Le Front de Libération Sexuelle lutte contre toutes les formes de violence et de harcèlement sexuel, pour l’émancipation sexuelle de tout un chacun, et pour l’égalité entre femmes, hommes, hétérosexuels, homosexuels, bisexuels, lesbiennes, cisgenres, transgenres, queers, intersexes, asexuels, et pansexuels. Le Front de Libération Sexuelle lutte contre le sexisme, c’est-à-dire contre toute discrimination fondée sur l’identité sexuelle. Plutôt que de nous dire « féministes », nous préférons ainsi nous définir comme « antisexistes », car pour nous la lutte antipatriarcale n’est pas qu’une affaire de femmes. Le Front de Libération Sexuelle lutte également pour l’abolition du patriarcat en tant que pouvoir des hommes cisgenres. Historiquement, le patriarcat est le produit de la guerre et de la concurrence entre les hommes pour s’accaparer les richesses. Dès la préhistoire, la loi du plus fort a relégué les femmes en position d’esclaves. L’apparition de l’agriculture il y a plusieurs milliers d’années a été le début d’un processus d’accumulation au sein duquel est né la logique productiviste. Ce productivisme esclavagiste a imposé la nécessité pour chaque tribu d’accroître ses effectifs en maximisant le nombre des naissances. C’est ainsi qu’est apparue le productivisme sexuel et la répression de tout ce qui n’est pas hétérosexuel. Les religions se sont faites les garants du patriarcat et de la cellule familiale au service du féodalisme puis du capitalisme.

Aujourd’hui, alors que les religions ont commencé à s’effondrer, le capitalisme et le patriarcat sont toujours là avec leurs corollaires d’inégalités et de misères économiques et sociales. La misère sexuelle est le produit du patriarcat capitaliste et de la logique de concurrence des hommes entre eux, mais également des femmes entre elles. Comme il n’y a pas de concurrence sans violence, le patriarcat est toujours synonyme de violences sexuelles. Tous les jours, des femmes, des hommes, et des enfants sont violés, victimes de la misère sexuelle et des frustrations et des perversions qu’elles engendrent. Victimes aussi des abus de pouvoir des dominants. Car il n’y a pas de pouvoir sans abus de pouvoir. Mais depuis quelques années, les victimes de ces violences sexuelles commencent enfin à se révolter et à dénoncer leurs agresseurs. Le Front de Libération Sexuelle se tient aux côtés de ces victimes pour les aider à prendre la parole. Ce début de révolte antipatriarcale est pour nous déjà en soi une victoire.

Mais pour nous la révolte antipatriarcale ne va pas assez loin. La reconnaissance des couples homosexuels est une victoire. La place de plus en plus importante que prennent les femmes et les homosexuels dans la société est un énorme progrès par rapport au patriarcat du début du XXe siècle. Le début de reconnaissance des trans est également un progrès. Mais tout cela ne va pas assez loin. Les dénonciations de violences sexuelles qui ne remettent pas en cause le patriarcat sont stériles. Mettre les violeurs en prison ne change rien au système qui les a produits. La plupart des mouvements féministes ne comprennent pas la véritable nature du patriarcat. Car le patriarcat n’est pas seulement le pouvoir des hommes sur les femmes ou celui des cisgenres sur les autres catégories de genres. Le patriarcat c’est également le pouvoir des parents sur les enfants. Le patriarche est d’abord et avant tout un père de famille. Il y a donc toute une réflexion à avoir sur la remise en cause de l’autorité parentale et sur l’émancipation des enfants et des adolescents. L’abaissement de la majorité à 16 ans est selon nous par exemple une revendication à mettre en avant dans les mouvements lycéens. Il faut lutter contre l’infantilisation des adolescents. L’éducation antisexiste des enfants est également un axe fondamental de la lutte antipatriarcale. Apprendre aux filles les sports de combats, apprendre aux garçons à se contrôler. Mais apprendre aussi aux enfants à dire non, à désobéir.

La lutte contre les violences sexuelles passe par la compréhension de ces violences comme abus de pouvoir, comme frustration, et comme perversion. Ce qui n’est pas toujours facile. Car si l’abus de pouvoir du patron sur sa secrétaire est facile à comprendre, les cas de pervers narcissiques qui vont parfois jusqu’à torturer ou tuer leurs victimes laissent souvent perplexes sur les motivations psychiques de tels individus. Comment la société peut-elle produire de tels monstres ? Or c’est là justement pour nous que le bas blesse. Tous les procès de violeurs et de tueurs en série ne débouchent jamais sur aucune remise en cause de la société. Comment éviter qu’un enfant victime de violences ne devienne lui-même à son tour un tortionnaire ? C’est tout le problème des violences sur les enfants, de l’autorité parentale, et de l’autorité des adultes sur les enfants. On ne peut pas lutter contre les abus de pouvoir sans lutter contre le pouvoir. On ne peut pas lutter contre la frustration sexuelle sans lutter contre la misère sexuelle et les inégalités.

Pouvoir des hommes sur les femmes, le patriarcat est également concurrence et hiérarchie de virilité entre les hommes, et concurrence et hiérarchie de féminité entre les femmes. Fondé sur le mariage et la cellule familiale, le patriarcat ne peut pas exister sans puritanisme. On ne peut pas comprendre le patriarcat sans comprendre la logique de domination politique et économique qu’il sous-tend. Le capitalisme est le produit de cette logique. Mais désormais, le patriarcat est au service du capitalisme. La cellule familiale est à la base de l’accumulation capitaliste. Le puritanisme permet ainsi au pouvoir de diviser la population pour mieux régner. Enfermer chacun dans sa cellule familiale, faire régner la logique de concurrence économique et sexuelle, et empêcher la dispersion du capital : telle est la fonction du puritanisme. Le puritanisme impose en effet l’idée qu’un homme ou une femme ne peut avoir qu’un seul partenaire sexuel : c’est la loi du mariage qui sous-tend l’idée de la concurrence sexuelle, c’est-à-dire l’impossibilité de voir la maîtresse de son mari ou l’amant de sa femme autrement que comme une concurrente ou un concurrent.

A l’opposé de cette logique de concurrence sexuelle, nous défendons le libertinage, le polyamour, l’échangisme, la partouze, le partage, la solidarité, et la fraternité sexuelle entre amants. Nous luttons pour le communisme sexuel, c’est-à-dire pour la collectivisation de la sexualité. Il ne s’agit pas uniquement de faire l’amour à plusieurs. Le communisme sexuel suppose une société de services sexuels dans laquelle les hommes seraient tous a priori à la fois escort-boys et clients de travailleuses ou de travailleurs du sexe, et où de la même manière les femmes seraient également toutes a priori à la fois escortes-girls et clientes de travailleurs ou de travailleuses du sexe. A la seule condition du consentement mutuel. Aucune femme et aucun homme ne doivent êtres obligés d’être escortes-girls ou escort-boys s’ils ne le souhaitent pas. Les travailleurs et les travailleuses du sexe doivent également rester libres de choisir leurs clientes ou leurs clients. Ce communisme sexuel permettrait à chacun de ne plus être exclu. La solidarité sexuelle remplacerait ainsi la logique de concurrence.

Le communisme sexuel pose la question du rôle que jouent les travailleurs et les travailleuses du sexe dans la société. Le communisme sexuel ne peut exister que dans une société égalitaire : il suppose la fin du capitalisme et l’avènement du communisme économique. Cependant, dans la société capitaliste, de la même façon qu’ils poussent au communisme économique, les mouvements révolutionnaires poussent également la société au communisme sexuel. Internet remplace la misère de la prostitution de rue par l’escorting : les travailleurs du sexe voient ainsi leurs conditions de travail nettement améliorées. Les services sexuels changent de visage : naguère synonyme de marginalité et d’esclavage des femmes, ils peuvent devenir progressivement un métier comme un autre exercé aussi bien par des hommes que par des femmes. Cependant, si la situation des travailleurs du sexe a beaucoup évolué au cours de ces vingt dernières années, la crise du covid a malheureusement fait replonger beaucoup d’entre elles dans une misère et dans des violences terribles. Nous sommes encore loin d’une société où le travail sexuel serait un métier comme un autre. Et ce d’autant plus en France où la loi du 13 avril 2016 pénalisant les clients de prostituées aggrave encore plus les choses.

Le Front de Libération Sexuel lutte au côté des travailleurs et des travailleuses du sexe pour défendre leurs droits. La lutte antipatriarcale est également lutte pour la légalisation du travail sexuel. Nous demandons à ce que les travailleurs du sexe puissent avoir les mêmes droits que n’importe quelle autre catégorie de travailleurs, en particulier le droit à la sécurité sociale, le droit aux allocations-chômage, et le droit à la retraite. Les travailleurs du sexe ne doivent plus être exploités par qui que ce soit mais avoir un véritable statut leur permettant de s’associer et d’exercer leur activité en toute liberté. La légalisation du travail sexuel doit permettre de changer le regard de la société sur cette activité afin que cette profession ne soit plus considérée comme un métier honteux. Le travail sexuel doit devenir une profession comme les autres que l’on puisse afficher publiquement et qui puisse être respectée par sa famille, par ses amis, et par ses voisins. Les travailleurs du sexe doivent être respectés par tout le monde. Mais également, les familles des travailleurs du sexe doivent aussi être respectées. Tout le monde doit pouvoir dire en public que sa mère ou que sa femme est travailleuse du sexe sans que quiconque puisse y voir quelque chose de déshonorant. Tout le monde doit pouvoir dire « Ma mère est travailleuse du sexe ». Tout le monde doit pouvoir dire « Ma femme est travailleuse du sexe ». « Fils de pute » ne doit plus être une insulte.

Le Front de Libération Sexuel lutte également pour que le travail du sexe soit reconnu comme un service public. Les travailleurs du sexe qui le souhaitent doivent avoir le droit au statut de fonctionnaire. Les services sexuels doivent être remboursés par la sécurité sociale aussi bien pour les clients que pour les clientes. Les services sexuels ne doivent plus être un privilège de bourgeois. Tout le monde doit pouvoir bénéficier d’un accès égal aux services sexuels quels que soient ses revenus. Les services sexuels doivent pouvoir être considérés comme la prochaine conquête sociale de la gauche. Nous devons éradiquer la misère sexuelle. Plus aucune femme et plus aucun homme ne doit connaître l’exclusion sexuelle source de tant de dépressions, d’agressivités, d’autoritarismes, de violences, et de suicides. Le remboursement des services sexuels doit devenir une revendication syndicale au même titre que les augmentations de salaire ou la réduction du temps de travail. Cette revendication remotiverait sans aucun doute de nombreux travailleurs pour faire grève.

La réalité actuelle de la gauche française est bien évidemment à l’opposé de cette perspective enthousiasmante. Non seulement la gauche est encore plus puritaine que la droite, mais la gauche française est devenue aujourd’hui l’une des plus puritaines du monde. Le jacobinisme français s’est en effet construit en miroir de son ennemi catholique. La France est bien la fille aînée de l’Eglise. Alors que le travail sexuel est légal en Allemagne, la gauche française a cru nécessaire de l’interdire. C’est oublier les leçons de l’histoire. Wilhelm Reich en son temps avait expliqué l’arrivée d’Hitler au pouvoir par sa capacité à exploiter les pulsions sexuelles de la population. La gauche allemande n’avait pas compris la dimension sexuelle du fascisme, et en particulier l’émancipation sexuelle que pouvait représenter les foyers de la jeunesse hitlérienne par rapport au carcan de la cellule familiale. Telle est la barbarie fasciste : s’appuyer sur les pulsions sexuelles des prolétaires pour les envoyer à la guerre. Car il n’y a pas de politique sans politique sexuelle. La politique sexuelle de la bourgeoisie consiste à défendre le patriarcat. La politique sexuelle des révolutionnaires doit être de promouvoir le communisme sexuel. La gauche, qui à l’origine était censée combattre le capitalisme avant d’en devenir un simple gestionnaire, a aussi sa politique sexuelle. La politique sexuelle de la gauche consiste à défendre le patriarcat en se dissimulant derrière le féminisme bourgeois. Un féminisme bourgeois qui, empêtré dans ses contradictions, n’a rien d’autre à proposer que de gérer le patriarcat. A ce jeu-là, ce sont toujours les fascistes qui gagnent, car le fascisme est la cohérence du capitalisme : sa tendance naturelle à la guerre. En ne comprenant pas la révolution sexuelle, la gauche creuse sa propre tombe. Les révolutionnaires doivent remettre la sexualité au coeur de la politique. La révolution sera sexuelle ou ne sera pas.

Le Front de Libération Sexuelle n’est pas une organisation. Toutes celles et tous ceux qui se reconnaissent dans ses principes peuvent s’exprimer et agir en son nom. Le Front de Libération Sexuelle est partout et nulle part.

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