Ainsi dans le cadre de la privatisation d’EDF-GDF, l’atonie de la contestation sociale, face à une grave atteinte au service public a amené des agents de cette entreprise à durcir le mouvement: coupures sauvages, re-branchement aux pauvres, généralisation du tarif réduit,… La répression qui frappe les «contrevenants» doit servir d’exemple et d’élément de dissuasion, et face à cette répression, scandaleuse sur le plan éthique quelle riposte? Rien. Des protestations,… et encore! Aucune réaction morale ou politique de la population.
De même, dans le cas de la lutte contre les OGM, le gouvernement français, faisant fi de toute précaution, impose dans les faits, et hors la loi, les OGM… contaminant l’ensemble la nature pour mettre la population devant le fait accompli. Face à une telle pratique qui s’apparente, dans le principe à du «terrorisme d’Etat», la seule réplique possible est l’arrachage des plants transgéniques. Là aussi les autorités se doivent de sévir, en alourdissant les peines et en donnant des directives de sévérité au tribunaux.
Pour mener à bien cette répression, l’Etat dispose de mercenaires, dont on veut nous faire croire qu’il s’agit d’un service public (en mélangeant habilement sécurité et répression) et d’une Justice qui n’est évidemment pas indépendante, contrairement à la fable sur la «séparation des pouvoirs»… tarte à la crème de tous les pouvoirs «démocratiques».
Le pouvoir en place sait donc non seulement «ce qu’il doit faire», mais aussi «ce qu’il peut faire» et «jusqu’où il peut aller» en fonction de l’analyse qu’il fait du potentiel de force et de détermination de l’adversaire. Son action est en quelque sorte le reflet de «comment il nous voit», et si son analyse est juste, de «ce que nous sommes véritablement capable de faire et de supporter».
La répression n’est donc pas simplement une réaction pour stopper un mouvement, elle est aussi un test.
Ainsi, la détermination dont il fait preuve n’est pas aveu de faiblesse ou d’un aveuglement de sa part, comme tentent de nous le faire croire les politiciens de «gauche», mais au contraire l’expression de notre propre faiblesse. Faiblesse politique, toujours sur la défensive, sans projet d’alternative sociale concrète, toujours dépendant d’un calendrier électoral totalement stérile.
REPRESSION ET EVOLUTION DES LUTTES
Luttes et répression de celles-ci inter-réagissent au point que l’image de la répression reflète les forces et les faiblesses des forces en présence.
Ainsi, dans le cas d’EDF-GDF, l’Etat sait qu’il peut lourdement frapper, les syndicats étant incapables, et n’ayant aucun désir, de riposter. Il sait qu’en dehors de protestations symboliques il n’y aura aucune riposte.
Le mouvement social, le mouvement de contestation sociale a dramatiquement intégré le fait que la conclusion d’un conflit social se termine… devant le tribunal où l’on va symboliquement manifester avec quelques banderoles, et en espérant que les médias en parleront. Pour le reste, l’éclatement des conflits est la règle et la négociation, la conclusion (voir l’article «NEGOCIER, MAIS NEGOCIER QUOI?). Le mouvement n’a aucune dynamique d’alternative sociale… il est purement protestataire.
Face à l’Etat qui a une pratique sociale, celle de la gestion du système marchand, le mouvement revendicatif est lui exclusivement sur la défensive, dénonçant, alertant,… mais à aucun moment il ne conçoit et n’esquisse une action alternative, confortant les gestionnaires du système dans leur«bon droit», crédibilisant leur gestion et se décrédibilisant, en montrant, qu’ils n’ont «rien à proposer»… sinon que d’attendre un hypothétique «changement politique» qui n’apporte rien de nouveau. On comprend dès lors que toute action revendicative soit considérée comme illégale, hors la loi, irresponsable, exagérée,… et donc réprimée au nom d’une loi qui doit garantir la pérennité du système (voir l’article «VERS UNE SOCIETE POLICIERE?»).
Dans un système marchand mondialisé, les exigences du capital sont d’un autre ordre (quoique de même nature) que celles qu’il avait quand prédominaient les lois des Etats-Nation. Les formes de luttes elles sont restées les mêmes (manifestations, grèves, négociations, attente de l’arrivée de la Gauche au pouvoir…). Le système se satisfait parfaitement de ces formes, institutionnalisées, de luttes dont il sait qu’elles ne changeront rien. Il est prêt par contre à s’opposer à toute autre forme de lutte pouvant mettre en péril la domination du capital (défense du service public, recours à la gratuité, organisation directe producteurs-consommateurs, destruction physique des champs d’OGM, extension des systèmes de solidarité, atteinte à la propriété privée des moyens de production,…)
Il est évident que, tant que nous serons à la traîne d’organisations politiques assoiffées de pouvoir, décidées à se servir de nous comme masse de manœuvre électorale et prêtes à gérer le système marchand dès qu’elles accèdent aux responsabilités… nous serons toujours en situation d’infériorité.
L’expérience de la lutte nous prouve que son organisation et son issue ne saurait dépendre des règles du jeu truquées du système politique de la démocratie marchande. Il est plus que temps que le mouvement social (au sens large), s’autonomise, se dote d’une «expression politique» qui soit le reflet de pratiques sociales alternatives, aussi bien dans les luttes que dans l’organisation sociale.
On ne construit pas pour un monde meilleur en se soumettant à l’ancien, mais en lui montrant dans les faits qu’il a fait son temps… alors face à la répression il y aura une véritable résistance porteuse de rapports sociaux nouveaux (voir l’article «TRANSITION»).
Patrick MIGNARD
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