Durant de longues années nous avons mené notre action de représentation du personnel au sein de notre syndicat CFDT SNPE puis SME. Cette action a été partagée par un nombre de plus en plus grand de salariés, pour devenir 1er syndicat en 1989, puis majoritaire les années suivantes. Aux élections de janvier 2003, notre syndicat représente chez SME plus de 65 % du personnel et beaucoup plus dans les 2 principaux collèges (jusqu’à 72,6 % chez les AM et techniciens et 78,6 % chez les ouvriers et employés).

Notre pratique est bâtie autour de 5 grands thèmes :
– syndicalisme de terrain, avec et pour le personnel,
– défense des intérêts individuels et collectifs du personnel,
– négociation d’accords en défendant les revendications du personnel,
– action si nécessaire pour faire aboutir ces revendications, recherche permanente de l’unité syndicale,
– véritable représentation du personnel qui nécessite la consultation dans les services et en assemblée générale.

Cette pratique est la nôtre, celle de vos élus, celle qui a animé notre action passée, celle que nous entendons poursuivre, de la même manière, dans les années à venir. Mais il est un constat que tout le monde a fait avec nous au cours de ces années : cette pratique n’est pas celle de la CFDT à laquelle nous adhérions jusqu’à ces derniers jours. Que de grands écarts entre les positions de la Confédération CFDT et celles de notre syndicat SNPE puis SME ! La plupart des interventions du secrétaire confédéral (de Nicole Notat à François Chérèque) sont attendues avec crainte et entendues avec colère. Il n’y a plus pratiquement de thèmes ou nous nous retrouvons en accord avec eux. C’est le cas aussi pour tous ceux qui se sont opposés à l’intérieur de la CFDT à cette lente mais brutale dérive de notre organisation. La plupart aujourd’hui partent ou se posent la question du départ.

La dernière affaire en date est l’affaire des retraites bien sûr. Dés 1993, la Confédération CFDT avait avalisé le passage aux 40 annuités pour le privé (au lieu de 37,5), le calcul sur les 25 meilleures années (au lieu des 10) et l’indexation des retraites sur les prix (au lieu des salaires). La Confédération s’est donc retrouvée avec ceux qui en mai 2003 ont avalisé de nouveau ce recul, « revendiquée » son élargissement, puis acceptée une loi qui amène maintenant à 42, les annuités nécessaires pour partir en retraite. Le rôle d’un syndicat n’est-il pas de défendre les intérêts des salariés et des chômeurs ? Ce recul gigantesque sur nos retraites depuis 93 est tout le contraire ! En plein mouvement social, avec plusieurs centaines de milliers de personnes dans les rues, la Confédération a donné son aval dans les conditions que l’on sait, sans consultation de « la base », y compris en mettant en porte à faux les sections syndicales CFDT et tous les salariés qui étaient dans la rue à ce moment là dans une mobilisation unitaire.

Déjà en 1995, pour la sécurité sociale, la Confédération avait donné son aval sans consultation au plan gouvernemental. Malgré cela, nous sommes descendus dans la rue avec de nombreux autres syndicats, fédérations, sections CFDT pour le contester. Nous avons pris part à l’opposition à la ligne confédérale qui s’est créée (Tous Ensemble / CFDT en Lutte). Mais certains ont déjà fait le choix à cette époque là de quitter la CFDT, en grand nombre, pour constituer des syndicats Sud comme nos collègues de SPS Le Haillan ou de SNPE Pont de Buis. Pour notre part, nous avions fait le choix de rester à la CFDT en espérant contribuer à un redressement de celle-ci, à un changement de son orientation. Peine perdue. En 1996, en raison de l’expression de notre désaccord à la ligne confédérale, la fédération CFDT a retiré alors à notre collègue Christian Lacour le mandat de délégué central SNPE malgré l’opposition de la majorité des sections CFDT de la SNPE et du syndicat de la chimie de la Gironde. Décision arbitraire de « l’appareil » contre celle des militants, adhérents, sympathisants. Le Secrétaire général de la fédération chimie CFDT, celui là même qui a retiré d’autorité (contre l’avis de la majorité des sections SNPE) le mandat de délégué central SNPE à Christian, a ensuite quitté la fédération pour devenir « Directeur délégué du groupe chimique Rhodia, conseiller auprès du PDG », ce qui interpelle grandement sur l’indépendance syndicale…

La sécurité sociale et les retraites n’ont pas été les seuls points, loin s’en faut, de désaccord avec la Confédération. Il y a eu la réduction du temps de travail où la Confédération préconisait et avalisait la baisse des rémunérations ou la modération salariale (que nous avons combattu avec succès à la SNPE) « en échange » des 35 heures. Il y a eu l’acceptation par la Confédération de la flexibilité, plus « de souplesse » dit-on, mais… favorable aux patrons et défavorable aux salariés. Il y a eu le refus de la Confédération de mettre le pouvoir d’achat au centre des revendications en essayant de l’opposer à la priorité (justifiée) de l’emploi, et l’accompagnement de la plupart des mesures négatives prises contre les salariés. Il y a eu le refus de toute action unitaire, de l’idée même de la création d’un rapport de force plus favorable aux salariés, et finalement l’abandon de la défense des revendications des travailleurs. Nous avons agi ces dernières années pour défendre nos intérêts, parfois avec succès (comme les 35 h eures), en s’opposant à la volonté de nos dirigeants, mais aussi souvent à celle de l’appareil CFDT. Ces dernières semaines encore, le responsable de la Confédération a demandé que soit augmenté le niveau de cotisation CSG pour la sécurité sociale, comme si le gouvernement n’y avait pas pensé tout seul….

S’il est tout à fait normal que des positions différentes s’expriment au sein d’un syndicat comme dans toute autre domaine de la vie sociale, nous n’en sommes plus là, loin s’en faut. On ne compte plus en effet les prises de position, les accords signés, sans adhésion réelle des salariés. Tout cela est en fait un changement d’orientation total par rapport à la CFDT à laquelle nous avions adhéré pour certains d’entre nous il y a 30 ans de cela. Et ce changement d’orientation tourne le dos aux intérêts du personnel que nous représentons. Pour notre part, nous sommes convaincus de l’intérêt de la négociation, de la nécessité d’obtenir des résultats, de faire progresser le sort des travailleurs, de faire avancer leurs intérêts qu’ils soient individuels ou collectifs. Mais les représentants du personnel doivent représenter le personnel. Pour cela ils doivent être porteurs dans les négociations des revendications des salariés (pas d’autre chose) et négocier avec la direction, l’Etat, pour obtenir des résultats (avec le rapport de force si nécessaire). Et c’est avec l’assentiment du personnel qu’ils doivent ou non signer un accord.

Tel est le syndicalisme auquel nous croyons. Tel est celui auquel nous avions adhéré il y a plusieurs années. Tel est celui que nous vous proposons de continuer dans un syndicat Sud puisque la CFDT a tourné le dos à ces valeurs selon nous essentielles. Pourquoi Sud ? Parce que nous pensons que c’est aujourd’hui le syndicat qui représente le mieux ces valeurs : c’est aux salariés de décider de leurs revendications, des signatures d’accords, de l’activité syndicale et pas à des appareils qui ne consultent plus les travailleurs. Parce que chaque syndicat Sud d’entreprise est décideur de ses positions et que c’est donc bien avec les salariés de l’entreprise que sont définies ses orientations. De plus avec Hérakles, cela permettra de bâtir une force réelle avec nos collègues Sud du Haillan. Notre adhésion à Sud est une mise en conformité avec nos actes et avec la pratique de notre syndicat SNPE (puis SME) depuis toujours, pratique que nous entendons continuer. Tous vos élus, sans exception, vous proposent de continuer ensemble en adhérant et en soutenant votre syndicat Sud-SME.

Sud-SME, décembre 2003.