Sous le titre « La ‘révolution bolivarienne’ en marche », « Rouge » du 4 septembre 2003 consacre une page cette semaine au Venezuela. Qu’y apprenons-nous ? Que Chavez vient de se rendre compte qu’il existe un million d’analphabètes dans son pays et qu’il a fait venir plusieurs plusieurs centaines de médecins cubains pour soigner gratuitement son peuple dramatiquement dépourvu d’un système de santé décent. Point barre.
Quand la LCR cire les bottes de Chavez

A la vitesse où fonctionne l’esprit de ce grand « anti-impérialiste » qu’admire la LCR et Le Monde diplomatique, il lui faudra encore 50 ans pour comprendre que le Venezuela, comme toute l’Amérique latine, a besoin d’une révolution sociale, pas d’un président éclairé.

Mais la LCR, fidèle à elle-même, n’adresse pas une seule critique au régime Chavez, se contente de dénoncer les manoeuvres (bien réelles) de l’impérialisme américain et de la bourgeoisie locale et espère en la « transcroissance » (1) de ce régime en un régime révolutionnaire.

C’est bien mal connaître la réalité du Venezuela et celle de l’ensemble de l’Amérique du Sud que de fonder le moindre espoir sur un « populiste » comme Chavez.

Au Venezuela, il y a 20 ans, alors que tous les jours passait à la télévision un feuilleton critiquant férocement le dictateur Perez Jimenez (un salopard qui avait profité de la manne pétrolière pour faire adopter quelques mesures sociales importantes dans les années 50), les ouvriers, les femmes de ménage, les petits salariés affirmaient déjà qu’il leur fallait un « homme à poigne », pour lutter contre la corruption dans leur pays et la fausse alternance entre sociaux-chrétiens et sociaux-démocrates qui pillaient dans les caisses de l’Etat pour investir dans des appartements et des maisons à l’étranger, et mener la grande vie.

Eh bien, maintenant, ils l’ont leur homme à poigne (Chavez) et ils sont bien embêtés. En même temps, à la base, dans les coins les plus reculés du pays, c’est une période féconde pour des initiatives locales : maisons accueillant des femmes battues, coopératives, information sur la contraception, début de réforme agraire dans certaines régions, etc. Et les gens de gauche sont partagés entre leur consternation devant les interminables discours creux de Chavez, son autoritarisme, et les occasions politiques que ce régime atypique leur offre, ou leur concède, pour le moment.

Alors ils ferment les yeux sur les inconvénients, font le gros dos et essayent de faire leur petit boulot dans leur coin, en sachant qu’un jour cela risque de mal se terminer, même si Chavez a été élu démocratiquement et avec bien plus que 50 % des voix.

Dans une telle situation, le rôle d’un groupe révolutionnaire devrait être de mettre en garde les travailleurs vénézuéliens contre les charlatans comme Chavez, pas de leur passer la main dans le dos et de leur cirer les bottes comme le fait la LCR.

Edouard Diago, l’auteur de l’article en question, a le culot d’écrire : « Dans le domaine politique, Chavez semble revenir timidement sur sa méfiance vis-à-vis des partis politiques en ne mettant pas de veto à la mise en place d’un Front unitaire des forces politiques soutenant le ‘processus révolutionnaire’. »

Et voilà, tout est dit : l’unique reproche que la LCR fait à Chavez c’est de ne pas lui permettre de le soutenir plus efficacement !

Mais Edouard Diago se moque du monde quand il prétend constater « le succès de l’opération de nettoyage ayant suivi le coup d’Etat ». Visiblement il n’a jamais entendu parler d’un certain Augusto Pinochet, qui lui aussi au départ était « loyal » au gouvernement Allende.

Quant à la fameuse « démocratie participative », l’auteur ne nous apprend rien sur ses modalités, à part le fait que l’on peut révoquer certains élus à mi-mandat pour en réélire d’autres. Quel bouleversement ! On élit son député, voire son président, disons tous les 2 ans au lieu de tous les 4 ans. Mais toute la structure de l’Etat demeure la même.

Tous ces discours creux sur la « révolution bolivarienne » seraient risibles s’ils ne désarmaient pas les travailleurs vénézuéliens face aux classes dominantes et à une grande partie de la petite-bourgeoisie qui n’ont aucune intention de laisser faire Chavez, aussi timides soient les réformettes qu’il a jusqu’ici imposées. Elles veulent un retour à ce qu’elles appellent « l’ordre » et il y a gros à parier qu’elles feront usage de la violence, et qu’elles trouveront des milliers de soldats et de policiers pour massacrer le peuple vénézuélien, si Chavez ne démissionne pas rapidement.

(1) Ce terme ne se trouve pas dans l’article mais il constituait un des « concepts » favoris des trotskystes dans les années 60 et 70, chaque fois qu’ils voulaient faire croire à leurs militants qu’un mouvement de libération nationale ou un parti de gauche du tiers monde pouvait instaurer le socialisme en quelque sorte malgré lui, de manière quasi inconsciente.

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