Texte de l’émission de radio
Category: Local
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Places: Nantes
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Merci Ph Coutant
Voici la retranscription de l’émission en question :
Mindin
Émission Jeudi 20 octobre 2006
Radio Alternantes
– Bonjour, vous êtes maintenant sur le magazine libertaire
– Bonsoir Chantal
– Bonsoir
– Nous allons faire une émission un peu spéciale, c’est du travail de Chantal qu’il s’agit
– c’est ça
– du travail et de sa vie, on va voir les implications que cela a eut dans sa vie personnelle entre autres, mais aussi dans ses propres malaises parce qu’elle travaille à Mindin. Alors Mindin, c’est donc un établissement départemental qui était connu sous le nom de Maison Départementale de Mindin.
– oui, Maison Départementale de Mindin. Lorsque j’ai été embauchée en 1992, c’était un
2’38
hospice qui s’appelait Maison Départementale de Mindin. Cette maison a éclaté, a été divisée en 4 établissements courant 1993.
– donc pas très vieux
– non c’est pas très vieux
2’40
– Toi tu as commencé là bas ?
– en 1992
– et maintenant il y a 4 structures
– oui maintenant il y a 4 structures : une structure pour les enfants, une structure pour le foyer occupationnel, c’est à dire pour des handicapé(es) mentaux légers, et une structure EPMS qui est pour des personnes adultes qui cumulent à la fois des handicaps physiques et mentaux.
3’09
lourds
– lourds, souvent lourds. Une structure personnes âgées. Il y a une autre structure, si on veut, c’est à dire les services techniques
– d’accord, qui vous délivrent des services comme les repas
– repas, lingerie, etc…c’est important quand même
– donc ça fait combien de personnes ? Handicapées dans ce lieu ?
– la Maison Départementale, il y avait à peu près 1000 personnes handicapées, et 1000 employés. L’EPMS qui est la plus grosse structure doit avoir 450 handicapés(es) et autant de personnel, d’employés.
– c’est presque un nombre égal ?
– oui
– et c’est spécifique parce que ces personnes ont des problèmes importants
– oui, c’est à dire. Il y a du personnel administratif et du personnel qui travaille, puis des patients
– donc des médecins, des infirmières ?
– très peu, il y en a très peu. Ce sont souvent des vacataires et du personnel soignant
– comme toi qui s’occupaient des malades au jour le jour
– oui voilà
– en gros une qualification comme toi
très minime, personnellement j’étais aide soignante avant. Je suis AMP c’est à peu près le même statut. Ça veut dire Aide Médico Psychologique. En fait, on est là pour s’occuper de l’aide quotidienne
– donc la nourriture, l’hygiène, les habits.
– oui la vie courante.
– donc en 1992, quand tu as fais ta formation, après tu t’es retrouvée dans cet établissement. Tu dis t’être retrouvée complètement choquée. Qu’est ce qui s’est passé ? C’est parce que les malades étaient sales ?
5’01
– oui ils étaient sales. Les personnes étaient très mal logées. C’était des dortoirs, c’était très très dégradé, délabré et en plus le traitement donné aux handicapé(es) m’a énormément choqué
5’17
– c’est à dire ?
– le traitement donné ou pas donné d’ailleurs, parce que les employés étaient là pour faire le minimum pour garder les personnes qui se retrouvaient. Quand je suis arrivée, les personnes étaient regroupées dans une salle commune, elles se bousculaient. Elles n’étaient pas propres. On passait une bonne partie de notre journée dans une petite pièce à côté. On intervenait que pour distribuer les repas et les coucher quasiment. Le reste du temps elles étaient inoccupées.
5’52
– ce qui explique l’état de délabrement dans lequel elles étaient
– oui
– Pour toi ça ressemblait à un établissement fermé où elles étaient laissées à l’abandon
– oui, pour moi elles étaient laissées à l’abandon. Le premier service où j’étais, c’était donc le premier service où j’étais c’était des femmes adultes qui étaient lourdement handicapées, et donc elles se souillaient. Certaines marchaient à peine. Celles qui marchaient bousculaient les autres. Elles mangeaient seules. Elles arrivaient à se nourrir, à se débrouiller à peu près. Il fallait faire attention qu’elles ne mangent pas trop vite, mais c’était surtout le fait qu’elles n’avaient jamais d’occupation. On les laissait dans leur souillure. Certaines allaient quand même aux toilettes ou sur les montaubans, les chaises percées. Ce n’était pas nettoyé, ces lieux là étaient très peu nettoyés.
– pour toi c’était une situation horrible
6’40
– oui horrible
– ça t’a vraiment touché, surprise
– oui je l’ai pris en pleine figure. Je me suis jurée de ne pas sortir d’ici sans témoigner.
– d’accord, ce que tu commences à faire et que tu as déjà fait de plusieurs façons et on va voir en quoi cela t’a aussi posé problème. On peut le dire aux gens qui ont accès sur Internet, des textes ont déjà été publiés. Si vous avez besoin des adresses on vous les donnera. Il suffit de taper Mindin Chantal. Tu as commencé par dire à tes collègues c’est ça ?
– oui c’est à dire que comme j’avais fait cette petite formation AMP, on normalement on était un peu formé(es) au relationnel qui est notre principal outil quand même. Par rapport à ces gens là.
7’37
j’essayais d’aller les voir de temps en temps, parce qu’ils avaient des crises d’angoisses ces personnes. Elles ne peuvent pas s’exprimer
– beaucoup ont des difficultés de paroles
– oui, oui, où j’étais très peu avaient la parole. Ah oui, quelques petits mots qu’elles répétaient. Donc il fallait comprendre en les regardant en tenant la main etc…
7’58
J’essayais d’y aller, oui, pensant que les autres m’auraient relayé mais. Pas du tout, on
8’01
s’est plutôt moqué de moi en fin de compte.
– tes collègues n’ont pas apprécié. Ils n’étaient pas contents de ça.
– oui, qu’est ce que j’allais faire avec des gens comme ça, qui ne parlaient pas, qui n’avaient rien à en tirer. Et puis après je leur ai fait quelques petits reproches. Je leur ai dit qu’on pourrait essayer de prendre soin des personnes. Qu’on était payé pour ça, même si on n’est pas très payé, et là on m’a traité de tous les noms : fainéante, t’as jamais travaillé de ta vie, tu connais rien, enfin, tout, tout
8’34
– donc en fait on t’a critiqué. On t’a dit que c’était toi qui étais malade en fait
– euh, non au début, pas comme ça. Oui on m’a dit que j’étais un peu fofolle. Et après j’ai quand même fait appel à la hiérarchie comme il se doit. Il y a une surveillante qui a essayé de me soutenir, un peu, oui, mais alors là, les employées se sont senties trahies, on m’a dit ” on ne dénonce pas ses collègues “. ça se fait pas. On m’a dit que je n’avais pas l’esprit de classe. Les syndicats s’en sont mêlés. On ne dénonce pas ce genre ce choses
– donc tu t’es confrontée à l’hostilité de tes collègues tout de suite
– oui tout de suite. On m’a fait de nombreuses vacheries.
Nacer : – c’est un monde de fous
Phil : oui c’est un monde de fous. Le problème c’est que les fous en question ils y sont pour
9’25
longtemps.
– oui certains y sont pour toute leur vie
– et du coup on va voir que ce n’est pas seulement les personnes qui sont folles. C’est le système lui-même qui est fou, c’est le système qui a un problème, c’est une de tes conclusions.
– oui
– parce qu’on a dit que c’était toi qui était un peu folle, on t’a dit que tu n’avais pas d’esprit de classe
– oui, oui, de la part de syndicalistes, j’ai trouvé ça dur. Pour moi, ces personnes si démunies
9’45
étaient de ma classe, c’était des gens opprimés et j’estime que syndicalement l’éthique oblige à prendre en compte ces personnes là.
10’00
– alors qu’est ce qui t’est arrivé après
– alors j’ai été mutée dans un autre service, dans le deuxième service, c’était des femmes un peu plus autonomes qui avaient la parole étant là, c’était moins un manque de soins, plus des coups, des gifles, assez fréquentes.
10’23
– ces femmes prenaient des baffes régulièrement
– il fallait qu’elles obéissent au doigt et à l’œil, qu’elles viennent s’asseoir à tel endroit à tel moment, enfin qu’elles obéissent bien, et pour un oui pour un non, elles recevaient des coups ou des fessées culs nus à l’âge de 40 ans
– Ah oui
– même si elles ont une mentalité plus enfantine, c’était quand même un peu choquant
– d’accord, on t’a mutée dans des services un peu meilleurs, c’est ça ?
– oui, un petit peu meilleur, soi-disant, qui était aussi très sales ? Là aussi le manque d’hygiène était horrible, et donc là aussi, il était entendu leur apprendre à obéir, l’éducatif c’était les dresser, les gens, les redresser, leur apprendre à bien se tenir à table, pour eux l’éducatif c’était ça.
11’21
c’était difficile à prouver ce genre de choses parce que le mépris est sur des choses anodines. On parle mal à la personne, on la bouscule quand elle est dans le chemin au lieu de lui demander pardon, c’était des petites choses.
– on ne disait pas bonjour aux gens
11’39
– oh non, non
– quand on rentre dans les chambres ?
– on rentre dans les chambres comme ça ! même dernièrement, même encore, oui il y a eu un peu d’évolution, mais. Maintenant je suis veilleuse, je frappe avant, quand je rentre dans la chambre des gens. On se moque de moi
– toujours
– oui
– tant d’années après
12’00
– Alors j’ai une question : ça veut dire qu’il y a des classements de l’état des gens ou pas ?
– oui
– c’est établi comment ?
12’09
– en fonction du handicap et donc, c’est très mal vu de travailler avec les personnes les plus handicapées, les plus bas niveaux
12’19
– là où tu avais commencé ? c’est celle où tu es actuellement ?
– oui je suis revenue à la case départ. Oh ! oui, les gogols ça n’intéresse personne oui oui
– dans la lettre à Lulu, on parlait des ” neuneus ” c’est pas aberrant , c’est
– non non c’est des gogols
– des moins que rien
– oui oui des parasites
– il y a un classement des groupes de niveau
– oui
– on peut le dire comme ça, tu as été mutée dans un groupe de niveau supérieur
– oui, oui
– plusieurs fois ?
12’48
– oui plusieurs fois, toujours en allant dans le supérieur pendant pas mal d’années
– c’était une façon de te calmer ?
– oui pour me calmer
12’58
– tu étais confrontée à moins d’horreur
– c’est à dire les gens étaient capables de se laver tout seuls, à peu près, un peu mieux
– un peu mieux
13’11
– ils prenaient en compte, par exemple, les toilettes étaient nettoyées. De ce côté là, c’était mieux
– elles recevaient moins de baffes
– oh ! si
– si partout ?
– les baffes c’était
– une méthode éducative perpétuelle
– oui, oui c’est tout à fait admis
– donc petit à petit tu es montée, tu n’es pas montée en grade, on t’a changé de niveau
– oui on m’a changé de niveau oui
13’35
– et tu as continué à dénoncer
– oui parce que pour moi ce n’est pas ça l’éducation. C’est au contraire apprendre à être un petit peu autonome, à faire des choses, enfin des choses comme ça.
– pour toi ça impliquait le respect, une relation correcte avec les personnes
– oui
– tenant compte de leurs problèmes, parce qu’ils en ont quand même
– oh oui, oui
13’55
– sans les nier, mais sans en rajouter c’est ça ?
– oui
– quand on discute avec toi, tu parles souvent de, une sorte de ségrégation. Comment tu expliques cela ?
– oui
14’08
– Qu’est ce que ça donne dans les faits ? Tu parlais de mépris, de violence, ça c’est normal ? C’est considéré comme un comportement normal parmi les soignants ?
– oui, je suis persuadée que pour la grande majorité des soignants, le soigné n’est pas une personne tout à fait normale. Est ce que c’est même une personne ? ce n’est pas tout à fait sûr pour certains
14’32
– c’est un questionnement que tu gardes depuis le début
– oui
– c’est à dire qu’il y a une barrière entre les gens, comment dire, normaux, et
– oh oui
– et ceux qui ne le sont pas ou pas considérés comme tel
– oh oui, il ne faudrait certainement pas être prise pour un handicapé ce serait vraiment la honte des hontes, oui
14’50
– et donc le rapport est de plus en plus violent plus on descend dans les catégories des personnes handicapées
14’58
– ce n’est pas la même violence, disons que ceux qui se souillent et qui parlent pas, on les néglige beaucoup. Par contre ceux qui sont capables de parler ou de faire certaines choses, là c’est vraiment le commandement, la discipline
15’10
– l’obéissance ?
– oui l’obéissance, et le commandement
15’14
– tu disais des fois, tu insistes beaucoup sur cette obéissance, sur le caractère un peu répressif quand même dans le rapport avec les personnes handicapées. Et ça se traduit comment par exemple ? Si je me comporte mal avec toi, je ne fais pas ce qu’il faut ?
– ça peut aller de la privation du dessert, privation de sortie, privation d’objet personnel aussi
– c’est à dire, si je ne suis pas sage avec toi, je , imaginons que je sois dans le rôle de la personne qui ne va pas bien et toi tu es là pour t’occuper de moi, tu vas me piquer mes clopes ?
– ah oui, ah, bien les clopes
– je suis un peu brutal ? !
15’55
– les clopes, c’est un problème ça. C’est vrai que beaucoup de gens, autrefois, ils devaient pouvoir avoir du tabac gratuit, je pense. Beaucoup fumaient beaucoup. Beaucoup de handicapé(es) fumaient beaucoup, et là on s’est mis tout d’un coup à les sevrer sans aucune compensation, rien
– sans éducation et sans explication ?
16’20
– non sans explication. C’est comme les régimes, on estime qu’ils sont trop gros. Point. On ne leur donne pas
– on arrête de leur donner beaucoup à manger ?
– voilà, on les met au régime facilement
– si je ne te fais pas un sourire, tu vas me priver de dessert ?
– ah oui, oui
– toi tu vas peut être pas le faire, mais c’est une coutume là bas ?
16’33
– oui, si on n’obéit pas, si on ne vient pas assez vite à table, si dans les services où ils sont plus autonomes, j’ai vu quelqu’un qui n’était pas bien rasé, on lui a dit ” tu sors de table “
– carrément ?
– oui
– bon, tu parles aussi ; on va inverser par exemple, si je t’interdis de fumer, est ce que moi je peux continuer à fumer ?
– ah oui, oui, les personnes soignantes fumaient dans les locaux et les résidents n’avaient pas le droit de fumer dans les locaux. Ils allaient fumer dehors. La nourriture c’est pareil. On peut prendre un petit casse-croûte à leur nez. On peut prendre des apéritifs en plus devant leur nez
– et les autres attendent ?
17’13
– oui les autres attendent
– donc on voit bien ce que tu dis des discriminations. Il y a ceux qui sont malades et les autres
– oh oui, oui !
– et les autres qui sortent. Ce que tu dis c’est que là, c’est que des gens vont passer toute leur vie dans cet établissement
– oui oui
– à quel âge ils arrivent ?
– pour beaucoup ils sont arrivés tout petit vers 4 -5 ans, 10 ans,
17’38
– ils vont rester combien de temps ?
– jusqu’à la mort pour la plupart
– ils vont changer d’établissement ?
– oui puisque maintenant ce sont des établissements différents donc ils vont passer de chez les enfants..
– jusqu’à la gériatrie
– oui
17’52
– donc ça suffit à mal les considérer ? ils ont beaucoup de famille ?
– très peu. Beaucoup ont été abandonné(es). Ils sont de plus abandonné(es) au fur et à mesure
18’05 qu’ils vieillissent, aussi parce que la famille vieillit et n’arrive plus
– c’est à dire que ce n’est pas facile à vivre ?
– oui
– mais en principe, l’institution est là pour pallier aux difficultés
– normalement oui
– normalement dans ta tête, et ce qu’on dit dans les textes c’est ça
18’20
– oui
– oui, parce que là, aujourd’hui, dans Ouest-France on vient de lire un article sur ce qui se
18’41
passe à la Roche sur Yon. Une maison qui ouvre et où un certain nombre de gens qui ont eu des problèmes psychiatriques et eux-mêmes sont partie prenante de la structure. Est ce que cela, c’est pensable à Mindin ?
– non
– et ils disent vouloir favoriser l’autonomie
– non à part le ménage, on leur dit fais ta chambre
– la seule autonomie qu’on a c’est de ranger sa chambre et faire le ménage ?
18’58
– on leur dit ” range ta chambre “, ou balayer, oui, mais ils n’ont pas à réfléchir sur
19’00
l’organisation des choses, du moins pour ceux qui en serait capable, bon parce qu’il y a des services où ils n’en seraient pas capables, par exemple aux Colombes
– quand tu dis ” Colombes “, c’est le nom de la maison où ils sont. Ils ont un niveau
19’11
oui, cela pourrait être toi ou moi ?
– oui
– c’est pareil. Ce sont des gens qui ont des difficultés psychiques, est ce qu’ils ont des soins ? des thérapies ? est ce qu’ils ont des médicaments ?
19’30
Ils sont dit guéri(e)s non stabilisé(es) mais souvent ils ont des crises d’angoisse, ils ont des gros neuroleptiques
– des gros neuroleptiques, les neuroleptiques ce sont des médicaments qui agissent sur le système nerveux ?
– oui très important, oui très violent
– oui, très fort. Et ils ne sont pas complètement assommés ?
– certains oui, ou dans les moments de crise
– on les calme
– oui ! on les calme
20’00
– donc la camisole chimique, ce n’est pas seulement dans les journaux, c’est réel à Mindin ?
– oui ça arrive, oui ça peut arriver dans les moments de crise.
– oui ça existe les malaises
– ça peut arriver à n’importe qui
– quelquefois j’ai vu quelqu’un qui parlait un peu fort, qui réclamait des choses, tout de suite ça va être catalogué comme agité. Il y a des degrés dans l’agitation. Ou alors, au bout d’un moment on va prendre l’apéritif pendant une heure, le résident va finir par en avoir marre d’attendre évidemment et là on va dire ” il est agité “.
– du coup on va le calmer ?
– soit on lui donne des médicaments, soit on va le renvoyer dans sa chambre
– on va le priver de dessert ?
20’48
– oui ! on va le priver de dessert, de clopes ou de sortie.
– d’accord, ou de sortie. Donc les médicaments ont un rôle important dans l’arsenal ?
– oui ils ont des gros traitements
– oui, il y a aussi de grands épileptiques
– oui ils sont malades
– dans tout ce que tu dis, ce n’est pas la remise en cause du médicament, c’est la façon dont il peut être utilisé pour certaines personnes
21’08
– oui c’est la façon dont c ‘est distribué
– oui, voilà, c’est à dire pourquoi il peut y avoir une mauvaise distribution ?
21’21
– oui n’importe qui, c’est à dire des gars comme moi distribuent les médicaments au moment des repas.
– oui, c’est un moment où il y a pas mal d’agitation. ça peut prêter à erreur. Déjà il faut relire le carnet, tout le monde ne le fait pas, il relève le carnet pour voir si ce qu’il y a dans le casier correspond bien au médicament. On n’a pas le temps, et ensuite il peut y avoir des erreurs de
21’46
personnes, je donne à Dominique, ce qui doit aller à Paul
– et vice versa ?
– oui et vice versa. Oui ça c’est assez fréquent, malheureusement. Quelques fois, c’est noté, quelques fois ce n’est pas noté. Donc c’est pour ça aussi que moi j’étais contre l’utilisation d’alcool pour le personnel
22’01
– parce qu’il y a beaucoup d’alcool dans le personnel ?
– oui, oui quand même. Oui il y a du personnel qui a été malade alcoolique, il y a aussi beaucoup d’apéritifs pour différentes raisons
– anniversaires, pour fêtes ?
– oui, des anniversaires, parce que c’est dimanche, c’est samedi, parce que je pars en vacances enfin bref. C’est bien si on veut.
22’33
– des pots à répétition, en fait
– oui, des petit pots, ça pourrait être bien, mais pendant ce temps le résident attend et un petit coup dans le nez on fait une erreur. L’erreur de traitement c’est quand même grave, ça peut avoir des conséquences
– quand tu as soulevé le problème, c’est peut être ça qu’a provoqué l’hostilité. Tu leur piquais leur apéro
– oui ça a été un problème
– un objet de conflit ?
22’48
– un grand objet de conflit c’est à dire, au départ j’avais été étonnée de voir des
22’53
bouteilles dans les frigos. Des bouteilles, bon. J’en avais parlé à un médecin du travail, il avait dit ” oui, ça arrive, bof ! “.
– oui ça arrive, c’est la convivialité
– oui, la convivialité, ça ne le tracassait pas plus que ça, après il est partit
23’13
J’en ai parlé au directeur qui est aussi parti, qui me dit ” oh moi je suis pour la convivialité, c’ est bien de faire des petites fêtes ensemble “
23’30
j’ai dit qu’il n’était pas question, les petites fêtes ensemble, d’accord, aussi, mais l’apéritif seul alors que les autres attendent, je ne suis pas d’accord. ça va pas. Là il a fait mine de ne pas entendre, c’était la convivialité, point.
– ça nous donne quand même un exemple de la façon dont ta parole a été reçue, c’est à dire qu’on l’a ignoré
– oui, on l’a ignoré
23’42
– on a continué à soutenir les gars qui buvaient un coup avant de donner à manger par exemple
– oui
– et dans l’ensemble, ton souci de dire qu’il fallait moins boire pour respecter les gens n’a pas été entendu ?
– du tout. Alors moi ça me mettait très mal à l’aise, d’autant qu’il y avait des résidents qui s’en rendaient compte, qui disaient ” oh là là, tu te rends compte le temps que ça dure… etc… ” Il y avait des fêtes très arrosées. Ils s’en rendaient compte. Il y a des gens très éméchés
24’15
– oui, mais c’était peut être pour tenir le coup ?
– oui, d’ailleurs c’est possible. La hiérarchie l’admet, pendant que les gens ont le droit de faire la fête, il se calment
– oui, ils se taisent. Ce n’est quand même pas très sain ?
– oui, ce n’est pas sain
– d’accord, donc tu as déjà évoqué une parole qui a été ignorée quand tu as soulevé le
24’36
problème des souillures, de la saleté du bâtiment, qu’est ce qu’on t’a répondu ? Tes collègues t’ont dit que c’était grave, la direction qu’est ce qu’elle a dit ?
24’41
– ben la direction disait ” oh oui, mais bon… ” En fait, il ne venait pas, je leur demandais de venir voir
– et ils ne venaient pas ?
– oui, ils ne venaient pas. Je leur demandais de lire les cahiers de transmission où il y avait les choses qui n’étaient pas tout à fait
– normales ,
– oui, pas normales et jamais les cahiers n’étaient lus, on ne voulait
25’02
– ne pas voir, quoi
– oui, c’est ça
– je dirais qu’on ne voulait pas voir. Elle savait, mais elle ne voulait pas voir
– alors du coup, tu as déclenché l’hostilité de tes collègues qui ont réagit violemment
– assez violemment oui !
– pour certains
25’15
– pour certains oui, et la hiérarchie aussi. Quand j’ai, je suis tombée malade, à ce moment là, j’ai parlé à pas mal de personnes. J’ai eu des soutiens
– quand tu dis que tu es tombée malade, il faut expliquer
25’30
ce que c’est. C’est que la situation professionnelle t’était devenue insupportable et donc tu es tombée en dépression ?
– voilà
– et toi-même tu es passée quasiment l’autre côté ?
– oui
– tu n’as pas été mise à Mindin, mais tu as vécu ce que les gens vivent avec la maladie mentale ?
– oui
– ça a duré très longtemps ?
– oui ça a duré 3 ans
25’53
– voilà, toi-même, tu as pris des médicaments, toi-même tu as demandé de l’aide pour parler
– donc c’est à ce moment-là que je me suis adressée à un psychiatre qui m’a dit ” ce n’est pas vous qui êtes malade au départ, c’est l’institution mais elle vous rend malade parce que vous ne pouvez pas supporter.
26’05
– donc en fait, ton analyse a convergé avec celle de ce psy là
– oui, on a fait beaucoup d’analyses, tous les deux. Je lui expliquai ce que j’avais observé
26’24
– les réactions de tes collègues, cette hostilité, c’est assez majoritaire et toujours maintenant
– euh ! moins. Moins maintenant, parce que justement quand je suis revenue de maladie, y a quand même eu un petit peu de tapage au travers de ce que j’ai pu dénoncé
– ce que tu as pu dire ?
26’40
Est-ce que c’est ça ? Mais des collègues qui m’ont dit ” tu avais raison
– des gens ont dit ça ?
– oui des gens m’ont dit tu as raison, et même des gens qui me disaient j’ai vu ci, j’ai vu cela. Mais j’ai dit ” écoute c’est à toi de dénoncer. Je ne peux pas tout porter “.
– oui, tu ne peux pas tout porter à la place des autres
– non, non
– et ils les ont soulevé ?
– non
26’58
– Bon, l’institution t’a muté
– oui
– et aujourd’hui elle te met des sanctions parce que tu dis des choses ?
– par rapport à cette histoire d’alcool, je suis allée jusqu’à demander à la Croix d’Or si elle pouvait m’aider c’est à dire par exemple à organiser des conférences sur l’alcool
27’21
– sur l’alcoologie, sur les dangers de l’alcool au travail et alors ?
– et malheureusement pour moi, la personne qui était à la Croix d’Or était une ancienne alcoolique de Mindin qui a vite averti ma hiérarchie et là ça a été très mal
– ça n’a pas été simple
27’36
– oui
– ça a été dur là, oui, j’ai eu deux blâmes coup sur coup
– oui, parce que tu n’avais pas été gentille . Oui, ce que tu dis là, c’est un peu le monde à
27’51
l’envers. On pourrait le lire dans une pièce de théâtre Ionesco. Il s’agit bien de toi qui fait de la peine à l’institution et à tes collègues.
– c’est ça, oui !
28’00
– Il ne s’agit pas de s’occuper des personnes dont on doit s’occuper
– l’institution roule pour elle-même. Elle roule pas pour, le but de l’institution est complètement oublié par rapport au moyen qu’on y met
– encore une fois tu poses le problème de fond, le problème des fins et des moyens
– oui, c’est ça
– alors par rapport à 1992, qu’est ce qui a changé ?
28’24
Parce que dans les articles on dit qu’il y a quand même des évolutions. Parce que c’est une institution qui dépendait quasiment que du Conseil Général
– voilà oui
– maintenant elle dépend de la DASS
– oui de la DASS, du Conseil Général, de la Sécurité Sociale qui paye les frais
28’39
– donc il y a une partie soins quand même dans la prise en charge financière
– oui
– officiellement
– oui officiellement
– bon on dira si c’est vrai ou pas (les soins). On peut poser des questions. Par rapport à 92 qu’est ce qui a changé ?
– alors, les bâtiments, oui, ils auraient pu s’inscrire au DAL (droit au logement – association sur Paris qui aide les mal logé(es). Parce que c’était affreux.
– c’est à dire que toi tu aurais conseillé aux personnes dont tu t’occupais de faire partie du DAL ,
– ah oui, c’est odieux
– indigne comme disent certains
– oui
29’05
– donc il y a des travaux, les bâtiments ont été refaits
– les bâtiments ça il n’y a rien à dire, ils sont beaux
– les bâtiments sont bien
– oui, ils sont bien
– ça a coûté cher ?
– oui
– 37 millions d’Euros je crois
– oui
– oui, je crois que c’est toi qui m’as dit cela
– donc les locaux et aussi le fait que autrefois les gens se promenaient,
29’32
ça pouvait avoir des avantages si ça avait été bien encadré. Les patients pouvaient se promener dans les allées, dans les rues de Mindin parce que c’est très grand.
– c’est un petit village ?
– oui, c’est un petit village, donc s’il y avait eu un petit peu de surveillance, ça aurait été très
29’46
bien, mais là on n’avait pas envie de voir ce qui se passait et il y avait un problème de caïdat. C’est à dire les plus aptes profitaient des autres. Ca va loin.
– c’est à dire du vol ?
– ou des vols
– des abus sexuels ?
– oui voilà
– de la terreur ?
– voilà
30’02
– c’est bien cela le caïdat ? Donc à l’intérieur d’un hôpital psychiatrique on peut le dire comme ça ?
– oui
– il y avait une reproduction de la société réelle
– oui, oui. Mais normalement on était pour les protéger, c’était notre travail
– vous ne faisiez pas ça ?
30’23
– On ne faisait pas ça du moment qu’on n’emmerdait pas (excusez le mot) le personnel
– tant qu’il n’y avait pas de vagues dehors
– oui, tant qu’il n’avait pas de vagues dehors, tant qu’ils ne s’en prenaient pas au personnel, ils pouvaient se servir sur les plus faibles
– ça aussi, ça t’a révoltée ?
– oh bien oui !
30’32
– en quoi, le changement de bâtiment a réduit cette pratique ?
– parce qu’il y a eu quand même des plus petites structures avec des structures moyennes, on va dire. 12 handicapé(es) pour à peu près 8 employés. 2 ou 3 le matin, 2 ou 3 le soir. Donc ont es plus responsable de ce qui va arriver aux résidents(es) dont on a la charge.
– et puis, vous en avez moins à surveiller d’un seul coup ?
– oui, on en a moins à surveiller d’un seul coup
– le local est plus petit
– oui voilà
31’05
– du coup, les phénomènes de domination et d’exploitation sont pondérés ?
– oui, oui
– y compris les abus sexuels, parce que dans ce que tu as écrit, tu parles des problèmes sexuels. Ça aussi ça a diminué, ou ça continue ?
– je pense que ça a diminué. Il y a eu des choses très graves, de la part… c’est une histoire qui est ancienne
31’18
m’enfin, ça s’est passé quand même, il y a quelques années, d’un électricien ou d’une personne
– de l’entretien ?
– oui, de l’entretien qui avait, qui s’était retrouvé nu devant une résidente dans les toilettes et qui n’a pas été poursuivi, qui n’a rien eu.
– mais alors, les droits des patients dont ont parle dans la loi, dans les journaux ? à la télévision ?
– alors moi, j’en ai parlé, parce que ça m’a révoltée. Il y a eu d’autres choses. Puisil y a eu des résidents entre eux. Il y a eu des abus aussi.
31’58
– des violences ?
– oui, mais pour ça on a dit , c’est pas comme pour nous, c’est pas des gens, ça leur fait rien. Ils sentent rien. Parce que pour d’autres choses on leur donne une douche froide, ils ne ressentent pas la douleur, ils ne ressentent pas le viol.
– le mépris ?
– ce n’est pas des personnes
– ton constat abouti à dire, ce ne sont pas tout à fait des humains ?
– ils ne sont pas considérés comme des humains
– parce qu’on leur manque de respect, on les considère comme inférieur(es), ils n’ont pas le droit de dire leurs droits, non ce n’est pas possible pour eux
– donc en fait. J’ai une question. Jamais ils ne se révoltent, jamais ils ne posent de questions ?
32’44
– très rarement. Dernièrement, j’ai entendu parler d’un homme qui a un niveau suffisamment évolué pour pouvoir se plaindre des agissements d’une employée. Ça c’est vraiment très récent. La chef de service est venue lui dire, est venue l’intimider, lui dire qu’il
32’59
fallait qu’il se taise.
– donc OK c’est encore des pratiques actuelles. Ça, ça se passe en Loire Atlantique en 2005
– ah oui, en 2005
33’05
– alors on peut aussi continuer. Tu as essayé de saisir tes collègues. Ça n’a pas marché, tu as rencontré l’hostilité. Quelle a été la réaction de l’institution en tant que telle, et éventuellement la direction, ils t’ont écouté ?
– non, non pas, l’ancien directeur m’avait dit que de toute façon tous les procès qu’il avait pu avoir dans sa vie personnelle ou autre il les avait gagné.
– ah oui, ça n’encourageait pas à faire quelque chose ?
– et que, il y avait une personne de la DASS qui a dit que si je ne prouvait pas me dires,
– elle te poursuivrait ?
– oui, elle me poursuivrait, mais en même temps quand j’amène des preuves par exemple, les cahiers de transmission, ou autre, on ne veut pas les regarder.
– oui, quand même, en fait tu es soumise à une double contrainte ?
– oui
– il faut que tu prouves, et quand tu prouves c’est pas valable ?
– je n’ai pas le droit d’avancer la preuve
– c’est un peu comme pour les malades, il ne faut pas qu’ils se révoltent, et s’ils se plaignent, ils ne sentent rien
– oui
34’05
– on trouve toujours une raison pour que l’institution ait raison
– c’est ça
– mais dans l’ensemble, pour revenir à la question de tout à l’heure, les personnes sont extrêmement soumises et c’est vrai que au début j’ai été étonnée, quand je suis arrivée, les gens se protégeaient le visage quand on s’approchait d’eux. Il y a de quoi se poser des
34’20
questions
– et ça, ça t’es arrivé plusieurs fois ?
– oui
– et donc pour toi, c’est la preuve qu’ils prenaient des baffes ?
– et puis, on l’a dit. Au départ, on ne s’en cachait pas, il y a même des gens qui me le disent, c’est à peine caché, c’est admis
– ce n’est plus assumé ouvertement, mais c’est un peu comme la situation de la police où tout
34’42
le monde sait qu’elle est violente et raciste, là c’est la même chose
– oui
– ce que je dis de la police, ce n’est pas moi qui l’ai inventé, c’est le MRAP, Amnesty International, et la Commission Nationale de Déontologie. Là ce sont des grandes autorités et pour toi par exemple, quand tu as dit ça à la DASS ? Ils sont compétents pour régler ça ou pas ?
35’09
– j’en ai parlé, j’avais fait une lettre. J’ai fait plusieurs courriers au procureur, il ne répondait pas, et la deuxième fois, il m’a dit qu’il n’était pas compétent
– bien
35’17
– Maltraitance, je pensais que le procureur était compétent. J’en ai parlé à la DASS a dit que ce n’était pas son problème, qu’elle avait d’autres chats à fouetter. J’en ai parlé au Conseil Général qui m’a dit aussi qu’il n’était pas compétent, que le directeur était maître après Dieu
– Texto ?
– oui
– alors c’est des gens, des élus, qui financent une institution et donc ils ne peuvent pas
35’42
regarder ce qui se passe à l’intérieur
– non, ben c’est ce qu’ils disent
– oui, oui. La DASS c’est un service de l’État
– ils l’ont écrit
– donc ils sont chargés de s’occuper de l’action sociale, et ils ne sont pas compétents
– la DASS a autre chose à faire. Elle n’a pas dit qu’elle n’était pas compétente, c’est le procureur qui a dit qu’il n’était pas compétent, qu’il n’avait rien à voir là-dedans
– OK à chaque César ses paroles
– La DASS avait autre chose à faire et le Conseil Général non compétent
36’14
– cela fait quand même trois institutions importantes
– j’ai vu aussi le médiateur de la république
– qu’est-ce qu’il dit lui ?
– ça pourrait être humoristique s’il n’y avait pas des gens qui étaient victimes là-dedans : ” il faut savoir accepter, on sait bien qu’il se passe des choses comme ça, dans l’armée, dans les prisons, et des lieux comme les vôtres
– bon pour les gens qui veulent s’informer, c’est une position d’une description du 19ème siècle en France. C’est ce qu’a fait Michel Foucault autour de la folie et des lieux d’enfermements, on s’aperçoit que la tendance actuelle est plutôt du côté de la Roche sur Yon, c’est à dire, qu’on ouvre les lieux, on essaie que les gens prennent en main leur propre vie et toi c’est l’inverse total, c’est là ?
– oui
37’01
– alors pour les gens qui veulent s’informer de façon plus intellectuelle, ils peuvent lire les livres de Michel Foucault. ” Surveiller et punir “, c’est ça à Mindin
– oui, surveiller et punir, c’est exactement ça
– oui, c’est le titre d’un de ses livres célèbres. Vous pouvez le lire, c’est très intéressant. Il y a un autre livre qui est un peu plus gros, qui est ancien – Erving Goffman ” Asiles ” – Il explique comment, entre autres, les gens pour sortir de l’asile justement, essaient de se conformer à ce
37’24
que leur demande l’institution, les soignants, et les médecins. C’est ce que tu nous dis toit, c’est la soumission. C’est la même chose.
– oui, oui, l’éducation, c’est la discipline. Ça change, il y a du personnel de plus en plus éducatif, et de moins en moins médical, le côté soins des malades n’est pas tellement reconnu. Souvent on dit que quelqu’un qui est malade psy, c’est quelqu’un qui est responsable de son
37’42
état et qui est méchant.
– ça c’est l’opinion commune des soignants ?
– oui ” psy ” c’est méchant, dangereux, oui, et de toute façon, il y a de moins en mois de soins et de plus en plus éducatif, mais éducatif, c’est sans doute les mêmes formations que les éducateurs que l’on met pour les enfants un peu délinquants.
– répression ?
– oui, il faut que ça file droit !
38’09
– il n’y a pas d’écoute des personnes ? ça existe très peu ?
– il y a quand même des psychologues. Il y en a eu qui s’en fichait. Maintenant, j’en connais d’autres qui essaient de faire leur boulot, il faut le reconnaître. C’est 2 ou 3 psychologues pour je ne sais combien de patients, ils ne peuvent pas y arriver
– mais les psy ? il y a bien des psys ?
– les psychiatres sont juste vacataires , ils viennent là juste pour les ordonnances, c’est tout !
– c’est à dire pour prescrire les neuroleptiques ?
38’40
Il n’y pas de groupe de parole, par exemple ?
– non
– il n’y a pas de thérapies individuelles où la personne…
– il y a une ou deux personnes, dans le service où je suis, sur 40 admettons, deux personnes qui sont prises par le psychologue
– on peut se dire que ce n’est pas tout à fait un établissement de soins. Mais est-ce que c’est lié au fait que ces gens là vont rester toute leur vie à cet endroit là ?
39’07
– c’est lié au fait que ces gens vont rester toute leur vie à cet endroit là. C’est lié au fait qu’il n’y a pas de contrôle, il y a très peu de parents ou d’entourage
– parce que ce sont des situations lourdes ou des abandons ?
– voilà, ce sont des situations lourdes ou des abandons, en plus il n’y a pas de places pour les handicapés(es) alors le peu de famille qu’y a , eh bien, elles sont bien contentes de trouver ça.
– pour que la personne en difficulté soit prise en charge. tout se conjugue pour faire un dépotoir ?
– voilà, soit ce sont des gens qui n ‘ont pas la parole, donc ils ne peuvent pas de plaindre
– les personnes dont tu t’occupes actuellement ?
39’40
– soit ce sont des malades psychiatriques, donc est-ce qu’on doit les écouter ? est-ce que leur parole ont une valeur ?
– leur parole est suspecte ?
– voilà
39’55
– d’accord, d’autre part, est-ce que les employés(es) sont formé(es). Il y a une prise en main de l’institution pour former les gens ?
– oui, un peu plus, oui
– un peu plus maintenant
– oui, oui, ça a commencé un peu en même temps que mon embauche. Il y a quand même , c’est des petites formations.
40’12
comme moi AMP, aide soignante. IL y a très peu d’infirmières. Elles font des horaires de bureau, alors en dehors de horaires de bureau, ils sont malades quand même.
– s’ils ont la grippe par exemple ? la grippe aviaire ? Comment ça se passe ?
– d’abord, premièrement, si par exemple il y a quelqu’un de malade, éviter le plus possible. D’abord, on va la soupçonner de faire des comédies, c’est la première chose, ou c’est pas grand chose, on regarde sa température, on va soupçonner le résident
– on va dire, il est sensible un peu ?
– oui, oui
– il est douillet ?
– ou il fait des comédies, enfin bref
– il fait du cinéma, comme les joueurs de football ?
– après on va appeler l’infirmière et là il faut faire attention car on risque de se faire engueuler parce qu’elle a autre chose à faire. Si l’infirmière voit que c’est un peu grave, elle vas donner du Daffalgan en général pour faire baisser la fièvre
– on va soigner le symptôme, pour faite tomber la fièvre
41’17
– voilà, après si ça va pas du tout. On attend, c’est rare que ça soit en urgence. On va attendre la vacation du médecin.
– et la on va soulever le problème. Ça peut durer plusieurs jours ?
– oh oui très longtemps
– des gens dans ton service peuvent être malades longtemps
– oui ça va pas bien
– oui à la fois physiquement et aussi dans leur tête, ça s’agite beaucoup, il y a de l’angoisse
– il faut attendre le moment de la vacation ou alors s’il y avait vraiment un gros passage à l’acte, quelqu’un de …
– une violence ?
– oui, quelqu’un de violent
– quelqu’un arriverait en urgence ?
– il y a ce qu’on appelle des protocoles, il y a des médicaments à donner
– il faut calmer la personne
– oui, il faut la calmer
– d’accord
41’59
Donc, mais dans le personnel, il n ‘y a pas un renouvellement, ou c’est toujours les mêmes ?
– si, la où je suis justement, il y a, c’est disons le côté positif de quelque chose de négatif, c’est à dire, comme c’est un service très très lourd, les gens veulent aller ailleurs dans des services plus faciles donc ce sont souvent des jeunes intérimaires ou en CDD qui viennent travailler là et qui apportent quand même une vision nouvelle. Moi je trouve de la fraîcheur, parce qu’elles arrivent avec des yeux neufs et elles considèrent les personnes en tant que personnes.. Bon il y a aussi dans les anciennes des gens qui ont cette mentalité.
42’43
c’est bien
– ça fait du bien ?
– oui ça fait du bien
– mais elles sont quand même, ces personnes, dont beaucoup de femmes, d’après ce que tu dis, elles sont en situation très précaires ?
– donc même si elles voient des choses… souvent, plusieurs fois, j’ai eu des stagiaires ou des personnes en CDD qui m’ont dit oh là là, j’ai vu çà, j’ai vu ceci qui va pas. Mais parler, c’est perdre leur boulot, elles sont en CDD. Si elles disent quoi que ce soit, elles perdent leur boulot.
– donc l’institution va sanctionner les personnes qui parlent
– ah ben oui, ou pas de renouvellement de contrat. C’est un moyen de pression très fort
– donc toi tu tiens le coup, c’est grâce à ton statut que tu peux tenir le coup
43’28
– oui, moi je suis titulaire
– donc, on voit bien encore là que la défense des salariés et la protection sociale, comment dire ça, sont fondamentales
– oui
– donc ces personnes qui arrivent, ces jeunes n’ont pas cette protection
– ah ! non
– quelques fois ils sont 5 ans à avoir des petits boulots des contrats de 1 jour, 2 jours
43’45
– mais elles sont quand même compétentes si elles viennent depuis 5 ans ?
– ben oui
– bon ça c’est la précarité générale. A cet endroit c’est quand même assez dur
– oui c’est dur
– parce que en plus c’est la loi du silence ?
– oui, c’est la loi du silence, elles voient des choses pas très correctes, elles doivent se taire et en plus, la solidarité humaine, la solidarité ouvrière est bien mise à mal souvent les anciennes elles laissent le travail avec des horaires merdiques à ces jeunes.
– oui, c’est ça. Comme dans un certain nombre d’endroits, le corporatisme est là ?
– oui
44’27
– on profite de ses avantages, on essaye de rabaisser celui qui est en dessous, entre autre la personne jeune qui arrive
– oui
– alors tout ce que tu me dis là, tu parlais aussi de fermeture de lit, il y a moins de place qu’avant ?
– je parlais des hôpitaux psychiatriques
– O.K.
– des gens qui relèveraient de soins réels
– sont chez vous ?
– oui
– et ils n’auront pas de soins ou très peu, que du médicament, c’est du gardiennage ?
– oui c’est du gardiennage
44’51
– on constate que dans ce que tu dis là, c’est des caractéristiques typiques du capitalisme actuel
44’53
travail précaire, des soins psy surtout par les médicaments
– oui
– il faut quand même noter l’individualisme parmi les employés, d’après ce que tu dis c’est très fort
– oui c’est très fort
– l’aspect répressif est aussi fort, même si actuellement dans la société on prétend le contraire, et puis d’autre part, ce que tu dis s’il ne faut pas parler, c’est qu’il faut garder une bonne image de Mindin
– oui c’est cela
45’15
– c’est fondamental la bonne image
– oui, oui, d’ailleurs le nouveau directeur fait dans le vent, si on peut dire. Je le comparerai un petit peu à un représentant de commerce. Dans sa façon d’être, et puis il y a eu des plaquettes de faites ; oui, on dit aux parents ” voyez, il y a une piscine , il y a des psychothérapeutes, des psychologues, des médecins etc… ” on ne dit pas que c’est une heure pour je ne sais pas combien de résidents et de temps en temps
– mais ça, c’est ce qui se passe sur TF1, on nous vend du vent régulièrement, c’est un peu ça ?
– oui, c’est ça !
45’56
– mais on parle aussi, on dit y a des activités à Mindin, c’est vrai ?
– y’a des activités à Mindin, surtout pour les personnes qui sont pas trop. Les personnes qui ont une tutelle famille sont plus favorisées, à mon avis
46’09
– oui et aussi les gens qui ne sont pas baveux, qui ne nous embarrassent pas trop
– qui sont un peu propres sur eux, qu’on peut sortir
– oui
– les autres qui sont un peu bancals on va éviter de les montrer
– oui ils sont plus embêtants oui
– ceci dit, c’est vrai que c’est plus difficile à vivre mais cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas
46’30
le droit de sortir ou de se balader
– mais les sorties sont organisées, je sais que c’est un travail dur, on a aussi le droit d’avoir une vie un peu plus facile, mais quand même les sorties. On va entendre 2 collègues dire ” oh on se ferait bien un petit ciné ensemble ” alors bon, un programme au ciné qui n’est pas du tout du niveau des personnes et puis ensuite on emmène les moins emmerdants
– au cinéma
– oui
– et ça c’est financé par Mindin ?
47’02
– oui c’est financé par leur… la partie AAH (Allocation Adulte Handicapée)
– ah oui, parce que les personnes qui sont là bas touchent l’allocation adulte handicapé
– donc ils ont des sous normalement mais ils sont sous tutelle ou curatelle
47’11
– Ils sont sous tutelle ou curatelle soit de la famille, soit de l’établissement de l’institution ?
– oui de l’institution
47’16
– donc vous pouvez disposer de leur argent
– en partie oui
– oui, toi tu m’as dit, ça t’étonne que certaines dépenses ne soient pas prises en mains de ce fait, Pourquoi ?
– ben oui, je parlai, elle paye quand même, une partie est payée par la sécu, et le Conseil Général
– ça fait aux alentours de combien ?
– 180 euros par journée
– par jour
– oui
– pour une personne
47’40
– oui pour une personne
– oui c’est beaucoup quand même
– oui c’est beaucoup, mais il faut payer le personnel
– payer les bâtiments
– oui les bâtiments, l’entretien etc…
– mais quand même, euh là, on en vient à nous demander de limiter, par exemple, les couches pour les personnes qui sont très incontinentes
48’00
Alors là, je trouve que là, à ce prix là, ils devraient avoir des couches pour avoir les fesses au sec. Je trouve que c’est un peu…
– ça veut dire que des besoins basiques
– ben voilà
– ne sont pas bien pris en main
– non non, les gens sont trempés parce que les couches sont de mauvaise qualité jusqu’au dos
48’13
– et c’est vous qui vous occupez de ça. Ils ne sont pas bien dans leurs excréments
– ah ben non
– et pour ça, on dit qu’on n’a pas de sous
– oui, ça coûte trop cher. En plus, dans ce service où je suis, où on fait la restriction de couches, etc… c’est des personnes très lourdement handicapées donc elles ne bénéficient pas de camp extraordinaires pour le ski, dans les Pyrénées, elles ont des petites sorties. Donc elles ne coûtent pas cher en activité, donc on pourrait avoir une compensation, avoir un certain confort au moins, on pourrait leur offrir ça.
48’46
Moi je pense qu’on pourrait au moins leur offrir ça. Eh ben non, il faut faire des restrictions sur les couches
– on fait des restrictions sur les couches et on laisse les gens dans leur saleté
– ah oui
– et dans leurs excréments
– oui, trempé(e)s, et puis de toute façon, il y a du personnel qui marche là-dedans, et puis de toute façon ils sont à laver et à changer le matin, qu’est ce que ça peut faire. Enfin, il y a une différence entre être trempé(e), noyé(e) dans son urine et être un peu mouillée sur soi
– oui
49’08
– on comprend ta révolte parce que là quand tu dis que ce n’est pas des humains
49’11
voilà un élément qui va en ta faveur
– oui ça fait mal quand même
– est ce que tu as reçu du soutien à l’extérieur ?
– oui à l’extérieur
– tu as fait des démarches auprès de qui ?
– ben des amis, ou des relations, beaucoup de gens,
– plusieurs psys
– oui, dont un psychiatre qui m’a beaucoup aidée sur la région parisienne, qui a aidé à la mise en texte de ce ce que tu as vu.
– oui, tout de suite, il a tout de suite compris le problème, il n’a pas été très étonné. Y a eu des associations, y’a encore des associations de handicapés, l’association des disparues d’Auxerre
– dont on entend parler à l’occasion de Emile Louis, c’est ça ? Oui je crois que c’est comme ça que ça qu’il s’appelle
– oui, et aussi Alma, c’est une association qui défendait au départ, aidait les personnes âgée maltraités qui défend maintenant les personnes handicapées FMEH
– pour toi, partout où tu peux tu trouves de l’aide
50’16
Pour toi, le mot maltraitance est tout à fait adapté à Mindin
– pour moi oui
50’22
– donc ça a eu une influence sur toi extrêmement forte
– oui
– tu as réussi à reprendre le travail
50’26
et là, d’après ce que je comprends on t’a mis de nuit exprès
– oui, bon je ne vais pas me plaindre, parce que j’ai la sécurité de l’emploi, jusqu’à un certain point. Donc je suis titulaire, ils n’ont pas pu me balancer. Je suis la seule titulaire sur Mindin
50’45
qu’on a de nuit de force. Les autres sont tous volontaires.
– oui, c’est à dire qu’il y a des gens qui disent ” je préfère organiser ma vie comme ça. Je travaille 4 nuits et j’ai 4 jours de repos
– voilà oui, dans un certain sens c’est vrai, je n’ai plus les équipes sur le dos. Quand je travaille seule, je travaille suivant ma conscience, ça m’apaise
– c’est important, parce que là, c’est pas une machine, ce n’est pas un ordinateur, c’est pas des pièces en ferraille, ni, c’est pas des produits à mettre dans un supermarché. C’est des rapports humains, c’est en prise directe avec les gens
– oui
– et les plus faibles d’entre nous
– voilà. C’est sans doute ce qui me rend le plus malade de ne pas pouvoir travailler suivant ce que moi je pense être simplement normal.
– le minimum on pourrait dire
– je ne demande pas à faire du zèle, ni rien, je demande juste à travailler correctement
51’38
– et les handicapés(es) les personnes malades s’en rendent compte
– là, je ne sais pas, parce qu’ils sont vraiment très démunis, apparemment ils sont contents parce que en plus je leur fait des petites faveurs, je leur amène, quand ils ne dorment pas, je leur amène du lait ou des choses comme ça
– oh là là, on va demander à surveiller l’usage du lait…
– oh oui, ça serait très mal vu, si on me voyait, m’enfin bon, je le fais et je le regrette pas, mais
52’00
puis, dans les autres services où les gens se rendaient compte, venaient me parler de leurs petits problèmes etc.
– donc il y avait un dialogue
– j’ai même été vraiment en fraude parce que il y avait une personne, elle trouvait tellement
52’24
dur le manque de cigarettes qu’elle était capable de voler, ou même de se prostituer pour avoir une cigarette, et donc moi qui ne fume pas, j’avais mon paquet de cigarette sur moi pour qu’elle n’en arrive pas là, et ça c’était interdit, j’avais pas le droit de lui en donner.
– encore plus maintenant. Le tabagisme est extrêmement dangereux. On va vous mettre une centrale nucléaire à côté, mais nous n’aurez pas le droit de fumer… Donc en fait, ce que tu
52’50
nous dis là, c’est quand même une situation, comment dire cela, intolérable. Et malgré toutes tes démarches actuellement il n’y a pas eu beaucoup de choses qui ont bougé à part les bâtiments.
52’55
– oui les bâtiments, le fait que ce soit des petites unités et qu’il y a un peu moins de caïd, mais c’est vrai que la mentalité c’ est lourd
– c’est lourd, ça reste lourd et tu as besoin de le dire
– ah oui, j’ai, et ce que je voudrais essayé de comprendre, c’est peut être pour ça que j’en parle beaucoup, je n’arrive pas à comprendre que ces gens là, enfin mes collègues
– oui l’institution
– puissent vivre ça. Bon on sait qu’il y a la faim dans le monde, mais là on est témoins propres de choses et on pourrait améliorer la vie un petit peu de ces gens là, et on reste indifférent. Ça c’est un gros questionnement pour moi.
53’45
– mais alors, est ce que tu accepterais qu’on dise que notre société a d’énormes difficultés à s’occuper de ce problème
– oui sûrement, oui
– donc en fait, l’idée que la société a une difficulté c’est quand même une de tes conclusions,
– oui, oui
– oui, il y a des personnes en difficultés, mais le système social qui est chargé de s’en occuper est lui-même en difficulté. Il veut cacher cette réalité, c’est très clair, il veut faire bonne figure. Là on retrouve ” il faut repeindre la vie en jaune “, il faut refaire les boîtes à lettres, disait un candidat à la présidence de la république. Donc en fait là, c’est un peu ce que fait la télé
– oui oui oui
– c’est ça
– oui, pas de pitié pour le plus faible
54’22
c’est partout pareil
– plus ou moins, parce que là, c’est peut être vraiment très fort, comme situation. Mais je pense que c’est ça quoi
– dans l’ensemble c’est la même chose
– la société n’admet pas les faibles
– donc la reproduction de cette société, dans cette mini société
– oui c’est une caricature
– cette mini société qu’est Mindin fonctionne pareil et toi tu es une anomalie là-dedans
– oui, ben voilà, c’est peut être pour ça que je me sens proche d’eux, en fait, je suis un peu, oui, une anomalie
54’33
une inadaptée, un peu comme eux, comme eux, quoi, enfin je crois qu’on est quelques-uns uns quand même
54’57
– oui quelques-uns uns, oui, mais tu parles du respect, de les reconnaître comme des humains, qu’ils aient des couches correctes, oui qu’on puisse sortir du système répressif, c’est ce que tu dis
– oui
55’11
– et que s’il y a des sorties à faire, ou les activités qu’il y a , tu demandes que soit pris en compte leurs besoins, leurs difficultés et que la société accepte d’avoir ce problème
– oui oui
– et la société n’est pas capable c’est ton constat
– oui c’est mon constat
– donc du coup, comme elle n’est pas capable, elle laisse perdurer un système qui lui, est bancal
– oui
– nous sommes d’accord ?
– oui
55’36
– oui, c’est mon opinion. A force, en t’écoutant parler, en te posant des questions. Au début, tu avais un peu peur de la radio, du direct, je trouve que tu t’en sors très bien. Mais quand tu parles, tu portes une douleur en toi extrêmement forte par rapport à ça
– oh oui sûrement
– c’est la douleur des gens qui te choque
– oh oui, et donc, ce qui me choque aussi c’est que les autres ne ressentent pas cette douleur,
56’01
c’est ça que je n’arrive pas à comprendre. Peut être qu’une partie la ressent, l’alcoolisme à Mindin peut être que ça peut s’expliquer
– oui ça peut jouer
– peut être
– oui, et puis l’institution n’a pas favorisé ta parole
– non pas du tout
– et puis la parole des personnes dont vous êtes censés vous occuper non plus, elle n’est pas
56’20
favorisée
Il y a une amélioration, mais c’est quand même assez paradoxal d’arriver à dire que c’est parce qu’on a construit des petits bâtiments que les caïds ont mois de place, et que les abus sexuels ont diminué
56’22
on ne peut pas dire qu’il y a eu une action de l’institution pour dire ” il n’y aura pas de caïd ” On va sanctionner s’il y a des abus sexuels, non ?
– parce que j’ai connu un cas d’une personne, son fils était donc à Mindin, il a été abusé par un autre résident, plus fort et cette dame s’en est aperçu parce que le slip était tâché de sang et elle a porté plainte et dans les attendus du tribunal, on lui a dit ” mais le jeune ne s’est pas plaint ” alors qu’il a 5 ans d’âge mental
57’10
– oui, c’est à dire que d’un côté, on le reconnaît avec un âge de 5 ans, pour qu’il soit soumis, et lorsque on dénonce un abus, il devrait être un adulte, position qu’on lui a jamais reconnu nulle part ailleurs
– non jamais
– donc c’est bien une espèce de double jeu qui te pose problème, ce qui explique pourquoi tu dis que cette institution est malade
– oh oui !
– donc malade, Mindin est malade de sa propre maladie, et de la folie et de son incapacité à s’occuper de la folie
57’32
– oh oui tout à fait
57’41
– bon on peut quand même tempérer le fait que effectivement s’approcher de la folie, ce n’est pas quelque chose de très facile
– non non
– on ne va pas dire que tout est simple, c’est pas vrai, mais en même temps, ce n’est pas parce que ce n’est pas simple qu’on n’est pas capable de trouver des solutions ou expérimenter des
57’51
choses ou du moins de respecter les gens tel qu’ils devraient être respectés
– si on ne se taisait pas, s’il n’y avait pas cette loi du silence, on pourrait les dire, on pourrait commencer à réfléchir
58’05
s’ils nient les voir, nient les dire, on ne peut pas trouver de solutions
– donc on peut dire que les droits de l’homme s’arrêtent à Mindin
– un peu
– c’est bien ça parce que d’un côté, cette société nous rabat les oreilles des droits de l’homme
– c’est vrai
– les droits de l’homme ceci, les droits de l’homme cela, elle est incapable de l’appliquer du côté de Saint Brévin
58’25
– combien de touristes passent à Saint Brévin ? des milliers
– oh oui
– personne n’a vu Mindin
– oh, Mindin se trouve à côté des ordures et d’un camp de gitans
– donc c’est les relégué(es) : la poubelle, Mindin et les gitans,
– et des trottoirs autour où on ne peut pas rouler en fauteuils roulants
– et les malades peuvent être en fauteuils roulants ?
– ah ben oui ! il y en a pas mal, oui !
– bon on va s’arrêter là pour aujourd’hui. On va essayer de mettre cette émission sous forme
58’57
informatique d’ici quelques temps, elle sera disponible sur Internet et on espère sur le site d’Indymédia Nantes.
58’59
et peut être d’autres sites.
59’05
Voilà, c’était Chantal qui nous a fait partager un peu son quotidien et sa douleur et on va lui exprimer notre soutien.
Effectivement, il y a un côté émotif très fort dans son témoignage et en espérant comment dire, trouver un peu de soutien de changement à Mindin.
On aimerait bien que Mindin ne soit plus Mindin, actuel, qu’il y ai un nouveau Mindin, mais malheureusement bien que le Conseil Général est socialiste ?
– maintenant oui
59’26
– je n’ai pas rêvé : on espérerait que le socialisme
59’35
rentre à Mindin. C’est pas le cas actuellement.
Je remercie Nacer et Johan à la technique.
Il est l’heure
59’43
Il vaudrait mieux que tu n’aies pas à faire ce type d’émission, mais euh
– merci de m’avoir entendu
– merci Chantal et bon courage
59’49
– merci
60’00
générique de fin
Retranscription et mise en forme
Philippe Coutant et Catherine Le Groux
Nantes le 1er et 2 Février 2006
Le fichier en RTF :
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