Récit d’une petite manif autonome non déclarée contre les CRA à Paris
Category: Global
Themes: centre de rétentionfrontièresManifestation
Places: barbesParis
On avait proposé un rendez-vous dimanche dernier à 15H à Barbès pour une déambulation autonome contre les CRA, les frontières et la répression. Plusieurs événements récents nous avaient motivé·e·s à organiser cette manif : les quelques évasions du centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes en novembre et en décembre 2023 (youpi !), les révoltes qui ont eu lieu dernièrement à l’intérieur, mais aussi les 2 salves d’arrestations, près du CRA, de 12 puis 4 personnes solidaires de la lutte des retenu·e·s.
L’idée derrière cet appel autonome était de parler de ces événements, à la fois pour leur donner de la visibilité dans l’espace public, exprimer notre solidarité et casser la sensation d’isolement que peut créer la répression. En bref, faire un appel à prendre la rue pour (re)prendre confiance collectivement dans la lutte, montrer qu’on n’est jamais seul·e·s à être animé·e·s par la destruction des CRA, des prisons, des frontières et du racisme structurel, que ce soit par les mots comme par les actes.
On a vu une petite centaine de personnes rejoindre le rassemblement, c’était chouette de faire quelques rencontres de cette manière. On espère se donner l’occasion de se recroiser bientôt ! Si on refait ce genre de trucs vous le saurez par Paris-luttes.info :) Petite pensée à celles et ceux qui se sont tappé·e·s des heures de transport pour venir depuis la banlieue parisienne ou autre <3 et à celles et ceux qui ont enchaîné le contre-meeting de Zemmour et la manif.
Pour une manif non déclarée, qui plus est dans Paris, on était surpris·e·s et super content·e·s d’avoir déambulé pendant 2h sans intervention des flics. Le cortège était juste suivi par une voiture banalisée, et encore, pas dans les petites rues ! Des collages d’affiches ont eu lieu tout le long de la manif : contre les CRA, contre les boîtes collabo du système d’expulsion raciste, contre les frontières et pour la lutte des retenu·e·s. Des gens ont pu taguer au calme quelques murs de la ville. Et on a crié de nombreux slogans aux passant·e·s, aux gens qui occupent la rue et à celles et ceux présent·e·s à leurs fenêtres pour rappeler qu’on veut la liberté pour toustes, avec ou sans papier.
Que ce sont les lieux d’enfermement qui posent problème et pas les gens qui y sont parqué·e·s. Que les entreprises telles que Engie, Vinci, Eiffage ou Air France bénéficient du business de l’enfermement des personnes sans papiers, et que le contrôle et la charité ne sont pas des moyens de lutter contre les logiques racistes de tri des personnes et d’infantilisation à l’oeuvre dans certaines associations.
On a fait un petit coucou à l’association France Terre d’Asile (FTDA), pas loin du métro Marx Dormoy, histoire de lui rappeler son rôle dans la permanence des CRA. La façade a été redécorée à la peinture. De manière générale, toutes les asso qui font de l’accompagnement individuel en CRA – Cimade, ASSFAM… – se rendent complices des logiques racistes de tri, de fichage, de répression et d’expulsion. Toutes touchent plusieurs millions d’euros de subventions. Pour continuer de remporter les appels d’offre et percevoir cet argent, elles passent sous silence la plupart des mauvais traitements reçus par les prisonnier·ères et invisibilisent leurs révoltes. En mai 2020, par exemple, l’ASSFAM avait fermé les yeux sur le tabassage d’un retenu au CRA de Oissel… alors qu’il avait été tapé dans une cellule d’isolement adjacente à ses bureaux. Autre exemple : l’ASSFAM n’a pas eu un mot pour M., retrouvé mort en cellule le 26 mai 2023, après qu’il a été tapé par les flics.
La Poste de Marx Dormoy a été couverte d’affiches dénonçant ses pratiques de poukaves. C’est plus simple d’ouvrir un compte chez La Poste quand on n’a pas de papiers français, et on entend régulièrement parler d’histoires de gens dénoncé·e·s par les employé·e·s aux flics, qui viennent interpeller puis envoyer en CRA. Des slogans ont aussi été chantés contre Emmaüs en croisant quelques unes de ses boutiques. La célèbre multinationale, sous son vernis d’asso humanitaire, n’hésite jamais à faire appel aux forces de l’ordre pour faire arrêter-condamner-expulser les grévistes sans papiers, à la rue, qui oseraient se retourner contre leurs patrons et leurs conditions déplorables. De nombreux récits de ces luttes et des crasses infligées par Emmaüs sur les salarié·e·s sont trouvables sur Paris Luttes et ailleurs. Plus récemment, une longue grève de plusieurs mois a sévi au sein de communautés du Nord-Pas-de-Calais. Des grévistes sont même allé·e·s en bus jusqu’au siège national à Montreuil. La direction avait pris la décision de fuir et de retirer l’appel à participer à la marche du 18 décembre.
On a pu discuter des CRA, des évasions, etc. avec des gens qui nous alpaguaient ou nous posaient des questions sur la raison de notre manif. Nous avions choisi de faire la déambulation depuis Barbès jusque la Porte de la Chapelle pour s’adresser directement aux nombreuses personnes qui subissent quotidiennement l’occupation policière de ces quartiers. Un truc qui n’a pas été fait, par manque d’organisation, c’est de traduire nos tracts en anglais et en arabe. C’est dommage parce que beaucoup d’habitant·e·s de ces quartiers ne lisent pas le français. On fera en sorte d’être plus au taquet sur la traduction la prochaine fois.
La manif s’est terminée non loin du 104, haut lieu de la gentrification du 19e arrondissement, occupé par des mineur·e·s isolé·e·s depuis l’aprem du samedi. Des chants contre Darmanin se sont fait entendre, sans s’approcher de l’occup : on nous a dit que notre présence pourrait détériorer les négociations en cours avec la mairie et la préf. Tant pis, une prochaine fois !
À la fin de la manif on s’est dit que comme les flics n’étaient pas intervenus lors de la manif, on annulait le rdv post-manif prévu en cas de problème. Après réflexion, certain·e·s d’entre nous ont regretté de pas l’avoir maintenu ne serait-ce que pour chiller ensemble et débrieffer de toute façon. On trouve bien de se parler quand ça va pas, mais aussi quand ça va bien ! Ç’aurait été l’occasion de mieux se rencontrer. La prochaine fois on y réfléchira à deux fois !
Nous avons appris qu’une personne avait malheureusement été arrêtée suite à un contrôle de police en amont de la manif. Une grosse pensée pour elle et ses proches, on espère que ça va ! Son suivi est bien en cours par la Legal Team et ses proches.
Les flics ont checké quelques personnes se rendant à la manif qui avaient le malheur de passer par le mauvais trottoir. Rappelons qu’il est toujours bon d’envoyer des guets à l’avant pour ce genre d’événement et de ne pas hésiter à faire des détours ou changer de trottoir à la vue des bleus. Quoi qu’il en soit, les flics étaient avec quelques fourgonnettes et quelques équipes en uniforme sur les trottoirs aux alentours de Barbès ce jour-là au même titre que les autres jours, le quartier étant quotidiennement occupé à des fins de contrôle et de surveillance.
Nous avions essayé de prendre nos responsabilités quant à la répression possible de cette manif en prévoyant une manière de se disperser qui soit rassurante et collective, mais aussi en en diffusant dès le début du rassemblement, un tract avec les conseils antirep en cas d’arrestation, en faisant un speech au micro avant de partir pour re-détailler tout ça, et en prévoyant une avocate prête à se charger des suites juridiques s’il venait à en avoir.
Pour rappel, le procès des 4 inculpé·e·s du parloir sauvage aura lieu le 02 Juillet. Et le procès des 12 inculpé·e·s du nouvel an aura lieu après l’été, le 29 octobre au matin et le 30 octobre en après-midi.
Contre le racisme et la machine à expulser,
À bas les frontières, à bas les CRA,
Vive l’anarchie !
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