Onfray, le pierre ganivet de notre temps
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Achille Dauphin-Meunier était le fils de Joseph, Émile Dauphin-Meunier, employé à la Préfecture de la Seine, historien des Mirabeau — il signait ses livres Dauphin Meunier, sans autre prénom —, puis conservateur de la Bibliothèque administrative de la Ville de Paris. Il fit ses études au collège catholique de Saint Aspais, puis au lycée Lakanal à Sceaux. Son père, ami de Benoît Malon, aurait un temps « flirté avec le socialisme » mais Achille Dauphin-Meunier est issu, avant tout, d’un milieu catholique. En 1922, âgé de 16 ans, il entra à la faculté de droit de Paris avant de suivre les cours de l’école de sciences politiques et l’école des hautes études sociales tout en étant employé de banque. Par l’intermédiaire de son condisciple Robert Longuet, arrière-petit-fils de Karl Marx, il entra en rapport avec l’anarchiste Jean Grave.
Achille Dauphin-Meunier participa alors activement au mouvement anarchiste français et international. Il considérait Christian Cornelissen comme un maître à penser, fréquentait la veuve et la fille de Kropotkine, le docteur Pierrot et Paul Reclus. Sa compagne était une couturière hongroise d’origine paysanne et anarchiste, Böske Kovacs. Elle éveilla en lui un grand intérêt pour le mouvement anarchiste en Hongrie et l’amena à publier un livre sur La Commune hongroise et les anarchistes. Dans La Revue Anarchiste (avril 1925), dans Le Libertaire et encore en 1928 dans Le Populaire de Paris, il donna une série d’articles pour dénoncer le régime de Horthy.
Dauphin-Meunier fut un militant actif et un auteur prolifique du mouvement anarchiste entre 1923 et 1930. Il participa à de nombreuses publications françaises (Le libertaire de l’Union Anarchiste (1923-1930), Révolte et Temps nouveaux de Jean Grave jusqu’en 1935) et internationales (les revues anarcho-syndicalistes espagnoles Redencion, Cultura Libertaria, Orto et la revue hongroise Manka du poète anarchiste Lajos Kassak). En 1924, il était secrétaire du groupe anarchiste du V° arrondissement, puis des groupes de Bourg-La-Reine de 1925 à 1930. En 1925 toujours, il créa un Cercle d’Etudes Bakouninistes à l’écart de l’Union Anarchiste.
En contact avec les secrétaires de l’Association Internationale des Travailleurs, Lehning, Souchy et Schapiro, il participa le 12 février 1927, à titre individuel, à la réunion préparatoire du Congrès international anarchiste qui se tint à L’Haÿ-les-Roses le 20 mars, et qui débattit de la Plate-forme (voir Makhno). Habitant à Bourg-La-Reine, il est probable qu’il se soit chargé de son organisation pratique.
L’année 1930 semble un tournant dans sa vie : sa compagne mourut le 25 juin. C’est aussi l’année où les Plate-formistes perdirent la majorité dans l’UACR. Dauphin Meunier participa aux polémiques liées au congrès. A la suite d’un compte rendu du congrès de l’Union Anarchiste des 19 et 20 avril 1930, qu’il signa sous le nom de Pierre Ganivet, il s’affronta à Sébastien Faure. Il revint sur l’Affaire Malvy et le « Manifeste des seize ». Parmi les quinze signataires figuraient les amis de Dauphin-Meunier : Jean Grave, Marc Pierrot, Paul Reclus et Christian Cornelissen. Dauphin-Meunier était toujours très attaché à Cornelissen, avec lequel il entretenait une correspondance, et à Jean Grave. Il participa d’ailleurs à sa dernière publication, Révolte et Temps nouveaux, revue que Grave créa après sa rupture avec l’équipe des Temps nouveaux. Il reprit les arguments des « quinze » contre Sébastien Faure : il accusa Faure d’avoir collaboré avec Mauricius, qualifié de mouchard, et d’avoir accepté que son école, « La Ruche », soit financée par des fonds du ministère de l’intérieur durant la guerre. Il relança ainsi la polémique enclenchée contre Faure au sujet de l’affaire Malvy.
Sébastien Faure répondit très vigoureusement aux attaques de Dauphin-Meunier, le traitant de « faux anarchiste » et appelant les lecteurs du Libertaire à le laisser, lui et ses amis, « à leurs vomissements ».
Dauphin-Meunier rompit alors avec l’Union Anarchiste mais adhéra à la CGT syndicaliste révolutionnaire.
– Planiste – Syndicaliste révolutionnaire.
De 1932 à 1939, il dirigea la revue L’Homme réel, « revue syndicaliste et humaniste ». La revue rassemblait un nombre important de collaborateurs plus ou moins réguliers, tous des intellectuels du mouvement ouvrier. Leurs sensibilités politiques au sein du mouvement socialiste et leurs parcours respectifs étaient très variés. Nous pouvons supposer que les contributions de Christian Cornelissen, d’Henri Poulaille et de Luigi Fabbri sont la conséquence des liens de Dauphin-Meunier avec le mouvement anarchiste. Mais nous trouvons aussi d’autres plumes : des socialistes liés à la CGT de Léon Jouhaux comme René Belin, André Philip et Robert Lacoste ; des penseurs proches du syndicalisme révolutionnaire comme Edouard Berth, Edouard Dolléans, Francis Delaisi et Hubert Lagardelle. La revue devint la pierre angulaire de la pensée planiste en France. Les idées d’Henri De Man qu’elle véhiculait jouèrent un rôle central dans cette dérive d’un certain nombre de socialistes vers le fascisme ou le pétainisme. Hubert Lagardelle semble avoir été un agent très efficace de la propagande fasciste à cet égard.
Dauphin-Meunier s’éloigna donc de l’anarchisme. En 1934, il adhéra à la CGT. En février 1935, il se brouilla avec Jean Grave à propos d’une polémique autour des idées planistes dans La révolte et les temps nouveaux, sa dernière participation à une revue anarchiste.
Comme une partie des intellectuels de L’Homme Réel, il s’engagea dans des mouvements pacifistes. En juin 1935, il soutint l’idée d’un comité national rassemblant les adversaires de la guerre qui semblait venir et d’un éventuel pacte militaire avec l’URSS. Le Comité tint deux conférences, l’une à Saint-Denis, les 10-11 août 1935, l’autre à Paris, salle de la Mutualité, le 28 septembre 1935.
Militant socialiste et syndicaliste, Dauphin-Meunier participa à la Révolution prolétarienne de Monatte, anima avec Christian Pineau la revue Banque et bourse, organe de la section fédérale des employés de banques de la CGT dont il était responsable lors des grèves de mai et juin 1936. À ce dernier titre, il appartint au Comité des sept experts chargé de la réforme du statut de la Banque de France. Comme beaucoup de « planistes », il fut déçu par l’attitude du gouvernement Blum. Il s’éloigna donc des socialistes. A la même époque, il devint un économiste reconnu en publiant en 1937 deux volumes sur la banque de France. Il devint universitaire à la faculté de droit de Toulouse.
– Planiste, catholique et collaboration
Durant la guerre, alors qu’il retrouve la foi catholique, il collabore, comme beaucoup de ses amis planistes tels Bertrand de Jouvenel, René Belin, Delaisi et Lagardelle. Il écrivit alors dans plusieurs journaux du régime de Vichy : Aujourd’hui, La vie industrielle, commerciale, agricole, financière, Le Fait. En 1943, directeur de l’école supérieure d’Organisation professionnelle, il préfaça la première traduction en français de l’ouvrage de l’auteur allemand August Winning qui, comme lui, avait quitté la social-démocratie allemande et le syndicalisme pour devenir un conservateur pro-nazi et un chrétien militant.
– Recyclage
A la Libération, Dauphin-Meunier ne semble pas avoir été inquiété (il dut cependant se cacher un moment dans le monastère bénédictin de La Pierre-qui-vire), puisqu’il dirigea le département d’économie de la faculté libre de Paris jusqu’en 1968 (il avait pris ce poste en 1941). Cette Faculté ayant disparu en février 1968, il fonda avec quelques collègues, en juin 1968, la Faculté libre autonome et cogérée de droit et de sciences économiques (FACO) dont il devint le doyen, Faculté financièrement soutenue par un certain nombre d’entreprises industrielles et commerciales.
Universitaire reconnu, conseiller du roi du Cambodge, il écrivit des travaux d’économie sur les banques et devint spécialiste de l’histoire de la doctrine sociale de l’Eglise. Parallèlement, de 1954 à 1970, A. Dauphin-Meunier remplit les fonctions d’expert international d’assistance technique au Cambodge, en Amérique centrale et en Jordanie. Il entretint une correspondance avec l’équipe de De Benoist jusqu’à sa mort, alors qu’il se considérait alors comme un « anarcho-conservateur ». Sa sympathie pour l’extrême droite ne s’est pas démentie, il parraina la « Nouvelle École » dès sa fondation. La revue du GRECE lui consacra d’ailleurs une nécrologie au moment de sa mort, en 1984. Cette nécrologie passe sous silence son passé anarchiste, cégétiste et socialiste, la période vichyste, pour insister sur les nombreuses décorations (chevalier de la légion d’honneur par exemple) de ce monsieur « respectable ».
Le Monde des 2 et 3 septembre 1984 annonça son décès
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