En Asie aussi, le torchon social brûle !

En 2003 et 2012 Hong-Kong a été secouée de mouvements de contestation. Celui de 2014 a pris le nom de « révolte des parapluies », pour l’utilisation massive de ceux-ci contre le flicage ahurissant, via les caméras de surveillance omniprésentes. Il n’a pas fallu longtemps pour qu’un nouvel épisode de la lutte de classes surgisse dans cette région où la misère ne cesse d’augmenter : les salaires stagnent, le chômage grossit, le prix des loyers explose, obligeant nombre de jeunes à habiter chez leurs parents, et les pauvres dans 2 ou 3m², etc.

Depuis juin 2019, le mouvement de lutte a permis, malgré le poison régionaliste (anti-Chine) très présent sur l’île, de pointer ses propres exploiteurs « hongkongais » comme responsables de sa situation. Dans son processus de rupture avec l’ordre établi, le prolétariat tente d’imposer son terrain de classe, anti-nationaliste. Des graffitis proclament : Le capitalisme c’est de la merde. Le Parti communiste chinois est capitaliste ! De plus en plus de prolétaires se radicalisent face à la principale réponse gouvernementale, la répression. Le gouvernement local, à la botte de sa grande sœur chinoise, est totalement décrédibilisé et les manifestants exigent son renvoi… même après son recul stratégique sur l’annulation du projet de loi qui a mis le feu aux poudres sociales. Comme dans nombre de révoltes, dont celle des Gilets jaunes en France, une consigne émerge : Qu’ils s’en aillent tous !

La révolte a pris dès le début un aspect massif surprenant, jusqu’à deux millions de manifestants le 16 juin, plus d’un quart de la population totale, paralysant l’activité de toute l’île. Mais le mouvement ne reste pas enfermé dans des manifestations régulières et prévisibles. Les axes se diversifient. Ainsi, parallèlement aux manifestations et affrontements avec la police, une des activités des combattants est de freiner l’activité économique. Le blocage total du métro, le 5 août (et partiel les jours suivants), et de l’immense aéroport, les 12 et 13 août, a réussi à ralentir les flux de la marchandise force de travail, chère aux patrons. Vivent les piqueteros chinois !

La grève très suivie, hors contrôle des syndicats, le 5 août, a désorganisé toute l’activité de l’île. Il y a d’incessants sabotages des composteurs du métro. La destruction à grande échelle des caméras de reconnaissance faciale devient une activité quotidienne.

De plus, la mobilité des manifestants, leur détermination, leur grande solidarité, l’appui massif de la population, l’inventivité de leurs moyens d’action (occupations impromptues du métro, déplacements rapides et secrets, masques et protections très largement utilisés, etc.) font que ce mouvement est remarquable. Bien sûr que nombre de manifestants se disent pacifistes, mais la majorité soutient le rapport de force que les plus déterminés imposent. La ressemblance avec la discussion autour des dits Blacks blocks, en France, est frappante. Il faut donc rejeter cette fausse opposition pacifisme-violence du mouvement à Hong-Kong, chère aux journaflics. Ceux-ci sont d’ailleurs de plus en plus la cible des manifestants.

La peur change de camp : le prolétariat ne reste pas passif, non, il rend les coups, passe à l’offensive, comme lors de l’occupation et la mise à sac du parlement (1er juillet), ainsi que du commissariat central (5 juillet). Toutes ces actions redonnent confiance aux combattants. Le prolétariat assume une violence révolutionnaire, organisée par des minorités plus claires, plus combatives. On voit apparaître des barricades, l’auto-défense se généralise, les bombages, la propagande, les soins, etc. La répression (arrestations, blessés, morts, licenciés, etc.) alimente la rage des manifestants, rallie les indécis et pousse les convaincus à améliorer leurs moyens de défense (par exemple, l’utilisation de rayons lasers, contre le flicage via caméras, appareils photos, etc.). Comme le dit une jeune combattante : « La peur s’est transformée en motivation pour sortir dans la rue« . Un autre affirme : « Nous n’avons pas peur, nous sommes trop en colère pour cela. »

Comme partout, un des aspects de la répression du mouvement passe par une guerre médiatique. D’habitude, les journaflics, sortant leur attirail contre-révolutionnaire, parlent de « casseurs », de « nationalistes », s’efforçant de diviser le mouvement, noyant le véritable antagonisme de classe, prolétariat-bourgeoisie, dans d’innombrables strates sociologiques. Pour la lutte à Hong-Kong, les merdias locaux, mais aussi internationaux, ont sorti la carte d’une lutte « pro-démocratie », contre la « dictatoriale » Chine, laquelle a sauté sur l’occasion pour dénoncer « l’ingérence étrangère »… le scénario est bien rôdé.

Quant à l’ingérence étrangère, la Chine est aux premières loges qui, pour donner un exemple parmi mille, veut imposer le mandarin, alors que sur l’île c’est le cantonnais qui est parlé. On comprend et soutient cette résistance à la terreur, sauce pékinoise, du prolétariat à Hong-Kong. Tout le monde connaît la situation de millions d’Ouïghours, redressés et rééduqués dans des camps de concentration, dans le nord de la Chine… après les émeutes de 2009.

Dans la guerre de tous les capitaux entre eux, il est évident que l’affaiblissement de la Chine, pour cause de lutte de classes, va intéresser les autres puissances mondiales, USA en tête… championne de la démocratie !

La bourgeoisie régionale craint que la révolte à Hong-Kong ne se répercute à Macao et à Taïwan, voisins… voire même en Chine, où le mensonge médiatique est parfaitement orchestré. Le souvenir du massacre de Tian’anmen, en 1989, est entretenu à Hong-Kong… ce qui ne plaît pas à Pékin. Début septembre, le mouvement s’est étendu aux lycées et universités, redonnant un second souffle à la lutte.

Un mouvement de lutte est toujours l’expression locale d’une nécessité mondiale. En juin dernier, cette lutte à Hong-Kong s’est inscrite dans un contexte plus large de rejets de ce monde inhumain en Haïti, Géorgie, Albanie, Inde, Soudan, Algérie, etc., où, à des degrés divers, les prolétaires se sont organisés, ont manifesté leur ras-le-bol, ont tenté de résister. A partir de mi-août, tant à Hong-Kong qu’en France (Paris et Lyon), des marques de solidarité mutuelles ont été clairement affichées (banderoles, mots d’ordre, pancartes, etc.), marquant un pas internationaliste précieux.

Comme partout, la haine des policiers (et des bandes de nervis mafieux comme auxiliaires) est générale. A Hong-Kong, les bombages fleurissent : Fuck the police !, Honte à la police !, Il n’y a pas d’émeutiers violents, juste de la tyrannie !, A bas la terreur blanche !, etc. Il y a déjà trois morts et trois disparus, probablement assassinés par la police. De plus en plus de cas de tortures et viols sont commis dans les commissariats. Tout cela nourrit la détermination du mouvement. Les centaines de milliers de manifestants, tout en noir, font résonner sur les boulevards le slogan : Tous ensemble… révolution ! Comment ne pas mettre ces cris du cœur en relation avec ceux des Gilets jaunes en France, et plus généralement des prolétaires qui se soulèvent aux quatre coins de la planète ?

Partout, les contradictions sociales ne cessent de s’aiguiser. A quand l’essoufflement final du capital ? Face au mépris incommensurable des possédants, des terroristes au pouvoir, occulte ou public, la réponse que donne les combattants de Hong-Kong, de France, d’Algérie, d’Irak… de partout, est d’un grand réconfort : l’incendie social ne s’arrêtera pas !

Nous constatons un mouvement identique de résistance partout dans le monde. Hétérogénéité de conditions d’exploitation, identité d’actions ! Partout les misérables miettes que les différentes bourgeoisies sont contraintes de nous jeter à la gueule ne suffisent plus à calmer les enragés du monde entier.

Développons les liens entre nos différentes luttes, tirons nos leçons communes, renforçons-nous !

Pour que vive un monde sans argent, sans exploitation, sans État, sans capitalisme !

Début octobre 2019.