Nous avons d’abord participé à un pique-nique festif en présence de quelques journalistes dont Fr3, Reporterre, le Tarn libre… Certain-e-s jouaient de la musique, d’autres mangeaient… Nous étions une centaine. C’était l’occasion de se retrouver six mois après l’expulsion et un an après le début des travaux sur zone.

Ensuite, nous sommes allé-e-s au tribunal : salle comble, les prévenu-e-s passent le portique en premier-e-s, certain-e-s soutiens sont refoulé-e-s à l’entrée par manque de place. La juge commence par faire l’appel des inculpé-e-s qui doivent se présenter à la barre et qui se retrouvent ainsi aligné-e-s en rang d’oignon. Ils doivent exprimer leur consentement à cette procédure qui comporte une partie collective et une partie où chaque inculpé-e sera jugé-e individuellement.

Pour la partie collective, notre avocate attaque sur la procédure qui n’était pas légale étant donné le caractère politique de la manifestation (la convocation par procès verbal n’est pas réglementaire concernant des actions politiques). Le procureur a réfuté ce caractère politique de nos actions, sans doute pensait-il que nous étions au Testet pour ramasser des champignons alors que c’était pas du tout la saison…

Chaque inculpé-e est ensuite appelé-e à la barre et doit répondre aux questions de madame la présidente et du procureur qui ne loupe pas une occasion de tendre des pièges pour nous mettre en défaut, en vain. Le procureur se permet de parler aux prévenu-e-s comme s’il s’adressait à des enfants, les questions qu’il pose sont adressées aux plus jeunes en essayant de les déstabiliser; en l’occurrence il est spécialement odieux avec l’une d’entre elle-eux, ne la laissant pas répondre à ses questions et tel un adulte qui parle à une enfant, il lui explique la vie.

Chacun-e pouvait aussi exprimer ce qu’il-elle avait à dire. Nous avons ainsi pu rappeler au procureur les raisons politiques de notre mouvement, entre autres :

-Ce projet détruit une zone humide pour des intérêts financiers, la CACG était dans cette histoire : bureau d’étude, maître d’œuvre et futur exploitant du barrage.

-La crise écologique demande un changement radical de nos modes de vie, cette radicalité s’est exprimée à Sivens.

-Nous proposons une agriculture paysanne, locale et bio moins gourmande en eau.

-La mairesse de Lisle sur tarn, le président du Conseil Général ainsi que le préfet du Tarn ne sont pas neutres dans cette histoire.

-Nous nous opposons aux décisions d’instances politiques : c’est une lutte politique.

-Nous sommes là pour défendre la terre et il n’est pas normal de nous condamner.

-La contestation du projet de construction du barrage a provoqué la création d’une commission d’experts mandatée par la Ministre de l’Écologie et une mise en demeure de la France par la Commission Européenne pour violation de la Directive loi sur l’eau. Les experts ont considéré que le projet de barrage était disproportionné et ne respectait pas certaines législations nationales et européennes.

-Nous avons remis en cause la légitimité des forces de l’ordre qui ont fait preuve d’une rare violence envers nous, ont tué l’un d’entre nous, et ont autorisé de fait les intimidations et violences des pro-barrages. Certain-e-s ont par ailleurs relevé le fait qu’il nous était difficile de nous disperserau vu des milices hostiles qui encerclaient la zone. Ce que la juge a bien été obligée de reconnaître.Tou-te-s ont assumé leurs actes, certain-e-s avec beaucoup d’émotion.

Nous avons ensuite assisté au réquisitoire du procureur, bien assis dans son fauteuil.
Pendant les réquisitions, il récidive, disant que ces «irréductibles zadistes» s’étaient, le jour de l’expulsion, «comporté-e-s de manière enfantine»… Il n’expliquera pas pourquoi (nous rappelons que l’age des inculpé-e-s va de 20 à plus de 50 ans). Ses propos sont d’ailleurs restés souvent approximatifs, voire confus lorsqu’il parlait des différent-e-s prévenu-e-s, mélangeant les personneset les affaires: un dossier, vide de preuves et de procès verbaux, ne l’ont pas aidé. Durant son réquisitoire, concernant les plaintes d’opposant-e-s, qui ne furent jamais reçues, il s’est contenté de dire que «si les gendarmes étaient si méchants il y aurait des vidéos parce que tout le monde a une caméra ou un téléphone pour filmer», il a même parlé de réseaux sociaux. Je pense que ce monsieurn’a pas internet chez lui et aucun moyen de visionner les nombreux films que nous avons, je propose donc de lui offrir un ordinateur avec un logiciel de lecture multimédia et une connexion à internet, ou un magnétoscope s’il préfère. Sur ce sujet, notre avocate parle de « deux poids deux mesure » quant à l’action des gendarmes.
Il fût encore plus détestable et raciste lorsqu’ il a affirmé qu’un gendarme au nom de famille à connotation «non pas suédoise» mais bien hispanique devait bien être en capacité de communiquer avec l’une desinculpé-e-s ne parlant que l’espagnol, qui, ne comprenant pas le français,n’avait pu faire aucune déclaration lors de sa garde-à-vue.
La Métairie, il l’a balayée d’un revers de la main en disant qu’une procédure était en cours mais qu’«il sera difficile de retrouver les coupables». Nous lui rappelons qu’après un incendie criminel, elle a été rasée illégalement. S’il veut retrouver les commanditaires, nous pouvons lui donner des noms et adresses: Maryline Lherm et Thierry Carcenac, respectivement mairie de Lisle/tarn et Conseil Général du Tarn.
Les réquisitions du procureur sont d’un mois de prison assorti de sursis pour tou-te-s les prévenu-e-s, sauf deux d’entre elle-eux, pour qui il requiert deux mois, l’une pour refus de prise d’empreinte et de photos, l’autre pour rébellion.

Après un long moment de délibéré qui nous a permis de souffler, les juges sont venu-e-s donner leursentence:

-Tou-te-s, ont été relaxé-e-s pour le chef d’inculpation « Pour avoir […]n’étant pas porteur d’une arme, continué volontairement à participer à un attroupement après les sommations de dispersions»

-Les deux absent-e-s ont été condamné-e-s à une amende de 200€ avec sursis. Il est de coutume de condamner les personnes qui ne sont ni présentes, ni représenté-e-s le jour de l’audience.

-Deux camarades présent-e-s ont été condamné-e-s : l’une à une amende de 150€ pour avoir «refusé de se soumettre à une prise d’empreintes et de photos pour alimenter les fichiers», un autre inculpé aété relaxé pour les mêmes faits : lui avait une avocate, pas elle (nous rappelons que cette «alimentation des fichiers» pose problème à l’Europe).

-Et enfin, notre soulagement n’a pu être total car l’un d’entre nous a été condamné à 1 mois de prisonavec sursis pour «rébellion». L’acte de rébellion en question est d’avoir fait une chaîne avec ses camarades, et de s’être laissé tomber de tout son poids lorsque les gendarmes l’ont attrapé.

Pour celles et ceux qui veulent en savoir plus nous les invitons à liredes témoignages sur les raisons pour lesquelles les occupant-e-s étaientsur place et ont résisté.A la prochaine pour de nouvelles aventures.

Quelques inculpé-e-s et spectatrices/spectateurs de ce «théâtre judiciaire».