La PEUR est l’une des armes les plus puissantes du pouvoir, elle continue donc à favoriser un climat de paranoïa, afin démobiliser et diviser les opprimé.e.s.

L’État a redoublé d’efforts pour approuver sa « loi anti-encagoulés ». Piñera décrit les anarchistes, les Barras Bravas (des supporters organisés des équipes de football) et les trafiquants de drogue forment comme trident coordonné qui a déchaîné la violence.

La stratégie des médias est d’exagérer la couverture des pillages de petits magasins. La presse capitaliste lance une puissante charge émotionnelle pour délégitimer la Révolte sociale.

Il y a une complicité évidente (par action ou par omission) entre la police, les propriétaires de maisons et les trafiquants de drogue, des individus sans aucune éthique, qui ne s’intéressent pas aux personnes qui sont lésées par leurs actions.

Sans aucun doute, la propriété privée fait partie de ce que nous voulons détruire, mais aujourd’hui nos objectifs sont pleins de symbolisme stratégique. Si l’attaque d’un commerce quelconque nécessite une explication, cela signifie qu’elle n’est pas assez symbolique.

Une solution provisoire serait des « comités d’autodéfense », mais notre inexpérience et notre inefficacité dans ces pratiques permettent aux « gilets jaunes » [groupements spontanées de citoyens qui, en portant le fameux gilets, s’auto-organisent pour défendre commerces et propriétés des assauts des révolté.e.s, les encapuchadxos, « encagoulé.e.s » ; NdAtt.] de commencer à s’armer, avec une affinité fasciste indéniable. Que la milice retourne dans la rue ! Voilà ce qu’ils répètent les amoureux du système néolibéral, bien que les thunes aient toujours brillé par leur absence, dans leurs poches.

La malheureuse réalité est que le capitalisme est tellement intériorisé dans un pourcentage d’opprimé.e.s et d’exploité.e.s, que la marchandise et les lieux où l’on s’en approvisionne sont plus importants que la vie d’autrui. Le travail, l’argent et la consommation sont un bien supérieur à plus d’une centaine de personnes qui ont eu leurs yeux crevés.

Mais une autre partie de la population a déjà réalisé le plan de l’État et elle le dénonce chaque fois qu’elle en a l’occasion.

Personnellement, je ne me souviens pas combien de fois j’ai pleuré en regardant des vidéos d’enfants qui sont visés par des tirs ou sont sans yeux. Je ne me souviens pas d’un jour sans la sensation angoissante de savoir qu’à chaque moment, au Chili, quelqu’un.e souffre de brutalité policière ou qu’à l’intérieur d’un commissariat on torture et on viole.

Le septième vendredi de la Révolte, après deux jours de faible activité, la « Plaza de la Dignidad » [comme a été renommée Plaza Italia, dans le centre de Santiago ; NdAtt.] a été rémplie à nouveau et le spectacle féministe « Un violeur sur ton chemin » a été représenté en masse dans le Ground zero. Elle s’est étendue au niveau national, mondial et est devenue virale. A tel point qu’elle est parvenue à éclipser le discours gouvernemental de la peur. Une toile géante est déployée, appelant à la démission de Piñera et de la ministre Plá [Isabel Plá, Ministre de la Femme et de l’Egalité de genre, connue par exemple pour son dure opposition à l’avortement ; NdAtt.].

Des inconnus ont brûlé la statue de « Negro matapacos » [litt. « Noir tueur de flics », chien qui a pris part à plusieurs manifs émeutières, au début de la décennie 2010 ; NdAtt.], icône de la rébellion. Sur ses fondations, les gens en construisent une autre avec des fleurs.
Les affrontements entre flics et personnes cagoulées se poursuivent, à grand renfort de feux d’artifice.

A Concepción, la police utilise des grenades assourdissantes, qui désorientent à cause des éclairs de lumière qu’elles émettent lorsqu’elles explosent, tandis le bruit de l’explosion affecte temporairement l’ouïe. Au même endroit, la compétition mondiale de rallye est annelée.
La voiture du Ministre de la Santé est attaquée et doit être défendue par la police. La ministre Plá est également huée par les manifestant.e.s.

Une personne arrêtée à Viña del Mar [dans la banlieue de Valparaíso ; NdAtt.] pour avoir transporté et lancé des bombes Molotov fait l’objet d’une enquête pour possession de matériel explosif. Hier, il y a eu un rassemblement de solidarité avec les prisonnier.e.s de la guerre sociale, devant le Palais d’(in)justice ; les gendarmes ferment le lieu.

Nous sommes fatigué.e.s, mais on n’abandonne pas.
Que la propagande insurrectionnelle reste présente sur chaque barricade !
HISSEONS LE DRAPEAU RÉVOLUTIONNAIRE !

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2 décembre
45e journée de révolte sociale

NOUS N’AVONS ENCORE RIEN ACCOMPLI… NOUS NE POUVONS PAS ABANDONNER !

L’utilisation du chômage comme arme exacerbe la campagne de terreur économique, il ne suffit plus d’instiller la peur de « Narcos, Anarcos et Barras Bravas » [trafiquants, anarchistes et hooligans ; NdAtt.]. Maintenant, ils dechâinent les fantômes de la récession économique et accusent logiquement la Révolte Sociale : « Si les protestations ne s’arrêtent pas, les investissements s’arrêteront » menace le Président de la Confédération de la Production et du Commerce.

L’Imacec [Indicador Mensual de Actividad Económica, index à la con de l’économie du Chili; NdAtt.] est tombé à -3,4% et les prévisions sont de 10% de chômage d’ici janvier 2020. Avec une promesse illusoire, le gouvernement annonce la création de 100000 emplois et avec une moquerie éhontée, le parlement a approuvé l’augmentation du salaire minimum de 288000 pesos à 301000, soit 13000 pesos de plus. Ce sont des miettes que le pouvoir propose, ils continuent à nous rire au nez…

La machinerie bien huilée de l’État fonctionne de manière accélérée et améliore encore sa répression. La Chambre des Députés a approuvé la « Loi Anti Barricades » et la « Loi Anti Pillages », qui sont en fait des lois contre les protestations, augmentant les peines de prison, frisant l’absurde. Tout le spectre politique a voté en faveur de ces lois, de l’UDI au Frente Amplio et au PC. Une gifle douloureuse pour celles/ceux qui appellent naïvement à utiliser les outils du pouvoir pour « changer le système de l’intérieur ». Croyez-vous toujours aux élections comme « forme de lutte » ?
Les États-Unis annoncent, sans aucun scrupule, un « aide » aux gouvernements latino-américains pour contrer des soulèvements populaires.
La police confirme l’achat d’autres véhicules blindés avec des lanceurs de gaz et d’eau. A Valparaiso, ils défilent avec leur hymne dans les hauts-parleurs, tandis que des policiers effectuent le salut nazi.
Les affrontements entre les cagoulé.e.s et les flics continuent. Les murs sont un musée à ciel ouvert de la Révolte sociale, les passant.e.s admirent le talent et l’originalité des affiches et des graffitis.
Chaque jour, des groupes d’étudiants continuent à encourager la fraude dans les guichets du métro…
Dans les quartiers, on continue à résister et les barricades ne cessent de brûler.
La nuit, il y a eu de durs affrontements dans la ville de Yungay ; il y a eu de nombreux.ses blessé.e.s et des attaques contre le poste de police.
A Copiapo, une personne a laissé un blindé avec canon à eau hors service et a saboté le bec.
Quatre voitures de police privées ont été vandalisées à Peñalolen
Nous continuons à vandaliser la conformité !

NOUS AVANÇONS, AVEC L’ORGANISATION « FORMELLE » ET INFORMELLE, VERS LA LIBERTÉ !
Nous n’abandonnons pas…

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6 décembre
50e jour de la révolte sociale

LA FLAMME EST ALLUMÉE !
Qui l’aurait dit… Ça fait 50 jours !

Certains prédisaient que la Révolte Sociale était en train de mourir lentement. Mais le Gouvernement, en complicité avec le Parlement, a menacé « des douleurs de l’enfer » ceux/celles qui continuaient à protester. Cela a déclenché l’effet inverse et les gens sont retournés dans la rue.

Et les gens sont revenus avec la rage de celles/ceux qui savent que, dans ce combat, on ne peut pas faire confiance aux partis politiques et qu’on n’a que soi-même, et que l’on se joint à d’autres, cela crée un nous, un nous qu’aujourd’hui compte plus de cent mille personnes.

En ce septième vendredi de la Révolte sociale, la haine était dirigée contre le Frente Amplio (coalition de partis politiques de « gauche ») et son pathétique appel au pardon pour son vote anti-protestation. C’est pourquoi, hier soir, des militant.e.s ont attaqué le siège d’un des partis de leur coalition : « Revolución democrática ».

Un groupe d’habitant.e.s de La Legua (un quartier de Santiago) a offert des déjeuners, des coiffeurs font des coupes de cheveux et même, sur une chaise spéciale, ils offrent des massages aux manifestant.e.s. Ce qui est beau, c’est que tout cela est sans échange monétaire. La solidarité et l’entraide restent un des piliers de ces cinquante jours.
Dans d’autres parties de Ground zero, les affrontements entre les encagoulé.e.s et les flics sont violents…
Avec une fronde géante, des personnes encagoulées lancent des pierres aux flics. Des boucliers décorés entre autres avec des A cerclés, protègent celles/ceux qui résistent à l’assaut du bras armé du capital.
Sous le monument aux Carabineros, les hommes en uniforme s’étaient retirés derrière une tranchée de sacs de sable. Les encagoulé.e.s ont pris leur tranchée et se sont approprié le matériel pour en faire une à eux/elles.

Le liquide lancé par le canon à eau des blindés est dangereusement toxique, les manifestant.e.s mouillé.e.s se mettent nus, car leurs vêtements leur brûlent littéralement la peau. Les armes chimiques utilisées sont d’une puissance jamais vue auparavant. On dit que le gaz lacrymogène atteint au moins le septième étage des bâtiments proches du Ground zero.

On remarque une plus grande présence de la propagande acrate, plusieurs banderoles et drapeaux anarchistes. Sur les murs se détachent des affiches du Groupe de Propagande Révolutionnaire (GPR) et un graffiti à la mémoire d’Alexandros Grigoropoulos.

Dans le centre commercial Costanera, l’autre lieu emblématique des manifestations de Santiago, des centaines de personnes parviennent à entrer et à défiler à l’intérieur du centre commercial. A l’extérieur, des manifestations sont réprimées par la police. De nombreuses barricades brûlent sur l’Avenida Providencia, une des rues les plus importantes de Santiago, aux coins avec P. De Valdivia, Los Leones et Miguel Claro. A ce dernier carrefour, un réactionnaire a menacé les manifestant.e.s avec un couteau et a ensuite donné des coups de pied à ceux/celles qui avaient installé une barricade. La contre-attaque a été brutale, il a été battu et laissé inconscient, la police l’a gardé jusqu’à ce qu’une ambulance emmène ce citoyen amoureux de la loi.

La nuit, il y a eu des attaques contre les postes de police de Estación Central et de La Granja. Dans cette dernière il y a eu des policiers blessés. En réponse, des chars tirent sur les quartiers populaires. Oui, les chars !

A Concepción, des agents en civil du PDI s’infiltrent dans les manifestations et arrêtent celles/ceux qui, cagoulé.e.s, lancent des bombes incendiaires. Dans la même ville, la police a battu un violoniste connu et a cassé son instrument. A La Serena, des fascistes ont attaqué la tombe de Romario Veloz, tué par les milices pendant le couvre-feu.

Les douloureuses chiffres officielles font état, à ce jour, d’au moins 11 000 personnes blessées, 352 ayant des lésions oculaires, de 41 meurtres, 121 personnes disparues, 600 torturées, 12 violées et d’une centaine d’abus sexuels. Nous savons que, malheureusement, le nombre est beaucoup plus élevé. Le nombre de personnes détenues et poursuivies ne peut être précisé, mais le nombre de personnes en détention préventive se situe autour de 1900. Que tant de souffrances ne soient pas vaines, que le mot vengeance devienne réalité.

À Macul, on vandalise et on crève les pneus de trois voitures privées de flics.
Un appel est lancé à frauder le métro, dans toutes les stations, le lundi 10.

Nous avons des objectifs clairs et nos actions visent à briser leur système oppressif, nos sourires veulent leur effondrement.
Pour la fraternité dans la guerre et la création d’une communauté de lutte !
LA RÉVOLTE EST VIVE… VIVE LA RÉVOLTE !

Honneur à Alexandros Grigoropoulos : cela est aussi pour toi.