Elections: participer ou pas ? (suite et fin)
Catégorie : Global
Thèmes : Archives
ELECTIONS : PARTICIPER OU PAS (suite et fin)
Le texte «ELECTIONS : PARTICIPER OU PAS ? » a entraîné pas mal de réactions dans les forums et les sites où il a été publié… la plupart d’ailleurs essentiellement négatives et fort critiques. Je n’en ai pas été surpris tant le malaise est profond dans notre société. Je ne peux pas répondre à toutes ces critiques. Ce texte précise un certain nombre de points et veut répondre à quelques critiques de fond. Il ne clos pas le débat loin de là car, quoi qu’il en soit le problème est désormais posé et il faudra bien, malgré les cris scandalisés et les « leçons de morale civique », y répondre.
SUR LA NATURE DU « PHENOMENE ABSTENTIONNISTE »
Rares sont les commentaires qui dénotent une conscience de l’ampleur et de la nature du phénomène. La plupart se résument à des « leçons de civisme » et à « fustiger-ces citoyens-irresponsables-qui-font-du-mal-à-la-démocratie ». De fait il y a une sous évaluation du phénomène qui, j’en suis convaincu, est le symptôme d’une dégénérescence du système politique consécutive à l’accroissement des contradictions qu’il reflète : en particulier le « statut de citoyen », parfaitement contradictoire avec l’ « instrumentalisation du salarié ». Cette impuissance et ce refus, voire, je ne l’exclue pas, la crainte de l’analyse du phénomène, est extrêmement préoccupante car, en se projetant dans l’avenir, vue l’aggravation des conditions sociales et économiques et le glissement de la classe politique vers plus d’isolement et de corruption… on cours à la catastrophe… catastrophe que certains mettront évidemment sur le dos des… abstentionnistes.
L’abstention n’est plus celle des « pêcheurs à la ligne », elle est aujourd’hui l’expression d’un « ras le bal » politique, citoyen, d’un désarroi devant l’aggravation des contradictions de notre société et la volonté de la classe politique de « faire comme si de rien n’était ». Cette attitude des politiques est confortée, il est vrai, par la passivité des « citoyens » qui « râlent mais qui votent »… du moins jusqu’à présent.
L’abstention est une attitude de citoyens-nes et qui se vivent et se revendiquent en tant que tels. Les mépriser, comme c’est souvent le cas, les culpabiliser, voire essayer de les récupérer (les votes n’ont pas d’odeur) est la pire des attitudes. C’est à la fois les nier dans leurs interrogations et refuser de poser le problème de fond. Caricaturer leurs propos, du genre « Ah oui, pour toi il n’y a que le Grand Soir qui compte » ou pire « Ton attitude conduit finalement au terrorisme » fait assurément progresser la réflexion (sic) et montre le degrés d’intelligence citoyenne des « donneurs de leçons »…Ce n’est ni par le mépris, ni en trépignant frénétiquement et en scandant « il faut voter », « il faut voter »… que l’on règlera le problème et que l’on convaincra les récalcitrants.
SUR LA NATURE DE L’ELECTION
J’ai eu beau défendre le principe de l’élection et expliquer qu’il est incontournable dans une société organisée, certaines critiques ont absolument voulu m’accuser d’être « contre l’élection »… c’est tellement plus facile ! ! . Attitude singulière et qui dénote une vision quasi obsessionnelle, voire mystique de ce qu’est l’élection. Il y a là une sorte de tabou qui annihile toute clarté de jugement. Toucher à l’élection… c’est toucher au droit de vote… c’est toucher à la démocratie… c’est ouvrir la porte au totalitarisme… conclusion : « il faut voter ». A la question « pour qui ? »… peu importe, « il faut voter »… mais … « il faut voter » ! ! ! ! ( ????). Le dialogue rationnel n’est plus possible. Attitude gravissime qui ne fait pas avancer la réflexion d’un iota au contraire. Cette attitude obsessionnelle agit d’ailleurs de manière totalement négative envers celles et ceux qui ne votent plus car ils/elles se calent aussi sur des positions parfaitement opposées et elles aussi obsessionnelles. « à bas le vote» … » « à bas toutes les élections » ( ????)… ce qui ne fait guère plus avancer le débat.
Il est tout à fait symptomatique que l’on fasse systématiquement l’amalgame entre abstention et désintérêt, désengagement politique, cela montre une fois de plus que l’on résume l’engagement citoyen à la seule participation (ou presque) de l’élection… alors que, dans la réalité nombreux sont les votant qui se foutent royalement de la vie politique et qu’il y a de plus en plus d’abstentionnistes qui sont des citoyens engagés dans le mouvement social.
L’ELECTION A L’EPREUVE DES FAITS
Les récents évènements dramatiques d’Espagne et leurs conséquences électorales (la défaite du Parti Populaire et la victoire du PSOE) ont aux yeux de certains confirmé la « force des élections ». C’est prendre ses désirs pour la réalité.
Que l’élection ai permis aux Espagnols de virer un parti au pouvoir réactionnaire et manipulateur c’est un fait incontestable… mais pour mettre quoi à la place ? un parti qui a déjà été au pouvoir, aussi réactionnaire et corrompu que le précédent… quel progrès ! ! ! ! … Il est vrai que le PSOE va retirer les troupes d’Irak (encore que je demande à voir !), qu’il n’a pas les mêmes relations avec l’Opus Dei, qu’il n’a pas la même histoire,etc.. Mais sur le fond il va gérer le même système d’inégalité, de misère et de privatisations…Il a même l’intention de « libérer » l’information (suite aux manipulations) de la tutelle de l’Etat et donc la livrer… au fric… Et on peut appeler ça un progrès ? Mais l’élection telle qu’elle est conçue aujourd’hui laissait-elle un autre choix ?… évidemment que non. De même pour nous à la Présidentielle où l’on était piégé (VOTEZ ESCROC, PAS FASCHO).
Et je ne parle pas du « retour à la Démocratie » en Russie avec l’élection du « boucher de la TCHECHENIE » qui a fait distribuer du chocolat aux électeurs et prendre la tension artérielle aux vieux à la sortie des bureaux de vote ( ?)… pour limiter l’abstention. Quel progrès ! ! ! !
Et je ne parle pas de Lula au Brésil où l’on allait voir ce que l’on allait voir… Sans commentaires !
Et…….
L’ABSTENTION ET LE FRONT NATIONAL
« L’abstention fait le jeu du Front National !», c’est l’argument qui se veut massue pour faire voter, quand tous les autres ont échoué. Argument évidemment fallacieux qui a pour objectifs , faire peur et culpabiliser.
Si l’on part du principe que les votes sont captifs, les politiciens parlent d’ailleurs comme des propriétaires « mon électorat », « mes électeurs », et que l’électorat du FN est un électorat « stable », autrement dit politiquement engagé dans ce mouvement… alors oui, l’abstention, qui touche la gauche, et moins la droite (encore que !), fait le jeu du Front National.
Hélas pour nos stratèges électoraux, la réalité politique n’est pas aussi simplement caricaturale. Il y a parmi les électeurs du FN, et toutes les études le démontrent, une bonne partie de gens qui en ont marre d’être pris pour des imbéciles. Ils se trompent certes en votant FN, mais l’on sait bien que l’extrême-droite (qui a d’ailleurs été instrumentalisée pour des raisons électoralistes par la gauche et la Droite), experte dans la manipulation, la récupération et la confection des illusions arrive à les attirer… autrement dit, l’électorat du FN est composé de citoyens écoeurés qui, voulant remplir leur devoir de citoyen, votent comme on leur a dit de le faire. Franchement, je préfère un citoyen qui s’abstient qu’un citoyen qui vote FN… Certains de mes détracteurs penseront ainsi qu’un électeur du FN est meilleur citoyen que moi… la preuve, il a voté, lui… Raisonnement d’une haute teneur.
§
Quoi qu’il en soit, du fait de l’aggravation de la situation sociale, de la morgue et cynisme des politiques et le verrouillage du système électoral, l’abstention va probablement et inéluctablement progresser. Le discours moralisateur va être de moins en moins adapté à la situation…Il va bien falloir à moment donné discuter sérieusement… et éviter le discours civiquement moraliste.
Je déplore qu’au nom d’une position de principe, aujourd’hui largement battue en brèche par la réalité, l’on s’enferme sur des positions qui rendent sourds à toute analyse et tentative d’explication du phénomène de l’abstention.
Je déplore cette véritable attitude de dénie de la réalité dans lequel se réfugient, encouragés évidemment par la classe politique qui a tout à perdre dans cette affaire, celles et ceux qui pratiquent le « culte de l’élection » alors que tout le système est entrain de se décomposer à leurs pieds.
Je déplore cette attitude minimaliste qui se contente de « voter pour le moins pire », de « voter parce qu’il vaut mieux ça que rien », de « voter parce qu’il n’y a pas d’autre alternative », …
Je déplore cette situation bloquée qui est le symptôme de notre impuissance à penser et concevoir une alternative à ce système économique et politique qui n’a jamais respecté l’être humain.
Je déplore cette pratique qui est entrain de préparer lentement mais sûrement le terrain à l’extrême-droite qui se nourrit de la crise et du désarroi croissant des citoyens.
Je déplore cette attitude qui nous conduit tout droit à la catastrophe.
Patrick MIGNARD
Commentaires
Les commentaires sont modérés a priori.Laisser un commentaire