Vous réclamez avec emphase

Qu’on évacue, qu’on tablerase

La ZAD et tous ses habitants,

Les chiens, les femmes, les enfants.

Vous prenez des airs de marquise

Offensée pour qu’on stigmatise

Les gueux vivant à cet endroit

Dans une zone de non-droit.

Vous exigez qu’on rétablisse

Avec l’armée ou la police,

Et sans se priver du gourdin,

L’état de droit républicain.

Vous attendez des décisions,

Des ordres de dissolution,

Vous vous régalez de formules

Sans entrevoir le ridicule.

Non content d’être devenu,

Grâce aux non-voix des abstenus,

Calife à la plac’ du calife

Voilà que vous sortez les griffes.

Votre dernier référendum

N’avait déjà rien du valium,

Puisque conçu pour attiser

La haine et l’animosité.

Vous avez tu ses résultats.

Sans doute ils ne convenaient pas

Aux arguties machiavéliques

De vos prétentions politiques.

Mais vous dénoncez sans savoir

À partir des journaux du soir,

Tous à l’affût des mauvais coups,

Des gens dont vous ignorez tout.

Que n’allez-vous les voir un jour

Pour confronter vos beaux discours,

Sans craindre la métamorphose,

À la réalité des choses ?

Abandonnez sans avoir peur,

Vos beaux habits de sénateur,

N’essayez pas d’être trop clean.

Prenez un tee-shirt et un jean,

Oubliez dans votre bureau

Les parti-pris, les noms d’oiseaux,

Ces astucieux faux dérapages,

Qui font vibrer votre entourage.

MDR dans le “caniveau”

Sous le “balcon des écolos”

Non, vous n’êtes plus en campagne,

Cessez ce jeu du qui perd gagne.

Évitez surtout ce sourire

Forcé qui risque trop d’induire

L’idée qu’en fait, vous travaillez

Plutôt dans la publicité.

Vous êtes encor trop peu connu.

Vous ne serez pas reconnu.

Allez vers ces “ultra-violents”

Et leur grand projet paysan,

Ces salauds qui ont le courage

De se battre pour un bocage

Où ils ne sont même pas nés,

Ces paresseux, ces assistés

Qui font pourtant du maraîchage,

Du pain, du beurre et du fromage,

Qui élèvent veaux et cochons

Et qui ont construit leurs maisons.

Allez expliquer à ces gens,

Ces moins-que-rien, ces ignorants,

Que notre justice est la même

Et qu’il n’y a qu’un seul barème

Pour punir les contrevenants

Fussent-ils anciens présidents.

Expliquez-leur aussi pourquoi

Dans ce splendide état de droit,

On peut devant les préfectures,

Déverser lisiers ou ordures,

Voire incendier la MSA

Et martyriser quelques rats

Sans être taxé d’hors-la-loi,

Ni qu’on entende votre voix.

Allez donc rendre une visite

À ces paumés, ces parasites,

Tous ces accrocs du RSA,

Qui défient le monde et l’État.

Faites-leur le coup de la panne.

Invitez-vous dans leurs cabanes.

Goûtez à leurs soirées débats

Partagez leur vie, leurs combats,

Essayez de dormir tranquille,

Rien qu’une nuit, loin de la ville,

Dans un hôtel privé d’étoiles,

Où le toit, souvent, est en toile.

Participez aux grands chantiers

Aux côtés de ces émeutiers

Qui ont tenu tête à César

Quand ses soldats venaient en car

Pour tenter de les déloger.

Binez, creusez, semez, plantez…

Il y a toujours du travail

Dans ce vrai caravansérail,

Qui accueille à longueur d’année

Des gens prêts à tout partager.

Peut-être après les avoir vus,

Reviendrez-vous moins résolu,

Prêt à écoutez ce qu’ils disent,

À repenser vos analyses,

À comprendre que notre monde

Avant qu’il ne soit trop immonde,

A plus besoin d’idées nouvelles

Forgées avec plusieurs cervelles,

Que de vieux cerveaux formatés

À défendre avec cécité,

Arrogance et esprit obtus,

Un modèle qui ne tient plus.

 

illustration photo: Pawel Kadysz