L’ABRUTISSEMENT DE MASSE : L’ECOLE

« une société sans école » d’Yvan ILLICH.

« II est vrai que le problème pédagogique ou scolaire n’a plus son lieu de
solution dans l’école car il pose le problème de l’organisation sociale
dont il dépend. Je n’énumérerais pas ici les lieux de résistance, mais il
est au moins curieux de les trouver là où on espérait une politique plus
favorable au changement ». Illich répète « qu’un programme politique qui ne
reconnaît pas explicitement le besoin de déscolarisation n’est pas
révolutionnaire ; c’est de la démagogie qui n’aboutit à aucun résultat.
Tous les programmes politiques des années 70 devraient être jugés selon
ce critère :
envisagent-ils clairement la déscolarisation ? Quelles sont les lignes
directives qu’ils proposent pour assurer la qualité de l’Éducation dans
la société future ? » II sera bientôt clair que le simple fait de ne pas
envisager la désinstitution de l’école actuelle indique que l’on songe
déjà, avant que la révolution ne soit acquise, à bénéficier pour soi du
même mécanisme de reproduction sociale qui a réussi à embourgeoiser
toutes les révolutions européennes des dernières décennies . La manière
dont l’école, dans les démocraties socialistes, fabrique une nouvelle
stratification sociale et la reproduit est ici édifiante »

Étienne VERGNE (Attention écoles ed Fleurus)
« A l’école, l’enfant apprend à lire, à écrire et à compter. Cela est fort
bien. Mais il suffirait de retenir l’écolier de 8 heures à 10 heures du
matin, sept à huit ans de suite, pour lui enseigner cette science
rudimentaire. Or, l’école veut occuper dans notre vie une place beaucoup
plus grande (…). Elle veut nous apprendre à penser ; elle veut réformer
notre caractère ; elle veut nous moraliser et faire de nous de bons
citoyens (…). Et comme cela exige beaucoup de temps, elle nous prend
presque toute notre enfance(…). Et elle (nous) prend quelque chose de
plus précieux que tout ce qu’elle (nous) donne » :

Gérard MENDEL quant à lui compare les institutions scolaires
d’aujourd’hui aux usines du XIXème siècle et les concentrations d’enfants
aux
concentrations ouvrières. Il en déduit une conscience de classe naissante
dans la jeunesse et une véritable lutte des générations entre
parents-possédants et enfants-exploités. « Sans une évolution pédagogique
rapide, nous nous exposons à un proche retour en force des dictatures ».
C’est l’axiome posé par Mendel dans « Pour décoloniser l’enfant » (éd
Payot). La montée actuelle des mouvements d’extrême droite donne encore
plus de force à sa mise en garde. Cette révolution, il la voit comme « une
prise de conscience et une assumation des conflits chez l’enfant et
l’adulte, à commencer par une constitution des enfants en classe, afin
que chaque classe – égale en droit – travaille mutuellement à son
progrès, vers une société équilibrée ». Mendel donne également (et
surtout) une très
intéressante analyse du « phénomène autorité » et de son cortège de
culpabilité, agressivité, projections, etc.

« Les forces politiques qui se dégagent à partir des rapports économiques
de production sont conduites tout naturellement à se couler dans les plis
des rapports psychologiques préexistants « . Mendel démontre que « si
jusque là les pouvoirs se sont servis du conditionnement à l’autorité,
celle-ci va être remplacée dans notre société technologique par un autre
principe (l’efficacité) bien plus dangereux ». Nous sommes déjà confrontés
à ce principe !

La première oppression, celle que tout le monde subit et fait subir, qui
prépare les suivantes et sans laquelle probablement aucune ne serait
possible, c’est l’oppression des enfants. Grâce à des méthodes
psychopédagogiques de plus en plus raffinées, de plus en plus
scientifiques et de plus en plus nombreuses, on nous prépare un monde
hyper-dangereux où les individus seront, dès leur naissance, fichés et
encadrés, afin de devenir des bons petits citoyens dociles. L’école donne
un avant-goût de cette politique.

« Ce que les gens apprennent dans les écoles qui se multiplient en
Malaisie ou au Brésil, c’est avant tout à mesurer le temps avec la montre
du programmeur, estimer l’avancement avec les lunettes du bureaucrate,
apprécier la consommation accrue avec le cour du marchand, et considérer
le pourquoi du travail avec les yeux du responsable syndical. Cela, ce
n’est pas le maître qui le leur enseigne, mais le parcours programmé
produit et oblitéré en même temps par la structure scolaire. Ce
qu’enseigne le maître n’a guère d’importance dés lors que les enfants
doivent passer des centaines d’heures assemblés par classes d’âges,
entrer dans la routine du programme (le parcours ou curriculum), et
recevoir un diplôme en fonction de leur capacité à s’y soumettre.

Qu’apprend-on à l’école ?

On apprend que plus on y passe d’heures, plus on vaut cher sur le
marché.On apprend à valoriser la consommation échelonnée de programmes.
On apprend que tout ce que produit une institution dominante vaut et
coûte cher, même ce qui ne se voit pas, comme l’éducation et la santé. On
apprend à valoriser l’avancement hiérarchique, la soumission et la
passivité, et même la déviance type que le maître interprétera comme
symptôme de créativité. On apprend à briguer sans indiscipline les
faveurs du bureaucrate qui préside aux séances quotidiennes, à l’école,
le professeur, à l’usine, le patron. On apprend à se définir comme
détenteur d’un stock de savoirs dans la spécialité où l’on a investi son
temps. On apprend, enfin, à accepter sans broncher sa place dans la
société, à savoir la classe et la carrière précises qui correspondent
respectivement au niveau et au champ de spécialisation scolaire. » (….)

Au cours de mes conférences dans les Écoles normales, je suis souvent
ahuri par le manque de maturité de ces filles et garçons pleins de savoir
inutile. Ah, ils en savent des choses. Ils brillent dans la dialectique,
ils citent les classiques ; mais dans leur perspective sur la vie,
beaucoup d’entre eux sont des nouveautés. Tout cela parce qu’on leur a
appris à savoir mais qu’on ne leur a pas permis de ressentir. Ces jeunes
gens sont aimables, plaisants, passionnés, mais quelque chose leur manque
– le facteur émotif, le pouvoir de subordonner la pensée au sentiment. Je
leur parle d’un monde qui leur a manqué et qui leur manquera toujours.
Leurs livres d’étude ne traitent pas du caractère humain de l’amour de la
liberté, de l’autodétermination et ainsi le système se perpétue qui ne
cherche ses modèles que dans les livres. ».

Les écoles sont toujours obligées d’hésiter péniblement entre la
discipline et l’enseignement ; parce qu’elles sont des institutions
bureaucratiques, elles optent fréquemment en faveur de la discipline aux
dépens de
L’enseignement. Ce choix peut faire d’elles de bonnes unités politiques,
mais les rend inaptes à constituer de bonnes unités d’enseignement. Les
enfants qui abandonnent en cours d’études sortent non pas du système
éducatif, mais du système politique, et au moment où ils décident de se
retirer, ils peuvent être aussi perplexes que leurs professeurs en ce qui
concerne les différences existent entre les deux systèmes. »

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http://cnteducation30.free.fr/pedagogielabrutissementdemasse.htm

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