«ils ont détruit notre milieu naturel – l’agriculture est no
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Aakik Driss est un activiste de la société civile à Ouzioua, dans la province de Taroudant, région du Souss Massa Drâ, au Maroc.Il est secrétaire général du Syndicat des paysans pauvres et membre du mouvement La Voie démocratique à Taroudant. Depuis février 2006 il est coordinateur du Comité des associations de développement d’Ouzioua qui lutte pour le droit aux biens publics. Il est l’un des cinq inculpés pour la marche rouge du 7 mai dernier à Ouzioua, qui comparaîtront devant le tribunal de première instance à Taroudant le 7 décembre 2006.
Voici ce qu’il m’a déclaré.
La lutte des paysans pauvres d’Ouzioua pour leurs droits aux biens publics
« La lutte des paysans pauvres d’Ouzioua a débuté il y a longtemps. La construction du barrage Moukhtar Soussi avait joué un rôle très important dans notre lutte. La décision politique de construire ce barrage n’a pas pris en compte les biens des paysans pauvres. Le régime marocain défend toujours les intérêts des compradores et des grands propriétaires dans la plaine de Souss, qui ont occupé les terres collectives des paysans pauvres dans la plaine après avoir arraché les arganies. Tout cela pour implanter des domaines d’agrumes et de primeurs, autrement dit pour développer une agriculture capitaliste destinée à l’exportation vers l’Europe. Le barrage est construit par la sueur et le sang des paysans pauvres d’Ouzioua qui ont perdu leurs terres, la seule source de vie, avec des indemnisations de rien du tout ! Imaginez qu’un mètre carré de terre irriguée par l’eau de la rivière, qui peut donner des récoltes pendant toutes les saisons est indemnisé 3 centimes d’Euro ! Imaginez une indemnisation qu’un olivier vieux d’un siècle qui peut donner en moyenne 60 litres d’huile par an est indemnisé 80 Euro, alors qu’un litre d’huile vaut aujourd’hui 5 Euro ! Ce sont des exemples concrets qui vous donnent une idée du drame que vivent les paysans pauvres d’Ouzioua. »
Quel est à ton avis le responsable de cette situation ?
« Le premier évidemment est le régime de Hassan II qui avait choisi la voie de l’exploitation des paysans pauvres, en ouvrant la voie de l’occupation de leurs terres par les grands propriétaires, qui implantent leurs domaines dans le Souss, par l’intégration de la politique des barrages qui constitue pour nous un drame incurable, et menace la région de génération en génération. Les terres ne sont pas les seules qui sont massacrées, mais l’arganier aussi, la plante naturelle caractéristique du Sud marocain est la plus endommagée par cette politique. Le Souss est une région semi-saharienne, les pluies ne tombent pas régulièrement, elles sont d’une moyenne de 150 mm/an, l’arganier est une plante qui réserve l’eau de la nappe phréatique par sa faible consommation d’eau (25 fois moins que les agrumes). C’est une plante de biosphère, qui conserve l’équilibre nature. Or la descente de la nappe phréatique au Souss est provoquée par le surpompage dans les domaines des agrumes et le rasage l’arganier dans la plaine. Ce qui entraîne un déséquilibre naturel dans le bassin de Souss qui menace la vie des paysans pauvres aussi bien dans la plaine que dans les montagnes, à savoir que la diminution du niveau da la nappe phréatique entraîne la diminution du débit de l’eau des sources naturelles de montagne et, dans certains, même le tarissement de ces sources naturelles. Les paysans pauvres dans la plaine ne peuvent plus obtenir de l’eau pour l’irrigation par leurs moyens traditionnels, car ils sont dépourvus des aides financiers de l’État, qui met en revanche des fonds incroyables à la disposition des grands propriétaires.
Le deuxième responsable de cette situation est le président de la commune rurale d’Ouzioua qui est le bras droit des autorités à Taroudant. Par rapport à nous, c’est lui le responsable directede cette catastrophe que vivent aujourd’hui les paysans pauvres d’Ouzioua, c’est lui qui avait donné un chèque en blanc à l’application de cette politique à Ouzioua. C’est lui le responsable de tous les problèmes des paysans pauvres aux Barrages Aoulouz dans les années 1980 et Mokhtar Soussi dans les années 1990. C’est lui qu’était le chef de la commission qui avait manipulé tous les documents des propriétés de la population autour de ces deux barrages. C’est lui qui avait pris en charge tout le financement des revenus de la construction des deux barrages sur le territoire de la commune et des projets qui était destinés au développement d’Ouzioua. Il n’est pas seul évidemment , il y a aussi les hauts responsables de la province et à la direction provinciale du ministère de l’Équipement à Taroudant. »
Quelles sont les demandes des paysans pauvres aujourd’hui ?
« La première chose est la révision des indemnisations pour les propriétés que nous avons perdues, il faut nous rembourser avec des montants qui couvrent nos droits à la terre, à l’eau, aux ressources naturelles, surtout la réserve d’arganier et le développement de la culture et langue amazigh. À cette occasion, je veux signaler que c’est notre histoire elle-même qui est détruite par l’évacuation : nous avons été déracinés de notre terre, sur laquelle nos ancêtres avaient crée notre civilisation. Même si un tel remboursement ne peut remplacer toute la perte morale et matérielle que nous avons subie, ce qu’il faut, c’est une vraie décision politique de nous intégrer dans le vrai milieu naturel du monde paysan. Cela ne peut se faire que par le remplacement des terres perdues par des terres de même qualité, par un financement de nos projets agricoles. L’agriculture est le seul métier que nous avons entre nos mains, c’est notre identité.
La deuxième chose, c’est le jugement des responsables de cette situation, car même un remboursement légal ne peut guérir nos souffrances durant toutes ces années. L’impunité de ces responsables qui ont massacré les biens publics d’Ouzioua est rejeté par la société civile d’Ouzioua. Le président de la commune est le premier sur la liste des gens à juger. Ses cinq mandats successifs durant 31ans à la tête du conseil communal sont là pour témoigner de sa lourde responsabilité dans la catastrophe des biens publics d’Ouzioua. »
Comment peux-tu nous décrire la situation de la commune d’Ouzioua?
Le visiteur d’Ouzioua peut voir à l’œil nu la situation d’une commune qui ne contient que de la poussière naturelle. Un siège de la commune datant du Moyen-Âge, situé entre une boutique baptisée « agence postale » et une petite mosquée. Une vague trace de goudron qui relie Aoulouz au barrage Moukhtar Soussi, toute couverte de poussière. Des mini-boutiques de par et d’autre de la route. Une école avec quelques petites salles et un noyau de collège de quatre classes construit depuis cinq ans. Un siège du bureau agricole qui ne rend aucun service aux paysans pauvres. Un petit carré de terre de labour réservé à l’abattoir et au souk (marché). L’électrification couvre ce qu’on appelle Ouzioua-Centre et quatre douars depuis 1998, à l’occasion de la construction des deux barrages sur la sueur et le sang des paysans pauvres. L’eau potable est une blague, une association de développement local avec l’aide d’ ONG japonaises, gère la distribution de l’eau potable dans ce qu’on appelle centre d’Ouzioua et dans le village du président (le maire). C’est tout cela que le président appelle dans ses interviews « le développement de la région mené pendant 31 ans ». C’est pour cela que le jugement du président comme responsable de destruction des biens publics d’Ouzioua est demandé par la société civile d’Ouzioua.
Il reste à signaler que sept douars qui ont perdu leurs terres ainsi que leurs maisons, sont encore dépourvus de l’électricité et de l’eau potable dans leurs nouveaux habitats depuis 2001 jusqu’à maintenant malgré, les 300 000 euro destinés à la réhabilitation de ces paysans pauvres depuis leur évacuation. Ce sont des biens publics que le président avait mal géré comme son habitude, c’est lui le responsable il doit être jugé. Trois douars qui ont perdu une bonne part de leurs terres au Barrage Moukhtar Soussi et qui n’ont pas perdu leurs maisons, sont dépourvus de l’électricité à cause la somme très élevée exigée pour raccorder les maisons aux lignes nationales d’électricité. Ceci malgré le financement du branchement de ces lignes au barrage par le ministère de l’Équipement, lignes qui passent sur les terres des paysans pauvres du douar Idergan, mon village natal. Le douar de Iberkenatn Arkraker est un autre cas de victime de la politique de la ségrégation mené par le président, qui l’a puni à cause de son opposition pendant les élections en l’éliminant de la liste des douars électrifiés depuis 1998 , bien qu’il soit voisin du siège de la commune. Il reste 27 douars marginalisés qui sont dans une situation critique et sont loin d’être en voie de développement. »
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