Traduction française du texte On Anarchism, Technology, and Transhumanism de structural fract

 

Plus je me débats avec, plus je deviens favorable, voire même un·e partisan·e du transhumanisme-anarchiste. En effet, après mûre réflexion, la notion de la technologie comme d’un outil neutre qui peut être mobilisé pour agir comme méthode opprimante de contrôle (afin de réduire l’agence et confiner), comme outil émancipateur (afin de résister à la domination, d’étendre l’agence et d’empouvoirer), ou bien comme toile complexe qui fait se superposer les deux semble généralement vrai.

Il y a eu beaucoup de discussions sur les Luddites sur beaucoup de plateformes de réseaux sociaux, et de comment ils ont combattus contre un contexte socioéconomique dans lequel une nouvelle technologie était mobilisée contre eux. Leur raisonnement était que la meilleure manière de combattre leur dépossession imminente, causée par les relations sociales que permettait la technologie, était le sabotage.

J’aimerai brièvement connecter cette histoire avec un autre exemple de technologie initialement utilisée comme outil de contrôle : le langage écrit. Ce dernier a fait sa première apparition, d’après les données historiques, il y a de cela 5500 ans, et ce distinctement en tant que technologie de gouvernance étatique et de domination. À présent que l’alphabétisation est devenus bien plus commune, le mot écrit est souvent employé par lea subalterne comme technologie libératoire, une utilisation qui est antithétique à ses origines.

C’est le fait de concevoir et critiquer la technologie à travers un cadre anarchiste qui met l’agence au centre des considérations (une approche d’analyse et d’évaluation, informée par des principes anarchistes, qui regarde comment une chose pourrait soit promouvoir la liberté et augmenter l’agence, soit renforcer la domination et le contrôle) ainsi qu’une analyse vague basée sur la question de la justice pour les handicapé·es*, qui m’ont amenés à penser que la trop-fréquente condamnation en bloc d’une nouvelle technologie en elle-même, sans réellement creuser jusque dans ses racines et implications possibles dans les deux directions – vers la liberté ou vers la domination – est contraire à l’ethos anarchiste.

Les Luddites avaient raison d’attaquer la nouvelle vague émergente d’industrialisation de l’industrie du textile pour avoir défendu le contexte d’exploitation dans lequel elle était née, et avoir menaçés des modes de vie, dans la quête des possédants d’une accumulation sans fin. Pourtant à l’intérieur de la technologie des machines à textile, enfouis sous la faim vorace des capitalistes qui consolident leur pouvoir et enclosent les vies de celleux qu’ils ont subjugués, il y avait un potentiel libérateur latent; différent mais pas sans ressembler aux origines de l’héritage actuel du langage écrit.

Par exemple, les machines autonomes d’exploitation minière à ciel ouvert sont ipso facto un net négatif mais leurs horreurs ne peuvent pas être aveuglément réduites à comment une telle technologie vole à des travailleurs leur gagne-pain  – il faut les penser au-delà du cadre économique du présent et les placer dans de plus larges contextes. Les communautés d’êtres vivants, à la fois humain·es et non-humain·es, détruites à travers l’acte d’extraction minière à ciel ouvert, le bilan humain incalculé à travers des motifs incessants de surconsommation constante que de telles activités industrielles créent afin de justifier leur existence, la brutalité qu’elles génèrent directement mais aussi tangentiellement sur des écosystèmes, des climats, etc, sont pourquoi les machines autonomes d’exploitation minière à ciel ouvert sont intrinséquement un outil destructeur du capitalisme cishétéropatriacal suprémaciste blanc : un net négatif. Pas seulement à cause de la menace que l’automatisation fait peser sur certains jobs.

Celleux qui souffrent de l’oppression socioéconomique alimentent une réaction négative aux technologies émergentes, étant donné que ces technologies menacent leur sécurité financière immédiate. Cependant, il est possible de réfléchir au-delà de ce cadre et de découvrir le potentiel de la technologie à réduire la souffrance humaine. Par exemple les manières que les technologies d’assistance tels que les appareils automatisés pourraient être utilisées pour aider les individus avec des handicaps dans des activités de la vie de tous les jours, tels que s’habiller, manger, et se baigner, la manière dont elles peuvent augmenter leur indépendance et agence en leur permettant d’accomplir ces tâches par elleux mêmes, sans avoir besoin de l’assistance d’autres, et comment dans un contexte plus large elles peuvent rendre certains services et produits plus accessibles et abordables, devraient nous amener à voir avec vigilance les attaques irréfléchies contre des technologies émergentes. Comment est-ce qu’on peut, de bonne foi, dénoncer de but en blanc quelque chose avec un potentiel si immense pour l’amélioration de la dignité humaine ?

 

Je crois que la technologie comme concept abstrait est neutre. Conclure que la technologie est de manière générale négative pour l’humanité est un non sequitur philosophique. Il est évident que la technologie ne devrait pas être décontextualisée de ses implications sociales, politiques et écologiques. Les toiles de contextes interconnectés qui se chevauchent doivent être considérées. Une notion du transhumanisme (qui poursuit généralement l’augmentation du corps et de l’esprit humain, cherchant à améliorer la condition humaine à travers des moyens tels que les nanotech, l’intelligence artificielle, etc afin d’augmenter les capacités mentales et physiques et d’améliorer la santé et le bien-être) confinée totalement à l’intérieur du capitalisme cishétéropatriacal suprémaciste blanc ajoute de l’essence dans la machine à horreurs cyberpunk . Mais j’avance que ceci est vrai pour l’implémentation de presque toute technologie à l’intérieur de ce paradigme.

À travers une approche anarchiste – en termes éthiques et stratégiques – on peut à la fois attaquer et libérer à travers l’utilisation d’une analyse radicale. On peut faire face au déploiement (parfois effrayant) de complexité sans avoir à nous détacher d’une ethos qui aspire à de plus grands degrés de liberté et d’autonomie pour tous les êtres vivants. C’est comme ça qu’un transhumanisme anarchiste commence à se cristalliser, avec un engagement à utiliser la technologie pour l’augmentation de la liberté et du bonheur humain.

Dans certaines versions du mythe, la boîte de Pandore contient aussi une chose crucialement bonne : l’espoir. D’après l’histoire, quand Pandore ouvrit la boîte, tous les maux se sont échappés et se sont répandus dans le monde, mais l’espoir est resté à l’intérieur, dans l’attente d’être pleinement réalisé. On pourrait dire que la boîte de Pandore de la technologie d’aujourd’hui a été ouverte depuis longtemps. Dans ce cas, essayer de passer outre la technologie tout court c’est vivre dans le déni de ce que la boîte a relachée. Cependant, si on peut trouver l’espoir qui demeure, alors on doit espérer pouvoir créer un monde qui a été béni, et non pas maudit, par le contenu de cette boîte.

 

*: « disability justice analysis » dans le texte original