Pour comprendre le savant calcul qui légitime un mensonge, il faut rappeler les subtilités administratives pour fabriquer un chiffre que les médias attendent alors qu’il ne veut rien dire. Cet indicateur de rien pourtant donné par le Ministère du Travail dénombre en fait un stock parmi un entrepôt… Il y a 8 catégories chômeurs. La 1 (demandeur d’emploi immédiatement disponible à la recherche d’un emploi à plein temps et à durée indéterminée) est celle qui est privilégiée. C’est subtil, mais effectivement, elle a baissé, mais pas par miracle ou par effet de croissance… Déjà en n’ajoutant pas à ces 2,4 M d’individus environ les personnes à la recherche de ce même type d’emploi et de contrat mais ayant travaillé plus de 78 heures dans le mois, on fait diminuée artificiellement le nombre – j’avais dit que c’était subtil. Mais on n’a pas fini d’être émerveillé devant tant de talent de précision dans la sélection. Oui, la catégorie 2 (demandeur d’un emploi à temps partiel) elle, n’est pas comptée… Ça masque mieux la précarité – à croire que c’est fait exprès. Or, il suffit de caser plus de gens dans celle-là, et de ne pas communiquer sur celle-là, pour être sûr que soit le chômage augmente lentement soit qu’il diminue… Sinon, en effet, il augmenterait, et vite. Il y avait dans cette catégorie 2, un peu plus de 450 000 chômeurs avant novembre, il y en avait 12 300 de plus en novembre, pendant que la catégorie 1 perdait un ridicule 0,2 %. Mais ça, ça ne compte, pas les 12 300 de plus. Avant de donner le bilan de l’opération, je rappelle par perfidie anti-raffarino-fillonniste, que le même chiffre du chômage ne comprend pas non plus ceux et celles qui cherchent un emploi à durée déterminée (saisonnier, intérim), ceux et celles dit(e)s « non disponibles immédiatement » (l’administration n’est pas très forte en lettres, l’adjectif « indisponible » existe pourtant) ; puis on oublie aussi les malades (en congé maladie on n’est pas compté comme chômeur) et les stagiaires. Au jeux de massacres politiques, aujourd’hui, c’est toujours les mêmes qui perdent car en 1995 (Juppé) on inventa une catégorie subjective, celle des « dispensés de recherche d’emploi » (les précaires « vieux », les plus de 55 ans !). C’est pas du jeux, mais l’administration peut tout se permettre. Plus dégoûtant, au Ministère, on préfère croire que les DOM-TOM ont voté oui au référendum pour leur indépendance : les environ 200 000 chômeurs de ces territoires ne sont pas comptés ! Les considère-t-on encore comme des esclaves ?

En fait, pour en revenir au calcul savant, le chiffre de la catégorie 1 a perdu un ridicule 4 600 chômeurs. Comme en même temps à l’ANPE, il suffit de vous enregistrer sous la catégories 2 si vous dites cherchez un emploi à temps partiel, ou même si vous ne le dites pas d’ailleurs, puisqu’il n’y a que ça comme « boulot », en novembre cette catégorie a augmenté de 12 300 personnes. Officiellement, le taux chômage baisse de 0,2 %, ce qui après avoir été dangereux en flirtant avec la ligne rouge des 10 % de décembre (avec 9,8 %), permet de refroidir un peu la surchauffe avant les élections, peut-être pour ne pas trouver nécessaire après les mêmes élections de faire la grande loi pour l’emploi que veut l’escroc-président, grâce à la croissance qui serait en train de revenir… Bref, trêve de spéculation, on revient donc à 9,6 %, soit au taux d’octobre. Sauf qu’en ajoutant aussi au chiffre de l’ANPE, les découragés qui ne s’inscrivent plus à l’ANPE, alors avant décembre on était à 5 M de chômeur, moins 0,2 %, ça fait pas grand chose. Mais avec 0,2 % sur 2,4 M, ça fait moins de 10 %. 12 300 sur 2,4 M ça fait par contre 0,5 %, et 0,5 % ajouté à 9,6 %, ça 10,1 % ou, si on veut être méchant, 10,3 et faire comme si la chute de 0,2 % était déjà une fabrication. En octobre, avec 9,6 % de chômage, nous sommes à 4,33 M environ. Pour enfoncer le clou contre le Ministère du Travail, on rappellera qu’en fait de catégorie 1, c’est surtout les chômeurs indemnisés qui sont comptés… On est donc toujours à environ 5 M, car on ne peut toujours pas évaluer les découragés…

Cela va évidemment augmenter : entre les futurs licenciements en 2004 et fin de CDD conjugués à l’entrée en vigueur de la convention UNEDIC dite PARE 2, ce 1er janvier 2004, réduisant l’indemnisation du chômage à la peau de chagrin. Vivement le RMA pour faire baisser tout ça !

On ne rappellera jamais assez que l’occupant néolibéral des esprits avait choisi en Angleterre thatcherienne de changer de façon de compter le chômage 17 fois en 11 ans (1979 à 1990), et à chaque changement, le chômage baissait – une pure coïncidence sans doute. Les chiffres du chômage sont un vrai enjeu, politiquement parlant, mais les chiffres seulement…

Ha ! Suis-je distrait, j’allais aussi oublié un mécanisme important ! Où ai-je la tête ? ! On se rappelle qu’avec le PARE le taux de radiation est devenu proprement stratosphérique : entre 2001 et 2002, ce taux s’élève à 109 %. La mise en place du PARE a été suivi méthodiquement car son programme était de ramener plus rapidement à l’emploi. Donc au trois quart du parcours, soit en octobre 2002, le taux de radiation s’élevait à 80 % en plus qu’au même moment l’année précédente, soit octobre 2001 quand le PARE n’avait que quelques mois. Il s’avère que le bilan au trois quart de l’année 2003, soit en octobre, les radiations s’élevaient à 89 % en plus… Donc, on a encore plus radié en 2003 qu’en 2002. Et nous n’avons pas encore le taux définitif pour l’année 2003 entière. Il est à parier que l’on va trouver un taux de radiation plus élevé encore qu’en 2002.

Avec tout ça, le chômage peut baisser « artificiellement. » Un chômage qui baisse, c’est bon pour les élections. Un taux de radiation qui augmente sans qu’on l’ébruite trop, c’est mauvais pour les chômeurs… Mais aussi pour la société civile, la cohésion sociale et la démocratie. Mais ça, est-ce que c’est vraiment important quand le but est de revoir la protection sociale en totalité sous diktat de refondation sociale MEDEFienne ?

publié sur le site d’AC§ Rhône le mardi 13 janvier 2004 par Francois