Pour la palme du dicton le plus en vogue durant ces belles et tumultueuses semaines de lutte anti-CPE, je nominerais volontiers : « vous décrédibilisez le mouvement ». Cette exclamation anxieuse, ce soupir réprobateur, ce mot d’ordre imprononçable a résonné dans tous les amphis occupés et dans tous les boulevards arpentés par la foule, à Grenoble comme dans certainement beaucoup d’autres villes (1). Un tag dans l’université, ça décrédibilise le mouvement ; une agence d’intérim attaquée, ça décrédibilise le mouvement ; une poubelle en travers de la route, ça décrédibilise le mouvement. Pointant du doigt les initiatives un peu trop « osées », un peu trop violentes, un peu trop étranges, ce leitmotiv a inauguré les dissociations citoyennes au sein même de la mobilisation, phénomène classique à souhait (2). Si la question de notre crédibilité est omniprésente, alors poussons-la jusqu’au bout – plus loin que les pense-bête de nos chapelles militantes. Aux yeux de qui devons-nous être crédibles ? Selon quels critères ? Et à quel prix ?

Parfois j’entends dire qu’au sein de nos luttes, les angoissé-e-s de la crédibilité sont les gardiennes de la paix sociale, les garant-e-s d’une morale républicaine et répressive. C’est peut-être le cas, mais je pense que leur principal souci est ailleurs. Leur principal souci est la question de « l’élargissement », de la « massification » du mouvement. Pour que notre lutte soit victorieuse, il « faut » qu’elle regroupe de plus en plus de monde, qu’elle attire les foules, qu’elle ne les effraie pas, qu’elle leur paraisse juste et raisonnable. Il faut qu’elle ait bonne presse et qu’elle gagne l’opinion publique.

Je peux comprendre ce souci-là. Il est évident que le rapport de force tournera en notre faveur si nous sommes plus nombreux et nombreuses. Il est évident que nos consciences et nos colères tendent vers un partage, une communication, avec toutes les personnes qui nous entourent. Mais méfions-nous des

évidences

, et à trop nous préoccuper de notre image, prenons garde aux pièges que nous pouvons perdre de vue.

Le fantôme de l’opinion publique

Quand j’entends « vous décrédibilisez le mouvement » je n’entends pas « je ne suis pas d’accord avec vous ». J’entends plutôt : « je pense que l’opinion publique ne sera pas d’accord avec vous ». Le crédibilisateur ou la crédibilisatrice ne s’engage pas personnellement dans un débat éthique ou même stratégique (ce qui est d’ailleurs dommage) : ille imagine ce que penseront « les gens », et parle à leur place. Ille se fait l’écho, le média, d’une entité collective abstraite et menaçante, l’opinion publique. (3)

L’opinion publique est un fantôme. Bourdieu disait qu’elle n’existe pas. Elle n’est qu’un gros sac informe où nous rangeons toutes les idées les plus consensuelles que nous recensons autour de nous. Comme « les casseurs », elle devient un être virtuel, un agrégat monstrueux, qui plane à sa manière au-dessus de nos combats politiques. Méfions-nous de ce bloc homogène et simpliste : les humaine-s sont plus complexes que ça. Les idées dominantes et les parts de résistance s’entremêlent en chacun-e d’entre nous, à des degrés divers et suivant des schémas multiples. Et la solidarité d’une inconnu-e jaillit parfois là où on ne l’attendait pas. (4)

Dans nos luttes, « l’opinion publique » ressemble au bon père qui pose des limites, qui parle « raisonnable », qui exige face à lui un certain ton et un certain vocabulaire. Et si nous l’envoyions balader ? Qu’avons-nous à faire avec cette somme anonyme et flasque de toutes les opinions moyennes de notre démocratie médiatique ? Que lui devons-nous ? Pourquoi dialoguerions-nous avec un épouvantail étrangement proche de la pensée dominante ? Pourquoi entrerions-nous dans son jeu, caricature contre caricature, consensus mou contre consensus mou ? Pourquoi ne pas déserter les pauvres règles de ce dialogue imposé par les médias ? (5)

Méfions-nous des médias

A mesure que notre mode de vie nous sépare les un-e-s des autres, nous met en concurrence pour l’emploi et la survie, nous plante le nez dans la sphère privée et la petite famille nucléaire, que nous reste-t-il pour partager nos accords et nos désaccords au-delà du domicile, de l’atelier ou du bureau ? Il nous reste l’industrie médiatique, cet intermédiaire puissant, lien officiel entre nous et les autorités, entre nous et les autres ; maître du débat, maître de cérémonie.

Beaucoup de médias se présentent comme neutres – ils ne le sont jamais. Ne serait-ce que du fait de leur structure économique et hiérarchique. Une grande entreprise soumise (pour « survivre ») aux lois du capitalisme, et dans laquelle les individus sont organisés de façon pyramidale, ne produira qu’un certain standard d’information. Mauvaises conditions de travail (manque de temps et de moyens, précarité), compétition interne et carriérisme, souci de l’audimat, sensationnalisme, dépendance par rapport aux actionnaires et aux annonceurs, complicité entre élites : autant de facteurs qui favorisent l’auto-censure des journalistes (parfois leur censure pure et simple) et qui minimisent les possibilités, pour tout groupe qui n’a pas les moyens de s’offrir un-e chargé-e de com’, « d’apparaître » correctement dans les médias. (6)

Le traitement médiatique de nos luttes sociales est toujours décevant. Le format des articles ou des « sujets », court et divertissant, est toujours dramatiquement loin de la complexité de ce que nous élaborons. A la recherche de l’image percutante et du personnage haut-en-couleurs, les journalistes font de nos combats un spectacle saccadé, et nous laissent toujours seul-e-s quand le conflit traîne en longueur. Dans leurs récits, nos révoltes ont systématiquement un aspect soit folklorique (mignon), soit immature, à côté des phrases calibrées des costards d’en face. Toujours le même cinéma. Sans compter les citations tronquées, les significatives juxtapositions de plans, les amalgames grossiers et autres analyses de comptoir : bien souvent, la version « objective » du reporter, qui a infiniment plus de poids que la nôtre, laisse à la personne qui a été interviewée, devant le journal qu’elle découvre plusieurs heures plus tard, comme un arrière-goût de vol.

Tout cela, beaucoup de militant-e-s le savent. Mais la mémoire des luttes est trop peu transmise, et les leaders formels ou informels des mouvement sociaux, accoutumés à l’intérêt que leur portent les journalistes, font souvent silence sur ce genre d’observations. C’est pourquoi beaucoup de gens qui s’engagent pour la première fois dans une lutte, comme ce peut être le cas dans ce printemps 2006, ont encore les yeux brillants quand les caméras arrivent – cet espoir démesuré qu’on va « s’intéresser à leur histoire ». (7)

Les médias ne sont pas de notre côté. De par leur fonctionnement, leurs présupposés et leurs messages, ils sont toujours plus proches du statu quo que d’une sensibilité au changement social. On peut choisir de les utiliser, à pas de loup et de façon exclusivement stratégique, comme on se saisit d’une partie de l’appareil dominant pour la retourner contre une autre, comme on fait jouer entre elles des rivalités politiciennes, comme on lance un recours en « justice » pour retarder un projet ou une expulsion. Un « coup » médiatique, selon les cas, peut être un moyen de pression très circonstanciel sur les hauts placés, évidemment préoccupés par leur image. Mais attention à ne pas gaspiller trop d’attentes et de forces sur ce terrain miné. Méfiance !

L’exemple des « actions symboliques »

Pour la palme d’argent des dictons du mois, je nominerais bien : « on a prévu une action symbolique ». On a prévu un sit-in symbolique devant la Chambre de Commerce. On a prévu d’aller se rendre à la police, les mains derrière la tête, pour symboliser notre solidarité avec les interpellé-e-s (8). On a prévu de se costumer tout en blanc dans la prochaine manif, comme symbole des sans-droit et des précaires (9). « Tous à tel rendez-vous avec tel accessoire ». Les idées de mises en scène se succèdent, toutes plus innovantes les unes que les autres. Ca fera une image-choc, l’opinion publique appréciera – avant de zapper sur une autre chaîne.

L’action symbolique, chère aux associations caritatives et citoyennistes, reste dans le registre du spectacle. Certain-e-s syndicalistes la planifient en publicistes plutôt qu’en poètes : leur objectif prioritaire est d’allécher les journalistes. Plaçant les médias au centre de nos initiatives, l’action symbolique est le comble du souci de l’image dans nos luttes. (10)

A quoi mesurons-nous la réussite de nos actions ? Au nombre de caméras qui se sont déplacées ? Au nombre de minutes qui lui sont dédiées au téléjournal ? Ou plutôt : aux rencontres qu’elles ont occasionné avec les passant-e-s ; aux liens et aux réseaux qu’elles ont renforcés entre « nous » ; aux techniques que nous y avons perfectionné ; à l’expérience que nous y avons acquise ; aux analyses qu’elles nous permettent de tester et d’affiner ; au plaisir que nous y avons pris et au désir qu’elles nous procurent pour la suite ; aux dommages, dépenses et autres retards qu’elles ont causé directement aux institutions ennemies ? Ces questions brûlantes gagneraient à être posées dans chaque nouveau contexte, à chaque nouvelle action. Nous pourrions remettre l’aspect symbolique à sa place, et en venir aux faits : qu’est-ce que nos initiatives nous apportent très concrètement, en quoi elles nous rendent plus fort-e-s, qu’est-ce qu’elles nous aident à construire dans la durée, à quel point elles pèsent sur la machine des puissants ?

Il ne s’agit pas d’abandonner les joies de la théâtralité et de l’humour dans nos actions, mais de les détacher des exigences médiatiques, et de les relier tant que possible à des offensives réelles. Quand en 1974 à Turin, 80000 personnes enflamment un bout de papier en manif, la scène doit être saisissante – mais ce qu’elles détruisent, c’est l’original d’un courrier officiel qui les menace de poursuites si elles continuent à auto-réduire leur facture d’électricité (11). Quand en 1996 à Londres, une manifestation festive et écologiste de 8000 personnes envahit le périphérique M41, c’est aussi pour en défoncer le bitume et y planter des arbres – la jupe d’une gigantesque marionnette cachant les personnes munies de marteaux-piqueurs, et la musique des sound-systems couvrant leur vacarme (12). Quand en 2003 à Grenoble, quelques allumé-e-s grimpent dans un platane que la mairie veut abattre au profit d’un stade, l’occupation aurait pu être courte et symbolique, mais elle persiste, s’étend aux arbres voisins, et ouvre trois mois d’un mémorable campement suspendu (13). Ce ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres, à nous d’inventer les prochains, suivant les circonstances et les désirs.

Une communication autonome

On me dira qu’en tournant le dos aux médias, nous nous coupons d’un tas de gens et nous renonçons à communiquer nos idées. Je réponds : au contraire ! C’est plutôt l’ouverture de nouvelles réflexions et de nouvelles expériences. La question de la communication est, à la manière de la question politique, constamment déléguée à des spécialistes – ici, les journalistes. Mais au moment où je bloque tel carrefour, avec quelques dizaines d’acolytes, et où je croise le regard d’un passant, je ne peux pas me résoudre à l’idée que la principale forme d’explication entre lui et moi, alors que nous sommes terriblement présents, alors que seuls quelques mètres nous séparent, sera le commentaire du soir de la présentatrice TV.

Les modes industriels de communication sont trop étriqués pour nous. C’est justement parce que nous avons besoin de communiquer réellement qu’il nous faut construire autre chose. Il nous faut plus d’espace. Nos messages se meurent dans le cadre insipide et superficiel de la dépêche AFP. Ils tombent désespérément à plat quand le petit écran les

livre

, entre deux pubs et trois « divertissements », à des spectateurs et spectatrices invisibles, caressé-e-s dans le sens de la passivité. Il nous faut du fond, de la sensibilité, et de véritables rencontres.

Il y a mille et une formes de communication directe à découvrir et redécouvrir. A commencer par la parole. Nous pouvons réinviter la parole à vivre dans les quartiers, dans les immeubles -parler aux inconnu-e-s, oser prendre le temps d’échanger un mot d’humour ou de politique (14). Nous pouvons parler entre personnes dont la parole n’est jamais publique, nous qui n’avons pas accès au piédestal médiatique, aux tribunes officielles, aux mégaphones des confédérations syndicales : nous qui sommes catégorisé-e-s comme racailles, prolos, marginaux, femmes, pirates, mômes, casseuses, punks, vieillards, monstres, extrêmistes, immigrés, etc. Ainsi se cultivent des complicités conspiratrices, comme celles qui surgissent dans les occupations ou les manifestations sauvages, quand se partage une histoire forte et que vient, plus facilement, le plaisir de parler avec tous et toutes. Nous pouvons discuter aussi avec les badauds en marge des cortèges (15), les commerçant-e-s qui baissent le rideau de fer quand passent les émeutieres (16), les anti-bloqueurs (17), celles et ceux qu’on n’aurait pas imaginé si proches ; écouter, argumenter, il peut y avoir du régal là-dedans, et des liens inattendus.

Nous pouvons nous exprimer sans médiation. Ecrire des textes, des récits, des analyses, des appels, les coller directement sur les murs, les poster directement sur internet (18), les glisser directement dans les rayons des supermarchés (19), les donner directement sur papier. Nous pouvons graffer, chanter, peindre des affiches, publier des brochures et des journaux, enregistrer nos conversations les plus aiguës, photocopier les écrits qui nous marquent, monter des petits films. Prendre au sérieux ce que nous avons à dire. Etendre la culture souterraine des opprimé-e-s et des insurgé-e-s, la faire exister toujours plus, la diffuser autour de nous.

D’aucun-e-s se figurent qu’avec l’echo des grands médias, notre message touchera d’un seul coup des tonnes de gens… Personnellement, je ne vois pas pourquoi des gens réagiraient davantage en entendant nos actions à la radio, que ce qu’ils font tous les jours devant la masse d’informations catastrophiques qu’ils reçoivent, désastres écologiques, guerres, morts sur morts. Les médias nous disent la noirceur du monde, en même temps qu’ils la spectacularisent et la dépolitisent, en même temps qu’ils nous y accoutument et nous y résignent. (20)

L’industrie médiatique a pour elle l’avantage quantitatif : des

tonnes

de consommatrices et de consommateurs. Nous sommes habitués à la penser incontournable ; pourtant la circulation des idées est plus puissante par d’autres moyens. Ce qui me

touche

le plus, ce n’est pas le discours calibré du

speaker

à l’écran, mais la conversation avec un-e proche, le débat public où j’ai pu prendre la parole, le texte étonnant qu’une connaissance m’a conseillé, les polémiques qui secouent ma bande de potes, l’échange avec un individu en chair et en os, avec ses expressions, ses attitudes et ses mystères, que je découvre autour d’une activité commune. Le marketing l’a déjà compris et se lance dans l’exploitation cynique du bouche-à-oreille (21) : ne lui abandonnons pas ce terrain gratuit et réjouissant, prenons confiance en la force de nos relations et de nos réseaux. A cette échelle-là, plus réduite, plus dense, plus palpable, propice aux interactions, chargée en affects et en singularités, l’information et la réflexion naviguent plus vivement. (22)

A l’attaque !

Dans leur conception pauvre et consensuelle de l’opinion publique, dans leurs programmes actu-variétoche, les médias méprisent implicitement la population. Avec l’obsession de notre « crédibilité », nous faisons de même, préférant édulcorer nos discours et nos actes plutôt que les éclairer. Nous nous auto-censurons pour paraître comestibles aux journalistes, qui eux et elles-mêmes s’auto-censurent à leur tour. C’est l’auto-censure au carré. Ainsi nous aboutissons toujours aux mêmes tracts, toujours aux mêmes slogans, prévisibles, impersonnels, vendeurs. Et nous ne changeons rien, ou presque.

N’ayons pas peur ! Ne craignons pas de nous mettre en jeu : c’est en exprimant nos pensées et nos ressentis très profonds que nous touchons aux imaginaires collectifs, sociaux, absolument politiques (23). Permettons-nous d’être honnêtes et exigeant-e-s (24). Ne craignons pas d’être « radicaux » au sens premier du terme : nous pouvons assumer, et porter avec nous partout où nous communiquons, la question des

racines

des problèmes sociaux, traditionnellement abordée sans convictions, sans vie, sans espoirs. Si nous pensons paraître surprenant-e-s et incompris-es, nous pouvons prendre le temps de nous expliquer directement, par d’autres canaux que les médias de masse. Ne parlons pas avec les « gens » comme à des veaux : nul besoin d’attitudes infantilisantes, moralisatrices, écrasantes ou doucereuses. Dès lors que l’on choisit de rencontrer un individu en dehors de sa fonction, quel qu’il soit, pourvu qu’on se pose d’égal-e à égale, qu’on gratte pour dépasser les pensées convenues de son milieu social, qu’on approfondisse la discussion, qu’on cherche précisément ce qui nous rapproche et ce qui nous sépare, il y a de fortes probabilités pour que l’échange soit de qualité.

Cessons d’avoir peur : la balle est toujours dans notre camp (25). Dès maintenant, en matière de communication comme dans beaucoup d’autres domaines, nous sommes capables d’inventer des choses étonnantes,

révolutionnaires

, justement parce que nous portons des valeurs et des questionnements infiniment vivants. Il suffit d’en prendre conscience, gagnons en confiance, en audace, en plaisir, en force, allions-nous dans la durée, n’ayons pas peur de passer à l’offensive.

Face à l’ordre établi, ne nous préoccupons pas d’être crédibles : soyons menaçant-e-s.
S., une personne à la peau blanche, au sexe masculin, âgée d’un quart de siècle, vivant à Grenoble, sans emploi, aux idées proches du courant communiste libertaire, membre d’aucune organisation politique, active dans des médias alternatifs, aimant beaucoup le basilic et les épinards, inspirée dans ce texte et dans ses réflexions en général par un tas de lectures, de discussions et d’ami-e-s. Texte achevé à Grenoble le 10 avril 2006. Contact : sortidserre [AT] no [TIRET] log.org

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Notes

1. Lire par exemple un récit de la coordination nationale étudiante d’Aix-en-Provence, 25/03/2006 :
Mais où est passé le mouvement réel ?
http://infokiosques.net/IMG/pdf/MouvementReel.pdf

2. La dissociation entre « bonne-s » et « mauvaises » manifestant-e-s est un triste point commun entre les organisations citoyennistes et les discours des autorités. Elle fait le lit de la division et de la répression dans le mouvement.

3. « Le langage véhicule des manières de considérer le monde, politiquement marquées, de par ce qu’il nomme et tait, les divisions qu’il trace, les précisions qu’il autorise ou qu’il élude. Comme toutes les lois humaines, les règles de grammaire méritent d’être questionnées et parfois transgressées, et notamment quand elles rayent de la surface d’un papier la moitié des sujets, en faisant prédominer le masculin sur le féminin. » Voilà pourquoi ce texte est presque entièrement « féminisé ».

4. Par exemple, lors de l’expulsion des cabanes du parc paul Mistral, l’hiver 2004 à Grenoble, des jeunes masquées et des papys-mamys du quartier se prêtaient main forte face aux CRS, sans l’once d’une animosité ou d’une crainte, alors qu’une telle image fait souvent grand scandale dans les médias.

5. « Il faut ne pas franchir les « lignes jaunes » préalablement tracées par les journalistes, au-delà desquelles, affirment-ils, « l’opinion » va lâcher le mouvement : le piquet de grève, parce que la grève entrave le droit au travail ; l’interruption des examens, parce qu’elle contredit le droit aux études ; l’annulation des festivals, parce qu’elle met en cause le droit au loisir, etc. »
Serge Halimi, De l’à propos des médias et du comportement militant
http://www.millebabords.org/article.php3?id_article=491

6. Pour une critique plus approfondie des médias, voir les sites
http://acrimed.org
http://homme-moderne.org
Lire également Techniques de désinformation, manuel de lecture critique de la presse, sur
http://infokiosques.net/
Une école de la critique des médias propose un cycle de 6 rencontres à Grenoble, durant le printemps 2006 :
http://grenoble.indymedia.org/index.php?page=evenement&id=658

7. « Jamais les liens entre la presse et l’argent n’ont été aussi prononcés ; jamais cependant la critique des médias par ceux qui revendiquent « un autre monde » n’a paru aussi apeurée, honteuse, inexistante. Le paradoxe est terrible : la critique des médias est un élément fondateur de la critique du capitalisme et de la société de consommation. Or cette critique est ignorée ou torpillée depuis des années par les chefs médiatisés de cette contestation, dont certains ont accepté de se prêter à toutes les mises en scène médiatiques. »
Serge Halimi, De l’à propos des médias et du comportement militant.
http://www.millebabords.org/article.php3?id_article=491

8. C’est ainsi qu’a terminé la petite manif anti-répression du 7 avril 2006 à Grenoble.

9. C’était le cas des militant-e-s d’ATTAC dans la manif du 4 avril 2006 à Grenoble.

10. Lire à ce sujet : François Brune, L’éthique de la manipulation, http://infokiosques.net/spip.php?article=219

11. Yves Collonges, Pierre Georges Randal, Les autoréductions. Grèves d’usagers et luttes de classes en France et en Italie (1972-1976), pp.108-109.
L’auto-réduction est un acte collectif et volontaire, qui consiste à refuser de payer les prix demandés par les entreprises : on paye soit l’ancien prix (quand celui-ci vient d’augmenter), soit moitié prix, soit rien.

12. Lire à ce sujet l’histoire du groupe Reclaim the streets, en anglais ici : http://www.eco-action.org/dod/no6/rts.htm
Lire aussi la brochure en français de Nico, Road protests, 4 années de lutte radicale contre la construction routière et la destruction des milieux naturels en Angleterre, disponible à prix libre auprès de Zanzara athée, zanzara@squat.net.

13. « Le 2 novembre (…) trois amis amateurs d’escalade et accrobranchistes montent dans un platane au centre de la zone du parc qui doit être détruite. Encouragés par des membres de SOS PPM, ils pensent sans doute rester là une semaine, le temps de créer l’événement médiatique, avant de redescendre. »
in Récits et analyses de l’occupation du parc Paul Mistral pendant l’hiver 2003/2004 à Grenoble, http://infokiosques.net/spip.php?article=230

14. Ce qui veut dire, sans doute, travailler moins, le moins possible… Entre les cadences performantes du boulot et le repos « bien mérité » le soir entre quatre murs, il reste souvent bien peu de forces et de disponibilité pour des discussions impromptues.
Pour des critiques intéressantes du travail, lire le
Manifeste contre le travail :
http://infokiosques.net/spip.php?article=27
ou celui des chômeurs heureux :
http://www.diegluecklichenarbeitslosen.de/dieseite/seite/francais.htm

15. Attention tout de même aux « badauds » des Renseignements Généraux…

16. « Et si tou·te·s les manifestant·e·s occupé·e·s à dénoncer leurs voisin·e·s lanceurs et lanceuses de pavés, sous prétexte que « personne ne va comprendre », consacraient un dixième de ce temps-là à _expliquer_, à faire en sorte que les personnes en question puissent comprendre ; à se montrer en solidarité, à assumer ces actions comme composante du mouvement ? »
Un étudiant, « casseur » à ses heures, in Violence, vous avez dit violence ? http://grenoble.indymedia.org/index.php?page=article&id=2190

17. Je sais que beaucoup de personnes en lutte sont fatiguées de discuter avec leurs détracteurs et détractrices, d’entendre toujours les mêmes arguments faciles, d’essayer courtoisement de s’expliquer. Je le comprends, et je redoute moi aussi le risque, en s’engageant dans cette direction, de passer ses journées entières à devoir se justifier. Mais je pense que le jeu en vaut la chandelle. Et aussi, qu’en partageant davantage un désir de communication directe, ce genre d’efforts pourraient être portés par plus de monde, et s’alléger pour tous et toutes.

18. Par exemple, à Grenoble,
http://grenoble.indymedia.org .

19. « Le Don à l’étalage (D.A.E) est une pratique de piratage du système marchand qui consiste à déposer des objets gratuits dans les rayons des commerces, sans autorisation. On peut ainsi, comme le fait la fondation Babybrul, mettre des CD gravés gratuits dans les bacs des grands disquaires, des brochures photocopiées gratuites dans les rayons « nouveautés littéraires », des DVD gravés ou des K7 vidéos dans les rayons blockbusters… »
La suite ici : http://www.uzine.net/article2086.html.

20. Lire à ce sujet :
François Brune, Ces événements qui n’existent pas
http://infokiosques.net/spip.php?article=220

21. « Les consommateurs interagissent entre eux et sont très sensibles aux recommandations ou critiques de leurs semblables… Acheter demeure un processus social, où l’opinion de notre entourage, le bouche-à-oreille est déterminant. »
Consulter à ce sujet le site édifiant du marketing « alternatif », http://www.culture-buzz.com

22. Parmi les inspirateurs de cette partie, je signalerais le petit texte De la dépossession à l’autonomie en matière de communication,
http://squat.net/fr/archive/toulouse-depo_a_auto.txt

23. « Il y a une réticence à prendre au sérieux nos propres pensées, c’est-à-dire à les vivre collectivement, et déjà à nous les dire, pas les connues, les officielles, pas celles qui justement répriment les pensées secrètes, créatrices, fragiles, qui cherchent des complices. (…) Nous sommes habitués à vivre « à la colle » avec plein de pensées floues, qui ne permettent pas de claire prise de position. »
un ami, 2005

24. Par exemple, au cours de ce mouvement anti-CPE, quelques rares textes sortent du lot parce qu’ils me semblent porter cette honnêteté et cette exigence :
Le Monde se referme-t-il ?
Pousser le monde qui s’écroule
Mais où est passé le mouvement réel ?
http://infokiosques.net/spip.php?article=332
Précarité, salariat, travail : que faire d’un mouvement social ?
http://grenoble.indymedia.org/index.php?page=article&id=2046
Chronique d’une mort salariée
http://grenoble.indymedia.org/index.php?page=article&id=2076

25. « Un bon exemple de cet état d’esprit est celui des travailleurs italiens qui se sont mis en grève sans avancer aucune revendication. Ces grèves ne sont pas seulement plus intéressantes que les négociations bureaucratiques syndicales habituelles, elles peuvent aussi s’avérer plus efficaces : les patrons, ne sachant pas quelles concessions seraient suffisantes, finissent souvent par offrir beaucoup plus que les grévistes auraient osé demander. Ceux-ci peuvent alors décider de la suite à donner à leur mouvement, n’ayant pas consenti à des compromis qui limiteraient leurs initiatives. Une réaction défensive contre tel ou tel symptôme social aboutit au mieux à une concession temporaire sur la question particulière qui est en cause.
L’agitation offensive qui refuse de se limiter exerce une pression beaucoup plus importante. Se trouvant confrontés à des mouvements généralisés et imprévisibles, comme la contre-culture des années 60 ou la révolte de Mai 1968 – des mouvements qui mettent tout en question, qui engendrent des contestations autonomes sur plusieurs fronts, qui menacent de se répandre partout dans la société et qui sont trop vastes pour être contrôlés par des chefs récupérables -, les dirigeants s’empressent d’améliorer leur image, de faire passer des réformes, d’augmenter les salaires, de libérer des prisonniers, d’accorder des amnisties, d’amorcer des pourparlers de paix ou d’autre chose, et en somme de faire tout ce qui leur semble nécessaire pour reprendre la situation en main. »
Ken Knabb, La Joie de la révolution,
http://www.bopsecrets.org/French/joyrev.htm