A propos du pinkwashing et de l’action sur l’escalier arc-en-ciel à la Pride de Nantes
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Local
Thèmes : Lgbtqia+PinkwashingPrideTpg
Lieux : Nantes
Précaution de lecture : j’ai conscience que ce texte ne sera pas agréable à lire, il n’a pas été agréable à écrire. Il ne vise cependant pas des individus en particulier mais le sens d’une action politique. Il est écrit depuis le point de vue d’un pd cis qui a été militant à Nosig et ne l’est plus.
Le cortège trans/pédé/gouine radical de la Pride a recouvert les marches arc-en-ciel du centre-ville de Nantes par de la peinture rouge, du faux-sang, reprenant ainsi les modes d’action d’Act-Up contre les laboratoires lors de la crise du Sida. Le message semble clair au premier abord avec un grand tag «Stop Pinkwashing » : la Ville de Nantes n’a pas à mettre en scène son soutien à la communauté LGBTQIA+ tant que la condition matérielle des plus précaires d’entre nous ne connaîtra pas d’amélioration, nos couleurs ne doivent pas faire l’objet d’un spectacle joyeux pour enrichir le parcours du Voyage à Nantes et prospérer sur l’image d’une ville ouverte et friendly. C’est aussi une manière de dire que la visibilité ne peut pas être une solution politique satisfaisante : des représentations aussi positives et belles soient-elles ne changent pas matériellement nos existences. Indéniablement, ayant toujours été sceptique des initiatives arc-en-ciel des grandes villes, ce discours me parle et je le comprends.
Pour autant, quelle sera la pensée de tou.te.s les passant.e.s au petit matin ? « Encore des homophobes qui ont dégradé les marches. » Du sang sur des marches, comme le sang qui coule quand on agresse l’un.e d’entre nous. Comme une menace. Si casser une banque est un signal assez univoque, dégrader les marches qui ont fait l’objet de plusieurs dégradations de la part de groupuscules réactionnaires ne l’est pas. Cette action est à mes yeux une erreur stratégique non seulement mais aussi une erreur d’analyse politique.
Pourquoi ? Parce que les marches arc-en-ciel sont issues d’une action soutenue par la Ville mais initiée et portée par l’association Nosig. Parce qu’il y a une forme d’indécence et d’irrespect à défiler dans la marche préparée par une foule de bénévoles depuis octobre pour aller piétiner le travail de ces mêmes bénévoles qui ont repeint les marches une semaine avant. Parce que c’est oublier l’histoire de ces marches qui ont été repeintes maintes fois dans des ambiances collectives, joyeuses, un peu comme une activité détente de centre social culturel queer. Parce que reprendre les modes d’actions des mouvements réactionnaires n’a absolument rien de révolutionnaire. Surtout quand au même moment à Ancenis ils s’empressent de recouvrir un passage piéton arc-en-ciel de peinture rouge. Et je pose la question : Quel est le sang concrètement que Nosig a sur les mains ? Quel est le sang que la Ville a concrètement sur les mains ?
Pinkwashing = tirer un privilège en terme matériel ou symbolique en instrumentalisant les droits LGBTQIA+ sans apporter d’avancée en terme de droits, pratiqué autant par des multinationales que par des États. Quand on sait qu’à chaque dégradation les services de la Ville sont mobilisés pour nettoyer les marches, qu’il faut racheter les peintures, que la Ville a été en procès pendant 3 ans face à un « contribuable mécontent », qu’elle en est venue à poser une caméra pour faire stopper les dégradations [NDLR : j’énonce un fait, je ne dis pas que c’est ce qu’il fallait faire], que tous les conservateurs nantais de twitter shitstorment à la vue d’un seul drapeau arc-en-ciel, le bénéfice et le privilège tiré par la Ville n’est pas clair. La question de savoir s’il s’agit de pinkwashing peut aussi être posé au regard du soutien de la Ville au Centre LGBTQIA+ depuis sa création jusqu’à aujourd’hui avec un nouveau local et deux personnes salariées. On peut ne pas aimer la politique de la Ville et du PS, on peut vouloir porter une ligne politique qui refuse l’assimilation, on peut craindre la récupération politique et douter de la sincérité des engagements de la Ville. Mais on peut aussi reconnaître que du travail politique est fait sur ces questions et qu’il n’est pas en contradiction avec nos intérêts. Même si ça pique que ce soit fait par le PS. Parfois, que des personnes avec qui je ne sois pas politiquement d’accord ne souhaitent ni notre éradication ni notre silence ni notre précarité me semblent vraiment bienvenues, même reposant. Si la seule chose qu’il nous reste comme action possible dans notre lutte, c’est couvrir de faux-sang un rainbow flag, alors il n’y a plus de lutte, nous en sommes venus à nous raturer nous-mêmes.
Qu’est-ce que serait du travail politique sur le pinkwashing ? La question, elle n’est pas vite répondu. A Nosig, je n’avais pas d’espace de discussion pour la réfléchir et me la poser. Parfois, la politique, ce sont des choses simples : c’est aller rencontrer les militant.e.s, poser des questions, ouvrir des espaces de parole et de réflexion. La politique, c’est parfois trouver les brèches dans chaque lutte par lesquelles nos existences se touchent. Ce sont des tracts, des affiches, une projection, l’invitation à un débat. Le groupe Racine avait par exemple distribué des tracts sur le Village de la Pride en 2019. C’est moins spectaculaire certes mais c’est aussi efficace pour le team building affinitaire, rassurez-vous. Et s’il fallait dégommer une institution, celle qui fait souffrir des milliers de personnes queer, s’il fallait jeter du faux sang quelque part pour avoir une action similaire à celle d’Act-up en terme de portée politique, ce serait l’Éducation nationale qu’il faudrait viser. Il y avait tellement mieux à faire.
Si je devais vraiment donner le fonds de ma pensée, au-delà de l’erreur d’analyse politique et de cible, cette action consiste pour moi en du revolutionnairewashing (oui j’ose, moi aussi j’ai le droit de me faire plaisir) : une action simple et facile qui se pose comme radicale mais qui n’a absolument aucun impact ni en terme d’empowerment ni en terme de rapport de force. Comme le tag laissé sur le mur face à Nosig en juillet 2020 qui disait « Stop au Pinkwashing et au racisme d’État ». C’est juste une manière de construire artificiellement une radicalité qui n’aura aucun impact, mise à part susciter de la colère et de l’incompréhension. Car tout simplement la plupart des personnes LGBTQIA+ se sentiront tristes en voyant les marches dégradées. Personnellement je me retrouve à expliquer à mes camarades politiques que ce n’est pas une action des fafs, tiraillé entre amusement et lassitude. Après tout, ce n’est qu’un peu de peinture, j’en ai conscience. Mais qui arrive dans un moment où le niveau de vigilance antifasciste nous a toustes mis.es sur les nerfs, vraiment.
Alors maintenant quoi ? Nosig, c’est pas Bernard Arnault, c’est pas le gouvernement, il suffit de pousser une porte pour leur parler. La Pride possède la plupart du temps un espace de débriefing. Nous y étions allé.e.s en tant que cortège révolutionnaire en 2017 parce qu’on avait un peu bordéliser l’orga, forcément. Alors il fallait arrondir les angles. Si je devais finir par un conseil d’ami, ce serait de faire ça, d’aller parler, d’aller expliquer votre action, de tenir votre ligne si vous voulez ou peut-être, parfois on peut se prendre à rêver, de reconnaître la maladresse.
Si le ton de ce texte est foncièrement critique, mon but n’est pas d’empêcher des modes d’action révolutionnaires mais d’éviter des erreurs stratégiques qui ne prennent en compte ni l’histoire locale LGBTQIA+ ni la sensibilité des militant.e.s associatif.ive.s qui la font vivre au quotidien.
Libre à l’AG TPG de décider si elle souhaite s’en saisir.
tu soulèves pleins de choses dans ce texte et j’ai pas l’énergie de réagir à tout même si c’est pas l’envie qui me manque.
simplement tu écris « Quel est le sang que la Ville a concrètement sur les mains ? »
la Ville de Nantes mène depuis DES ANNÉES une politique dégueu envers les personnes exilées qui vivent à Nantes. elle contribue à la répression des sans papiers dont certain.e.s fuient leur pays car LGBTQIA+ : harcèlement policier, expulsions, la dernière crasse en date c’est quand même johanna rolland qui va voir darmanin et qui revient avec la promesse de la construction d’un CRA en Loire Atlantique.
AUSSI : la ville de nantes contribue à la transphobie d’État en rendant toujours plus galère les démarches de changement de nom/d’état civil des personnes trans.
et sinon je perçois ton texte comme dépolitisant l’action des personnes qui s’affirment politiquement contre les institutions, avec ce discours « il aurait fallu s’en prendre à telle ou telle institution, vous vous trompez de cible ». Ya des anar et des totos dans la commu queer, déso pas déso de s’en prendre aux institutions qui nient notre existence ou l’utilisent pour redorer leur blason de « ville de goche »
C’est sacrément osé d’aller discréditer une action menée tout en prenant de haut et paternalisant les auteur.ice.s
On s’indigne de peintures sur les marches arc-en-ciel, cela semble être un drame, mais le drame n’est pas plutôt les parcours du combattant auxquels font face nos adelphes ? Parcours du combattant orchestrés par la mairie, qui d’un autre côté se dit « soutenir nosig ».
Combien de temps l’association a-t-elle d’ailleurs mis avant d’obtenir ce local ? Combien s’est elle battue ?
Nous ne nous contenterons pas d’obtenir des miettes, quand certain.es s’en mettent plein les poches sur le dos de nos existences.
Le sang de nos adelphes devrait faire beaucoup plus scandale que de la peinture sur le SEUL endroit qui évoque les LGBT à Nantes. Le fait que ce soit d’ailleurs le seul devrait aussi vous scandaliser.
« anonyme » : je suis tout à fait d’accord avec ce que tu dis mais dans le cadre de ce type d’action, il me semble important à ce moment de fournir aussi ces éléments contextuels. Parce que sinon, on entretient et alimente l’entre-soi. D’ailleurs le communiqué posté sur le site ne fait nullement mention de ça.
« Anonyme » : J’ai l’impression qu’on a pas lu le même texte. J’ai pas l’impression que lea autrice du texte s’indigne, considère que ce soit un drame ou je ne sais quoi mais qu’ielle questionne l’action (et particulièrement la cible) et sa pertinence pour atteindre les buts souhaités.
La personne explique pourquoi ielle pense que c’est pas la meilleure idée et propose d’autres cibles pour ce type d’actions et d’autres modes d’action pour avancer vers ces buts.
moi je répondais à la question « quel est le sang que la Ville a concrètement sur les mains ». c’était simplement une réaction et pas de lien avec le communiqué qui a été publié
Comment tu fournit « des éléments contextuels » en pleine action où t’as pas le temps de faire de grand discours (qu’en plus seule une petite fraction de la population entendrait)? Est-ce que le message contre le pinkwashing est pas justement un élément contextuel?
Quand tu parle d’entre soi, est-ce que tu parle de l’entre soi du centre LGBTQIA+? Enfin de celui entre ses bénévoles qui taffent gratos pour participer au pinkwashing de la ville (qui fait des économies de main d’oeuvre du coup). Ou l’entre soi entre les responsables du centre qui prennent des photos promos avec leurs subventionneur.e.s (style JM Ayrault ou Jojo Rolland, pinkwashing quand tu nous tient…)? Des entre soi il y en a un peu partout, c’est peut être bien de se questionner sur ceux qu’on dévelope soi même avant de balancer cet argument à la face des gens. Et parfois (je dis bien parfois), il vaut mieux un entre soi un peu clair qu’un magma informe d’aggrégation de subjectivités qui finit par tout tirer vers le bas et tout dépolitiser.
Moi je vois dans ce texte surtout les arguments habituels des socedems (qu’iels se disent radicaux/radicales ou pas) débordé.e.s par leur gauche: « c’est pas stratégique » sur un ton bien paternaliste (parce qu’on sait mieux que les autres comment bien faire), suivi d’une liste plus ou moins longue de propositions d’actions ou de cibles qui ont surtout en commun leur inoffensivité.
J’y vois aussi une réaction de se sentir menacé dans ses propres choix et pratiques politiques. En tout cas le texte ets très situé en terme de classe et de race pour oser dire que la mairie PS fait du travail qui n’est pas en contradiction avec « nos intérêts ».
Copiner avec les institutions qui perpétuent exploitations et dominations pour avoir des subventions et du taf, ça mène inévitablement à des contradictions. C’est pas pour dire que le centre sert rien et c’est cool qu’il y ait des lieux ressources pour dépanner et aider les gens. Mais il faut être un peu honnète aussi sur les limites de cette démarche (comme par exemple servir à renforcer le pouvoir des édiles). Après tout c’est comme ça que ça marche avec le PS à Nantes, c’est le règne du clientélisme… Un exemple tiens avec l’autre cantine et son président d’honneur/co-fondateur qui en a bien profiter pour gagner du galon et faire sa petite carrière politique.
il me chiffonne ce texte, il se présente comme si c’était un texte de réaction à une action, en mode « moi, j’ai pas compris, ça me fait telle émotion négative parce que » ce qui pourrait être constructif, mais il tourne tout de suite en « les gens (que je connais et que vous connaissez pas parce que vous faites pas partie du monde comme moi) ne peuvent pas comprendre, je suis pas d’accord avec vous, vous êtes pas énervé·es pour les bonnes raisons et après les bonnes personnes, tenez, voilà une bonne raison par exemple, et de mon grand âge, acceptez ma sagesse sans moufter ».
déjà, le coup du « si vous utilisez les mêmes méthodes que les réacs, ça fait de vous des réacs », c’est un argument bidon et dépolitisant : une action c’est pas juste une action, c’est l’intention derrière l’action, qui y participe, et comment elle va être perçue. un·e nazi braque une banque pour financer un truc de nazi, c’est une action de nazi. un·e anarchiste braque une banque pour financer une action d’anarchiste, c’est une action anarchiste. tu peux ne pas être d’accord avec le mode de l’action, mais tu peux pas enlever l’intention qui a mené à la-dite action. les nazis veulent éliminer une partie de la population, les anarchistes veulent éliminer la misère et l’exploitation.
les gens qui ont fait cette action ont été assez clair·es sur leur position dans cette société en le faisant en public pendant la pride. tu peux pas nier que tu sais d’où ça vient, quoi. l’intention, le pourquoi, elle a été clairement établie dans leur communiqué. et comme pour tout dans la vie, y a pas moyen de prévoir comment un truc va être perçu, des fois t’as raison d’avoir foi en tes semblables pour comprendre ton propos, et des fois, tu surestime un peu leur envie de changer la vie.
des actions mal comprises, y en a à chaque manif, on a pas touste les même limites, le même point de fixation de nos frustration, y a des gens pour sérieusement faire la morale a des casseureuses de BNP en leur disant « c’est juste une petite agence locale, un petit commerçant, allez plutôt casser le siège social ». les personnes qui ont fait cette action n’ont clairement pas les mêmes préoccupations que toi. toi, tu demande pourquoi s’en prendre à la mairie et à nosig. t’as l’air pourtant d’acc avec le constat « la mairie de nantes fait du pinkwashing », et ça se fait pas tout seul. c’est exactement le travail des assos réformistes (bouh le gros mot) : éliminer le militant de la pride et garder la fête et les chars, peindre un arc en ciel là ou la mairie veut bien (mais pas n’importe où, hein faut que ce soit photogénique, va pas niquer la cathédrale), pas parler des choses qui fâchent… d’ailleurs tu le dis toi-même dans ton texte (et là c’est des vrai citations), « Qu’est-ce que serait du travail politique sur le pinkwashing ? La question, elle n’est pas vite répondu. A Nosig, je n’avais pas d’espace de discussion pour la réfléchir et me la poser », tout en te contredisant dans le dernier paragraphe « il suffit de pousser une porte pour leur parler »…
moi, tout ton texte me fait l’effet d’un bon gros « vous cassez tout, hein, mékesskevousproposez ? » avec des vrais morceaux de « moi avant quand je faisais la révolution, je m’y prenais mieux » et de « soyez raisonnables ». t’es pas d’accord avec cette action, tu penses qu’il fallait faire autre chose, et ben tiens, fais la, cette « autre chose », au lieu de défendre un putain d’escalier comme si ces gens avaient égorgé des bébés phoques… C’est pas non plus ce que j’aurais fait, mais t’as vu, c’est pas ce que j’ai fait, j’y étais pas, et je suis pas là à faire la morale à des gens qui font des actions *symboliques* pour essayer de changer le monde de merde.