Place Jean Jaurès le 26 mai, aux alentours de 15h. La police poursuit la centaine de manifestant-es qui a été virée de la place Anatole France à grands renforts de gaz lacrymogène. Déjà, un syndicaliste cheminot a été interpellé en haut de la rue Nationale. Les flics sont tendus, et n’hésitent pas à prendre à partie certains militants.

De chaque côté de la voie de tram, les terrasses sont pleines. Les manifestants fuient, ne cherchent pas la confrontation. Pourtant, de nouvelles cartouches de gaz lacrymogènes s’abattent sur eux. Certaines personnes relancent les palets de gaz. C., 22 ans, reconnaîtra en garde à vue avoir lancé en direction des flics un caillou ramassé au sol. Sans atteindre ni blesser qui que ce soit.

Il a été arrêté peu après, parce qu’il courait moins vite que les autres, comme il le dira lui-même, et parce qu’il portait une veste facilement reconnaissable. Sans domicile fixe, il est placé en détention provisoire à l’issue de sa garde à vue, et est passé en comparution immédiate ce lundi. Poursuivi pour outrage, violence et attroupement.

A la rue depuis l’âge de quinze ans, C. a déjà été condamné à plusieurs reprises, et a fait quelques séjours en prison. Sur l’outrage et les violences, il se trouvait en situation de récidive. Le procureur a réclamé douze mois ferme, le tribunal l’a condamné à neuf mois, assortis de six mois de sursis et d’une obligation de soins. Neuf mois ferme pour un caillou.

Pour condamner C., le tribunal s’est uniquement appuyé sur le rapport rédigé par un commissaire de police. Un rapport qui prétend que les forces de l’ordre n’ont fait usage des lacrymos qu’après avoir reçu des projectiles de la part des manifestants. Pourtant, ce sont bien les flics qui ont lancé les hostilités, en bas du pont Mirabeau comme à Jean Jaurès. S’ils n’avaient pas ouvert le bal, C. ne dormirait pas en prison ce soir.

C’est également l’agressivité des policiers qui permet d’expliquer l’outrage. « Mort aux vaches, mort aux condés », aurait lancé C. Un refrain tellement dérisoire que les flics ne se sont même pas portés partie civile — contrairement à leur déplorable habitude [1]. Et malgré le comportement très respectueux de C. pendant la garde à vue et l’audience, il a quand même eu droit à un couplet sur la « haine anti-flic ».

Pour l’avocate, il est clair que la décision du tribunal s’inscrit dans un contexte plus large de répression des mobilisations contre la loi El Khomri. Depuis le début du mouvement, les condamnations pleuvent sur les manifestants. A Rennes, des militantes du Comité Féminismes de l’AG de Rennes 2 ont été condamnées à de la prison ferme pour une action visant un vendeur de bagels à la communication sexiste. A Rennes toujours, 19 militants sont visés par une enquête pour association de malfaiteurs, suite à une action dans le métro. A Lyon, le fait de tenir un bâton a valu à un manifestant d’être condamné à deux mois avec sursis.

Peu après l’annonce de la condamnation de C., une quête était lancée par les étudiants mobilisés pour lui permettre de cantiner. Un lycéen interpellé devrait passer devant le juge des enfants dans les semaines qui viennent. Deux étudiants, qui ont porté plainte suite aux violences policières de jeudi, sont également convoqués pour attroupement.

Notes:

[1] A ce sujet, lire cet article sur le business des outrages.