Un article de Libé aujourd’hui qui laisse songeur.
La hausse de fréquentation du privé permettra surement aux enemis de l’école publique de l’attaquer durement à la rentrée. Ca doit aussi nous faire réfléchir aux moyens de lutte contre la privatisation de l’enseignement, car si, lassés des grèves interminables, les parents mettent tous leurs mômes dans le privé, l’école publique disparaitra de fait, ou deviendra, comme dans les pays anglo-saxon, l’école des pauvres…

L’école privée remplit ses bancs
L’engouement s’expliquerait en partie par un ras-le-bol des grèves.

Par Guillaume ROLLIN

mercredi 27 août 2003

«La hausse des demandes est perceptible partout, notamment en Bretagne et en région parisienne.» Un responsable de l’ensei-gnement catholique es écoles privées avaient dû refuser près de 20 000 inscriptions en 2002, faute de place. Cette année encore, elles pourraient être victimes de leur succès. L’afflux de demandes pour la rentrée 2003, constaté dès le début de l’été par le secrétaire général de l’enseignement catholique, Paul Malartre, se confirme à quelques jours de la rentrée pour une majorité d’élèves. «La hausse des demandes est perceptible partout, notamment en Bretagne, en région parisienne ou encore dans un arc de cercle allant de Grenoble à Montpellier. Elle concerne surtout les écoles primaires et les collèges», affirme Gilles du Retail, responsable de l’information de l’enseignement catholique.

Les directeurs de diocèse avancent plusieurs raisons pour expliquer cet engouement. Les mouvements sociaux du printemps, d’abord. «Dans les zones touchées durablement par les grèves dans les écoles publiques, les demandes ont été massives. Il y a une volonté chez certains parents de ne plus jamais vivre ça», explique Jean-Yves Savidan, directeur diocésain de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor). D’ailleurs, en Alsace, où les grèves ont été moins suivies, les demandes dans le privé n’ont pas connu d’afflux particulier cette année. Autre argument : le changement d’image des écoles privées, de moins en moins considérées comme des «écoles de curés», selon l’expression de Paul Malartre. «L’élément religieux n’est plus un motif de rejet, ajoute Gilles du Retail. Ce que veulent les parents aujourd’hui, ce sont des écoles à effectif réduit, des capacités d’encadrement plus importantes pour leurs enfants et un lien fort entre l’école et les parents d’élèves.» Enfin, certains évoquent la reprise de la natalité dans certains départements. Comme en Vendée, qui a vu ses effectifs augmenter de 2 % dans le premier degré et 1,5 % dans le second.

Quota de profs. Paradoxalement, la forte augmentation des demandes d’inscription n’entraînera qu’une hausse modérée du nombre d’enfants scolarisés dans le privé (environ 18 % des élèves). Car leur nombre est limité par la capacité d’accueil des écoles. De même que le nombre d’enseignants : l’Etat fixe le quota de profs du privé en fonction de celui du public. Dans le primaire, la proportion d’enseignants du privé atteint 16 %. Selon Gilles du Retail, «nombre d’établissements sont déjà saturés, et la demande dépasse l’offre depuis plusieurs années. Dans les grandes villes, comme Paris, Lyon ou Strasbourg, l’afflux de cette année ne fera qu’allonger les listes d’attente, dont certaines sont bloquées depuis janvier !» En Bretagne, qui compte un millier d’écoles catholiques et 40 % d’élèves scolarisés dans le privé, certains établissements ont du mal à faire face. «Depuis quatre jours, des chefs d’établissement m’appellent et me disent : « Je craque. Je suis surchargé. Qu’est-ce que je peux faire ? »», raconte Jean-Yves Savidan, du diocèse de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor).

«Ensemble». Les vrais bénéficiaires de cette hausse sont les régions où la démographie des jeunes est en chute. Certains établissements privés jusqu’ici déficitaires sont aujourd’hui arrivés à une stabilisation, voire à une augmentation de leurs effectifs. C’est le cas par exemple de Bourg-en-Bresse (Ain), où, pour la première fois depuis plusieurs années, le nombre d’élèves ne baisse plus. Ou de la Loire, qui a «enrayé une baisse significative de ses effectifs», selon la direction diocésaine de Lyon. Les responsables de l’enseignement catholique affirment ne pas rechercher cette augmentation des demandes d’inscription. «Notre but n’est surtout pas de gagner du terrain sur le public. Nous ne sommes pas en concurrence, nous travaillons ensemble», affirme Gilles du Retail. En revanche, tous y voient un signe des temps. «Si le phénomène de poussée correspond à une demande durable ou à une vraie inquiétude des parents, il faudra tirer les conclusions qui s’imposent», ajoute-t-il.