I. Introduction

En se basant uniquement sur la justice et la raison, nul ne pourrait nier que d’une part, les animaux ne veulent pas souffrir ni être tués(1), et que d’autre part les êtres humains n’ont pas besoin de manger leur chair pour vivre(2). De ce fait, toute forme d’exploitation animale destinée à notre consommation, de la pêche à l’élevage, devrait donc logiquement cesser.

Si cette logique n’est pas reflétée dans la réalité aujourd’hui, et n’est ni même encore l’objet d’un débat public, malgré les efforts d’un nombre croissant de personnes, c’est principalement en raison d’un ensemble de dispositifs sociaux que l’on peut réunir sous le terme de « végéphobie ».

Les végétarien-ne-s(3) pour les animaux tentent de donner une voix à ceux qui n’en ont pas : les animaux élevés pour leur chair. Or, cette voix n’est pas entendue, et est même largement censurée. Tout est mis en place, à l’échelle de la société entière, pour rendre inaudibles les végétarien-e-s et pour empêcher le débat. Dès qu’il s’agit de mettre en avant le sort des animaux d’élevage, de quelque manière que ce soit, y compris par le simple fait de refuser de consommer de la viande au cours d’un repas, une forme de censure intervient.

La végéphobie bloque toute amélioration du sort des animaux, en empêchant la diffusion des idées et en pervertissant le débat. Cette brochure évoque les différentes formes que prend la végéphobie et les conséquences qui en résultent, non seulement pour les végétarien-ne-s, mais aussi et surtout pour les animaux.

 

Comment définir la végéphobie ?

Le terme « végéphobie » a été formulé pour la première fois dans le manifeste français de la Veggie Pride(4). De même que d’autres expressions composées du suffixe « phobie »(5), il désigne le rejet d’un comportement qui contient des enjeux politiques. Tout comme l’homophobie rejette l’homosexualité et implique une discrimination à l’égard des personnes homosexuelles, la végéphobie désigne le rejet du végétarisme pour les animaux et la discrimination à l’encontre des personnes végétariennes. Des émotions de peur, de mépris et même de haine l’accompagnent parfois.

Si les végétarien-ne-s sont rejeté-e-s, c’est parce qu’illes(6) remettent en question la consommation de chair animale de par leur simple comportement, sans même l’exprimer verbalement. Ne pas consommer de viande est une remise en cause de la domination humaine, et ébranler les privilèges des dominant-e-s mène à des réactions violentes à l’encontre des végétarien-ne-s. C’est ce phénomène que nous nommons « végéphobie ».

Le végétarisme pour des raisons de goût ou de santé personnelle, d’élévation spirituelle, de considérations écologiques ou de solidarité avec les pays en développement est relativement bien accepté socialement. La végéphobie n’est donc pas une hostilité à l’encontre du simple végétarisme en tant que mode de vie, mais est déclenchée par le fait que cette attitude vient remettre en question l’idée de domination humaine, le spécisme(7).

 

La suite dans la brochure http://www.veggiepride.org/wp-content/uploads/2016/03/Vegephobie_FR_lecture.pdf

 

1 Voir sur la notion de sentience animale: OneKind.org, « Animal Sentience », http://www.onekind.org/be_inspired/animal_sentience/
2 Voir la position de l’Association américaine de diététique et des Diététistes du Canada: « Vegetarian diets », http://www.vrg.org/nutrition/2003_ADA_position_paper.pdf
3 Végétarien-ne : individu qui ne consomme pas de chair animale. Les végétalien-ne-s (qui ne consomment par ailleurs aucun produit issu de l’exploitation animale, comme les laitages et les oeufs), en tant que personnes ne consommant pas non plus de chair animale, font partie des végétarien-ne-s.
Végétarien-ne pour les animaux : individu qui refuse de manger de la chair animale et dont la motivation première est le refus des souffrances infligées aux animaux. Par souci de concision, nous emploierons dans cette brochure le terme de « végétarien-ne » pour désigner ces personnes, sauf mention spéciale.
4 Voir le manifeste de la Veggie Pride sur www.veggiepride.org.
5 Bien que le terme de « phobie » soit également utilisée sur le plan psychologique pour désigner des peurs irraisonnées (par ex. dans « arachnophobie »), on s’intéressera ici plutôt à son utilisation au niveau social et politique pour désigner une attitude de rejet et de discrimination, comme dans le concept d’« islamophobie ».
6 Nous emploierons un langage épicène lorsqu’il n’alourdit pas le texte.
7 Le spécisme est une idéologie dominante actuellement, selon laquelle les intérêts des humains, aussi futiles qu’ils soient, priment systématiquement sur ceux des animaux, même lorsqu’ils lèsent des intérêts fondamentaux de ceux-ci. Si l’on met en balance l’intérêt d’un humain à manger de la viande et l’intérêt d’un animal à ne pas être tué à cette fin, une société spéciste considérera que le simple intérêt gustatif de l’humain (la viande n’étant pas nécessaire à sa survie) prime systématiquement sur les souffrances qu’impliquent l’élevage, le transport et l’abattage des animaux qui fournissent cette viande. Ceci car, selon l’idéologie spéciste, l’intérêt des humains prévaut toujours.