« Je suis Robin,la personne qui a été blessée au pied par une des nombreuses grenades assourdissantes que les gendarmes mobiles ont lancé sur les manifestant-e-s, aux alentours de Bure mardi 15 août 2017. Je suis à l’hôpital de Nancy. Mon pied est dans un sale état, la grenade l’a creusé sur une profondeur de 3 cm et un diamètre de 13 cm. Les os sont pour la plupart brisés. Certains ont même disparus, pulvérisés. La chaussure a été explosée, le plastique a fondu et s’est engouffré dans la plaie, si bien qu’une infection est probable, ce qui nécessiterait l’amputation des 5 orteils. À cela s’ajoute une trentaine d’éclats répartis dans l’autre jambe.
Les gendarmes ont tiré une quinzaine de grenades assourdissantes, ils ne courraient aucun danger.
Juste avant que mon pied saute, j’ai vu une grenade exploser à hauteur de tête.


Pour moi la volonté des forces de l’ordre à ce moment là est très clairement de blesser ou tuer, dans le but de terroriser ceux qui se battent et ceux qui ne se battent pas encore. Sur le brancard de l‘équipe médic dont je salue le courage et l’efficacité, j’ entendais encore les grenades exploser. Malgré le brutal changement que cette blessure va provoquer dans ma vie de père de 2 enfants en bas âge, j’appelle plus que jamais à continuer le combat, à le prendre ou le reprendre pour certain-e-s. »

 

  • Écrire à Robin et aux autres copaines blessé-e-s : Pour écrire et témoigner de notre soutien à Robin et aux autres copain-e-s blessé-e-s lors de la manif, n’hésitez pas à écrire à la Maison de résistance à Bure, 2 rue de l’Église, 55290 BURE.

 

Communiqué commun des équipes médic, automédia et légale de Bure suite à la manifestation du 15 août 2017

À Bure le 15 août 2017 le cortège d’environ 800 personnes n’avait jamais été aussi massif pour une manifestation non déclarée à Bure. Face à elle, la Préfecture a choisi délibérément une stratégie d’asphyxie et d’agression entraînant de nombreux-ses blessé-e-s. Le dispositif policier de la journée était deux fois plus important que celui mis en place lors de la manifestation du 18 février 2017, à savoir qu’une quinzaine de fourgons de gendarmes mobiles ont été comptabilisés, ainsi qu’un canon à eau.

Le trajet de la manifestation, partant en direction de Saudron et non du laboratoire, était pensé précisément pour éviter la «zone rouge» fortifiée, le dispositif anti-émeute, et les affrontements. L’objectif était de se rendre sur un grand terrain entre le village de Saudron et de l’Espace Technologique (bâtiment de l’Andra), pour y visibiliser un site néolithique de très grande importance découvert par les fouilles et occulté par l’Andra.

Cependant la préfecture a tenté de provoquer délibérément l’affrontement en plein milieu de Bure, 100m après le départ de la manifestation : plusieurs fourgons avaient été postés à la sortie du village. Plutôt que de tomber dans ce piège, les manifestant-e-s ont intelligemment choisi d’éviter la confrontation et de faire un détour de 4km à travers champs pour atteindre le terrain envisagé. À deux pas de l’objectif, à la sortie de Saudron, plusieurs fourgons de GM et un canon à eau ont été de nouveau déployés, et les premiers tirs de lacrymos envoyés, rendant inévitable les affrontements en plein milieu du village…

Le dispositif policier

Outre les pluies de lacrymos et l’usage du canon à eau, la police a utilisé des lanceurs de balle de défense, notamment au-dessus de la ceinture (ce qui n’est pas « légalement » autorisé), provoquant des blessures notables sur plusieurs personnes. Mais également de nombreuses grenades de désencerclement ou assourdissantes, tirées à la main mais aussi avec des lanceurs jusqu’à plusieurs dizaines de mètres derrière les lignes d’affrontement, entraînant de lourdes blessures.

Sur une petite portion des affrontements en fin de manif ont été relevés (au moins) les restes d’une bonne quinzaine de grenades assourdissantes, 12 tirs de LBD , 4 grenades de désencerclement. Ce qui donne une idée de l’ampleur globale de la journée.

Relevé des personnes blessé-e-s

Les équipes médics dénombrent plus de 30 blessés, parmi lesquels quelques unes avec des blessures conséquentes, et 3 hospitalisations. On peut notamment mentionner une hospitalisation pour une blessure très grave :

  • Un manifestant a eu le pied déchiqueté après l’explosion d’une grenade assourdissante, entraînant une triple fracture ouverte sur les os métacarpiens. Les chirurgiens ayant pris en charge le blessé, après premiers soins par l’équipe médic, parlent maintenant d’un risque d’amputation des orteils à cause de la présence de plastique fondu de sa chaussure dans les tissus. ⇒ Une photo est disponible ici, attention elle est très choquante.

Lors de l’évacuation des blessé-e-s, les forces de l’ordre ont pris pour cible les groupes de personnes qui étaient en train de venir en aide aux blessé.e.s, en engendrant panique et nouvelles blessures.

Pour les blessé-e-s les plus graves, les services publics de secours ont été appelés mais nous n’avons pu que constater leur difficulté à gérer des blessures balistiques pour lesquelles ils ne semblent pas être formés. Faut-il former les services de secours à soigner des blessures « de guerre » ou arrêter d’utiliser des armes à feu sur des civils susceptibles de mutiler et tuer, contrairement à ce que suppose leur « non-létalité » ?

Ce bilan est extrêmement lourd et s’additionne à celui, déjà très violent, de la manifestation du 18 février 2017, où une vingtaine de personnes avaient été blessés et 2 hospitalisées.

Potentielles suites répressives pour les personnes hospitalisé-e-s

Non content de se limiter à blesser, mutiler et peut-être amputer des manifestant.es, la police va jusqu’à les assaillir dans les hôpitaux, parfois avant même qu’ielles soient soigné-e-s, pour les auditionner voire les perquisitionner :

  • Une personne hospitalisée à Neufchâteau a vu débarquer la police dans sa chambre pour contrôler son identité.
  • À l’hôpital de Nancy, la police a auditionné le manifestant sévèrement blessé au pied dans l’après-midi du 16 août, 1h30 d’interrogatoire épuisant par des gens responsables d’une possible amputation. Une question sur deux le concernait, les autres étaient sur la manifestation. « J’accepte l’audition mais je ne vous dirai rien vous avez bousillé ma vie », réponse sur le ton du gentil flic « On est là pour vous, pas contre vous, là pour vous aider. » 1h30 plus tard, les policiers reviennent avec un ordre de perquisition pour contrôler ses vêtements. « Je suis fatigué, vous me mettez la pression, c’est la deuxième fois que vous rentrez dans ma chambre ! ». Réponse : « J’ai été gentil, j’aurais pu ne pas l’être. »

Une stratégie répressive de plus en plus brutale

Il est loin le temps où la stratégie de l’Andra et de la Préfecture se résumait à « ne faisons pas de vagues  », pour éviter de trop visibiliser la contestation du projet. Depuis quelques mois la stratégie policière évolue vers un tournant de plus en plus agressif : intimidations et provocations au quotidien, asphyxie directe des manifestations, blessés graves. Bien loin de se cantonner à protéger le laboratoire et les autres infrastructures comme c’était le cas par le passé, les gendarmes ont reçu l’ordre de venir directement au contact des manifestant-e-s en plein milieu des villages, pour apeurer les gens, favoriser la division, blesser, mutiler… Jusqu’où ira-t-elle ?

L’objectif d’un tel communiqué n’est pas de tomber dans une contre-propagande victimaire, un bilan morbide ou une surenchère guerrière. Il est de documenter au mieux les attaques de la police sur le cortège, et d’offrir un témoignage sur l’évolution continue du dispositif répressif à Bure. Nous prenons acte de cette stratégie d’asphyxie et, dans les mois et années à venir, nous allons chercher à nous donner de l’air de multiples manières.