Utopia, se réveiller
Catégorie : Global
Thèmes : Racisme
UTOPIA, Se réveiller
Par Eyal Sivan
Cinéaste et enseignant Israélien
Cela fait des années que les salles du réseau Utopia accueillent à la fois les films et les débats autour d’importants sujets de société dont la France d’en-haut n’aime pas discuter. Les salles Utopia font le lien entre un cinéma indépendant, les réseaux associatifs locaux et les spectateurs. Mais parmi tous les débats, c’est le conflit israélo-palestinien qui soulève le plus de passions.
Qu’on soit pour ou contre la décision prise par le réseau Utopia de se désengager de la sortie nationale du film israélien « A 5 heures de Paris » de Leonid Prudovsky en décalant sa sortie de quelques semaines, pour programmer un autre film réalisé par une cinéaste israélienne « Rachel », de Simone Bitton, le réseau Utopia doit être salué pour avoir utilisé sa liberté d’action et d’expression.
Salué pour avoir désenclavé le débat complexe à propos du boycott académique et culturel du régime israélien et l’avoir transformé en un mode d’action qui mérite d’être discuté. L’appel au BDS (Boycott Désinvestissement Sanction) a été émis par des sociétés civiles palestiniennes et relayé par des centaines d’associations à travers le monde, y compris par des organisations et personnalités israéliennes. L’amalgame entre l’appel au boycott (dont les règles sont précises et n’impliquent pas des individus, mais des organisations) avec l’acte de solidarité d’Utopia a permis, malgré la campagne de désinformation, de désenclaver un débat ouvert depuis un long moment déjà, partout en France, y compris dans les salles Utopia, mais qui était boycotté par les médias et donc ignoré du grand public.
En agissant ainsi, Utopia a répondu à un appel pressant de relayer la critique, l’opposition et la contestation exprimées dans le cinéma palestinien et dans certains films israéliens, et de les transformer en une action citoyenne.
Il s’agit de changer les relations entre les films, les diffuseurs / programmateurs et les spectateurs du cinéma en provenance d’Israël-Palestine. Car, grand consommateur de cinéma israélien, et parfois palestinien, le public français (et européen) n’est pas que l’otage de la machine de soutien à la distribution cinématographique du gouvernement israélien. Le public français et européen est aussi avide de comprendre, et avide d’espoir.
A la question incessante posée par le public lors de débats dans les quelques salles qui accueillent les films boycottés par les grand circuits : « Que peuvent faire des citoyens lorsque le gouvernement français et les hommes et femmes politiques n’ont pas seulement démissionné d’un quelconque rôle dans le conflit israélo-palestinien, mais qu’ils se sont alignés, en solidarité, parfois obscène (comme ce fut le cas au lendemain de l’attaque Israélienne sur Gaza), derrière la politique criminelle des autorités israéliennes ? » L’équipe de Utopia a répondu par un acte citoyen et professionnel.
Car le métier d’un programmateur consiste aussi à contextualiser les films. Utopia a donc décidé de décaler la programmation d’une comédie sentimentale israélienne (sans que sa qualité cinématographique soit remise en question), pour programmer un film qui prouve malheureusement à la fois la qualité prémonitoire du documentaire, et son actualité. « Rachel », le film de Simone Bitton, raconte l’histoire d’une militante pacifiste de 24 ans participant à un mouvement international de solidarité qui fut écrasée par un bulldozer de l’armée israélienne alors qu’elle protestait contre la démolition des maisons de Palestiniens dans la Bande de Gaza. « Rachel Corrie », c’est aussi le nom d’un des bateaux de la flotille qui a tenté de rejoindre Gaza, sans succès.
C’est parce que les programmateurs d’Utopia regardent et connaissent les films qu’ils programment, parce qu’ils connaissent si bien le cinéma israélien et palestinien, qu’ils ont pu agir immédiatement et marquer ainsi leur colère et leur protestation. Alors qu’à nouveau les autorités israéliennes employaient brutalité et censure des images, Utopia a décidé de programmer « Rachel », exprimant sa solidarité avec la Flotille Free Gaza, s’opposant à la version officielle israélienne, et refusant que ce crime d’Etat ne soit aussitôt oublié parmi la dramatique actualité des faits divers.
En privilégiant une forme de cinéma à une autre, un discours face à un autre, un petit film indépendant que 99% des salles françaises n’ont pas programmé à un film qui bénéficie d’une sortie nationale dans 50 salles, Utopia a agi en programmateur professionnel, libre et (certes) engagé.
Depuis des années, Utopia sert de réseau de distribution aux films israéliens comme palestiniens refusés par les grands circuits de distribution français. Aujourd’hui, Utopia montre que la protestation à l’égard de la politique israélienne et le rappel permanent au respect du droit international peuvent se faire à tous les échelons de notre société. Mais il faut oser rendre le débat public.
En effet, c’est la question des relations entre le cinéma israélien et le pouvoir israélien qui a été soulevée. Il n’est pas surprenant que ce soit le boycott académique et culturel qui soulève les débats les plus vifs. Ce n’est pas seulement à cause de sa complexité, mais surtout à cause de l’utilisation des produits culturels israéliens par l’appareil de propagande et de markéting d’Israël (ce n’est pas le propos ici, mais il faudra par ailleurs prendre le temps d’étudier le phénomène du succès du cinéma israélien, ainsi que la relation entre son contenu et la promotion étatique dont il bénéficie).
Limor Livnat, ministre de la culture israélienne, ne cesse de le répéter : « Le cinéma israélien prouve à chaque fois que la culture est la meilleure ambassadrice de l’Etat ». En effet, alors que le cinéma israélien (et particulièrement le cinéma documentaire) ne bénéficie d’aucun soutien pour sa diffusion/distribution en Israël, il est largement soutenu et financé par les services culturels des ambassades israéliennes. Pour exemple, s’ouvrira le 21 juin à Marseille un Festival de films israéliens soutenu par le consulat d’Israël. Ce type de manifestations officielles se déroule parfois à l’insu des auteurs, qui ont déjà appelé plusieurs fois à ne pas être instrumentalisés par le gouvernement israélien, quelquefois avec des pressions commerciales des distributeurs sur les réalisateurs, comme ce fut le cas cet hiver au Forum des Images à Paris lors de la rétrospective Tel-Aviv, et souvent par le refus des auteurs eux-mêmes d’exprimer un quelconque engagement politique.
Les détracteurs diront que la promotion par les autorités israéliennes d’un cinéma qui peut être considéré comme critique est un signe de santé démocratique. Nous savons tous qu’aucun Etat démocratique en guerre ne promeut ses opposants, et quand il le fait ça s’appelle de la propagande. La promotion de certains films dits « critiques » est un intérêt d’Etat, ce qui explique que même le ministre des affaires étrangères actuel, le leader d’extrême-droite Avigor Liebermann, n’a pas donné l’ordre aux services consulaires de cesser le soutien à la distribution à l’étranger de certains films, considérés à l’étranger comme « critiques ». Il s’agit naturellement de maintenir l’illusion démocratique, alors que le régime d’apartheid dans les territoires occupés par Israël prive plus de trois millions de personnes d’accès à la culture et à l’éducation, et cela depuis plusieurs dizaines d’années.
Le cinéma israélien a été clairement désigné par les autorités israéliennes comme un produit d’exportation dans lequel il vaut la peine d’investir, même si les spectateurs et cinéastes israéliens n’en profitent pas. A l’ouverture du Festival International du Film à Haïfa en 2007, le président israélien Shimon Peres a rappelé que « le cinéma américain a créé l’image de la grande Amérique dans le monde, car ce cinéma a plus d’influence que l’armée ou l’administration américaines. Les films nous permettent de rêver d’être plus beaux, plus intelligents et meilleurs. Et si le rêve américain a été créé par Hollywood, pourquoi ne pourrions-nous pas, nous aussi, rêver ? »
Peres appelle à une augmentation des investissements, considérant le cinéma comme un moyen d’endormissement des masses.
J’espère qu’Utopia incitera beaucoup d’autres à réveiller les Israéliens du rêve illusoire dans lequel ils se sont enfermés, avant que la réalité ne devienne un cauchemar pour nous tous.
Merci Encore
Eyal
Eyal Sivan
Cineaste Israelien
Associate Professor in Media Production
University of East London (UEL)
—————————–
Campagne BDS France
Vous trouverez sur le site
– l’argumentaire de la campagne
– des dispositions pratiques, juridiques
– l’appel de la société civile palestinienne
etc…
aussi, les conditions précises du boycott culturel
http://www.bdsfrance.org/index.php?option=com_content&v…id=13
L’Union Juive Française pour la Paix soutient le BDS dans ces conditions explicites
La lettre d’Eyal Sivan, transmise à Pierre Stambul, est donc parfaitement contextualisée
http://cnt-ait.info/article.php3?id_article=1129
extrait d’un messages des « Artistes pour la Paix » :
Plusieurs cinéastes israéliens ont récemment refusé de participer à un festival parisien qui aurait pu servir de paravent propagandiste aux exactions militaires d’Israël. L’un d’eux, Eyal Sivan, a déclaré vouloir maintenir « une distance vis-à-vis tout événement qui pourrait être interprété comme une célébration de la réussite culturelle en Israël ou un cautionnement de la normalité du mode de vie israélien ».
Ces artistes-là, nous ne voulons pas les boycotter, bien au contraire, nous les soutenons, nous encourageons leur discours. Pour nous, il ne s’agit pas de les signaler comme faisant partie d’une liste d’exceptions au boycott, mais bien de dire à l’aide de ces quelques exemples à quel point un boycott des idées, des intellectuels ou des artistes en général ne peut que nuire à la cause complexe de la paix. Nous estimons qu’un boycott culturel n’est que censure, c’est-à-dire une attitude propre aux états totalitaires. Cela ne serait que contreproductif, vu que l’artiste est par essence subversif et propose une réelle ouverture vers des valeurs d’humanité et de compassion qui favorisent la paix et la compréhension mutuelle.
ce texte vient en complément de la lettre d’Eylan Sivan. Pas de boycott culturel
Alors pourquoi rajouter un appel du BDS qui prône un boycott total, même dans le domaine culturel ?
C’est un détournement de la pensée de Sivan, c’est une récupération inadmissible de Sivan pour le BDS !
1) la position des « Artistes pour la Paix » n’est absolument pas , je cite,
« ce texte vient en complément de la lettre d’Eylan Sivan. Pas de boycott culturel »
comme le prétend le commentaire, en complément de la lettre d’Eylan Sivan , puisqu’elle date de décembre 2009 (on sait lire et faire une recherche, merci !)
2)la lettre d’Eylan Sivan a été transmise à Pierre Stambul (UJFP) le 14 juin 2010
Eylan Sivan, pour être proche de l’Ujfp, sait très bien que l’Ujfp soutient le BDS, y compris culturel dans les limites fixées par la campagne internationale
C’est d’ailleurs assez clair dans cette lettre, tout comme dans d’autres lettres qui précèdent
3) la position officielle de la campagne BDS est explicitée longuement sur le site de la campagne
Campagne BDS France
On trouvera sur le site
– l’argumentaire de la campagne
– des dispositions pratiques, juridiques
– l’appel de la société civile palestinienne etc…
http://www.pacbi.org/
aussi, les conditions précises du boycott culturel http://www.bdsfrance.org/index.php?option=com_content&v…id=13
L’Union Juive Française pour la Paix soutient le BDS dans ces conditions explicites
La lettre d’Eyal Sivan, transmise à Pierre Stambul (UJFP), est donc parfaitement contextualisée
On remarquera que le réseau Utopia est régulièrement la cible de la haine des sionistes
Eya Sivan, quand à lui, a reçu par courrier…. une balle…. en guise d’avertissement
Plus aucun argument, alors il en invente !
Il se trouve qu’Eyal Sivan PARTICIPE au BDS. Il s’en est d’ailleurs très bien expliqué justement lors de la présentation de son dernier film à Utopia Toulouse, où il a expliqué comment il en était arrivé à la conclusion que l’efficacité du boycott n’était pas tant sur le plan économique que sur la destruction de l’image de marque d’Israël.
Faudrait peut-être se renseigner au lieu de dire n’importe quoi !
N’en déplaise au contributeur précédent, Utopia a t il été condamné – oui ou non – par les prud’hommes (qui est loin d’être une organisation révolutionnaire) pour les faits qui lui étaient reproché (non payement des salaires de ses employés notamment) ?
La réponse est oui.
Utopia boycott peut être les films sionistes, mais par contre les patrons d’Utopia ne boycottent pas l’exploitation salariale …
Si Utopia se transformait en SCOP ils gagneraient surement en crédibilité …
il y a quelques recommandations fort intéressantes dans ce qui est boycottable ! et avec ça, les promoteurs pensent faire avancer la paix ?
« De tels événements et projets, qui cherchent souvent à encourager le dialogue ou la « réconciliation entre les deux côtés » sans traiter des exigences de justice, font la promotion de l’oppression et de l’injustice. Tous ces événements et projets qui amènent des Palestiniens et/ou Arabes et des Israéliens ensemble, sauf s’ils sont conçus explicitement en opposition à l’occupation et aux autres formes d’oppression des Palestiniens, sont de forts candidats au boycott. »
extrait du BDS
dialogue ? connaissent pas. Uniquement des actes de contrition. Les artistes responsables des actes gouvernementaux !!!!!!!!!!!
Une réponse cinglante au troll « anti-troll » par une artiste ISRAÉLIENNE, contre tous ceux qui essaient de diaboliser et calomnier le boycott d’un Etat raciste et en faire une attaque anti-juive et anti-israélienne.
Ça a peut-être marché un certain temps, mais ça ne marche plus, faudra vous faire une raison.
Pas UN SEUL article ou commentaire en défense des Palestiniens sans que ce triste personnage ne vienne semer sa haine. Il faut vraiment être malade pour trimballer de telles obsessions !
L’« affaire Utopia » autour du film israélien : une polémique obscène, par Simone Bitton
http://nantes.indymedia.org/article/21049
Evidement ces différents messages relatifs au patron du cinéma n’ont qu’un rapport très lointain avec le sujet initial.
Et pourtant, loin d’être des trols, je leur trouve néanmoins un mérite : celui de nous amener à réflechir sur les bases sur lesquelles se fait la solidarité avec les palestiniens.
Je dis bien avec les palestiniens, et non avec la palestine.
Car en fait, bien souvent, la solidarité se fait sur des principes essentiellement nationalistes (la palestine contre israel), et en tout cas loin de toute considération de lutte de classe. D’ailleurs ce mot n’apparait jamais dans le discours dominant du mouvement « pro palestine ».
En perdant le nord de la boussolle de classe, dès lors il ne faut pas sétonner de se retrouver embarquer (sans mauvais jeu de mot) bras dessus bras dessous avec des patrons, des religieux, des politiciens, etc … bref toutes catégories qui – dans un contexte franco-français – nous feraient pourtant gerber et contre qui nous luttons au quotidien.
Comment développer une stratégie pour la solidarité sur des bases de classe et sans soutenir les nationalistes, palestiniens comme israeliens ?