Réflexions critiques autour du pinkwashing
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Réflexions critiques autour du pinkwashing
La notion de pinkwashing en tant que critique spécifique d’Israël a suscité beaucoup de débats entre nous. J’ai donc eu envie de rendre visibles mes questionnements.
Le processus visant à résoudre le conflit israélo-palestinien est bloqué. Les négociations directes semblent loin. Dans cette situation confuse, les palestinien.nes sont à la recherche de stratégies alternatives. Les tentatives pour débloquer le processus de négociation comprennent la recherche d’une reconnaissance internationale par les Nations Unies, la résistance non-violente, le « boycott, désinvestissement, sanctions » (BDS). Le désinvestissement décrit la fermeture de toute coopération non seulement étatique mais aussi civile entre palestinien.es et israélien.nes, pour que ces projets n’existent pas en « trompe-l’oeil » tandis que l’occupation israélienne se poursuit. Dans le monde entier, la stratégie du BDS a trouvé des allié.es dans des groupes militants.
La campagne contre le pinkwashing fait partie de la stratégie BDS. Le gouvernement israélien y est accusé de faire de la pub au niveau international en s’appuyant sur l’image de la ville de Tel-Aviv pour montrer à quel point tout Israël serait gay friendly.
Effectivement, comme Sarah Shulman l’écrit dans le New York Times en novembre 2011, le ministère israélien des affaires étrangères mène, depuis plusieurs années, une campagne publicitaire internationale sur ce thème. Et bien sûr, le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, se foutent complètement des conditions de vie et du bien-être des personnes lesbiennes, gays et transgenres en Israël, comme dans l’ensemble du Moyen-Orient. Quand le maire de Tel-Aviv Ron Huldaï tient un discours lors d’une conférence internationale pour les jeunes LGBTQI et parle de « Israël, le ciel des homos », c’est ridicule – et rageant.
Mais celles et ceux qui dénoncent le pinkwashing ne le font pas seulement pour critiquer la transformation des causes gay et lesbienne en image de marque. Elles et ils ne s’arrêtent pas là, mais disent que le gouvernement israélien utiliserait cette stratégie de com’ pour se présenter comme la seule démocratie véritable au Moyen-Orient, pour se démarquer des palestinien.es et d’autres sociétés arabes qui seraient plus homophobes, dans le but de légitimer la politique d’occupation. Et c’est en cela que leur critique change de registre. Et sert des mécanismes de pensée redoutables : critiquer Israël non pas comme on pourrait critiquer n’importe quel autre pays capitaliste, mais le critiquer parce que c’est Israël. J’ai envie de questionner ce réflexe : en quoi, au juste, la stratégie de com’ du gouvernement israélien est-elle différente des campagnes de pub auxquelles se livrent tous les gouvernements de pays, régions et villes en quête de touristes ? Pourquoi soupçonne-t-on le seul État juif qui existe dans le monde de jouer un jeu autrement plus maléfique, plus caché que les autres États ? Pour le critiquer à tout prix ?
Je n’ai pas envie de taxer tout le monde d’antisémite, juste pour rendre impossible toute critique, toute réflexion. Et je n’oublie pas le fait que la notion de pinkwashing est née de personnes queers israéliennes et palestiniennes, qui luttent ensemble contre les politiques de l’État d’Israël. Refuser d’être instrumentalisé.e est important et je veux accorder du crédit à ces personnes, à leurs ressentis, à leurs choix stratégiques. Quand le gouvernement israélien fait de la pub sur le dos des minorités sexuelles, on doit le critiquer pour cette instrumentalisation à but capitaliste, vu que le tourisme – comme le tourisme gay – est une source de revenus importante. Mais moi qui suis éloignée, au moins géographiquement, je veux garder à l’esprit que celles et ceux qui accusent Israël de pinkwashing utilisent un outil de propagande, inscrit dans des stratégies de luttes, assorti à un contexte particulier. Et je ne suis pas sûre de partager cette mise en cause, si elle vise à délégitimer Israël. De la même manière que je veux mettre en question la division de ce monde en États-Nations, je considère qu’il est nécessaire de ne pas participer à boycotter, isoler et sanctionner cet État – en attendant mieux.
Un débat à poursuivre…
RENÉE GINGER
Le pinkwashing (« lavage en rose ») est une tentative de l’E?tat d’Israe?l de s’assurer le soutien de la communaute? LGBT internationale dans sa politique de domination des Palestiniens en mettant en avant sa tole?rance envers les homosexuel/les. Cet outil de propagande ultime d’un E?tat en de?sarroi a des effets nuisibles tant sur la socie?te? palestinienne que sur les homosexuel/les palestiniens et le mouvement queer international.
Redorer le blason d’Israel
En 2007, inquiet de sa re?putation d’E?tat colonial et impe?rialiste apre?s la re?pression de la seconde Intifada, Israe?l lance une campagne de re?habili- tation de son image, sur le mode?le du « marketing national » expe?rimente? aux E?tats-Unis apre?s les attentats du 11 septembre 2001. Avec l’aide de spe?cialistes ame?ricains, il met au point des ope?rations visant a? le pre?senter comme une enclave de?mocratique tole?rante avec les minorite?s sexuelles et un lieu d’asile pour les queers palestiniens « qui fuient la perse?cution du Hamas et de l’Autorite? palestinienne » (The Israel Project, 2008). En 2009 est publie?e une liste des « mots qui marchent » pour de?fendre la politique d’Israe?l en mettant l’accent sur son respect des droits des femmes.
En effet, il est primordial pour Israe?l de pallier le manque de soutien international a? sa politique d’occupation en de?cre?dibilisant les revendica- tions nationales des Palestiniens. La me?thode consiste a? susciter chez les personnes LGBT et leurs soutiens un courant de sympathie en sa faveur et d’empe?cher toute empathie pour les Palestiniens, du seul fait que ces derniers appartiennent au monde arabe e?tiquete? LGBT-phobe et archai?que sur le plan des mœurs.
Dans un premier temps, cet argumentaire a eu un re?el impact sur les mouvements gays occidentaux, dont beaucoup, notamment aux E?tats-Unis, se sont mis a? soutenir les politiques nationales contre le terrorisme. Quant aux gays israe?liens, ils ont exprime? leur de?sir d’inte?grer le projet national de l’E?tat d’Israe?l, initiant ainsi un fort courant « homonationaliste ».
PrATIQUES ET EffETS DU « PINKWASHING »
En 2010, pour s’attirer la sympathie des queers du monde entier, l’of ce de tourisme de Tel-Aviv investit massivement pour leur « vendre » la capitale d’Israe?l comme destination de vacances ide?ale ; les ambas- sades israe?liennes nancent des festivals de lms gays et lesbiens aux E?tats-Unis et en Europe, incitant les artistes israe?liens a? « promouvoir les inte?re?ts politiques de l’E?tat d’Israe?l et a? cre?er une image positive d’Israe?l. »
la fIn d’une IllusIon
Le pinkwashing masque les atteintes porte?es aux droits nationaux des Palestiniens et produit des effets dangereux pour la socie?te? palestinienne et plus particulie?rement pour les queers palestiniens.
Tout d’abord, la promotion d’un « paradis gay » est en de?calage avec les re?alite?s de l’accueil des minorite?s sexuelles en Israe?l ou?, en dehors de refuges comme Tel-Aviv, l’homophobie (notamment religieuse) persiste.
De plus, l’autoproclamation d’Israe?l comme asile pour les queers palestiniens est de plus en plus mensonge?re, en raison du refus d’Israe?l de leur accorder la protection internationale et des permis de se?jour lorsqu’ils s’estiment discrimine?s dans les territoires occupe?s.
En n, cette rhe?torique focalise l’attention sur les travers de la socie?te? palestinienne, en masquant le fait que celle-ci, en raison d’une occupation militaro-politique e?touffante et d’une colonisation qui progresse, ne peut se de?velopper normalement, en particulier sur le plan des mœurs, et qu’elle a d’autres priorite?s existentielles que la lutte contre l’homophobie.
Un danger pour les queers palestiniens
Le pinkwashing met en danger les queers palestiniens. En 2014, des re?servistes israe?liens ont re?ve?le? comment les services secrets violent le droit de chacun a? la vie prive?e : si un Palestinien pre?sente une orientation sexuelle atypique, trompe sa femme ou doit se faire soigner en Israe?l ou en Cisjordanie, il devient une cible de choix pour les services secrets qui peuvent le faire chanter pour en faire un informateur. Israe?l enseigne a? ses soldats comment exploiter les cas d’homosexualite? ou de bisexualite?. Les queers palestiniens, ainsi soumis a? l’arbitraire du pouvoir militaire, perdent leur autonomie et subissent l’exploitation socio-e?conomique et le racisme croissant de la socie?te? israe?lienne.
L’arme?e israe?lienne accorde sciemment sa protection de fac?on tre?s asyme?trique. Si la vie prive?e des citoyens israe?liens est relativement bien prote?ge?e, en revanche la notion de droits pour les Palestiniens n’existe pas. Quant a? l’Autorite? palestinienne, elle entretient ce syste?me en surveillant les homosexuels dans les territoires place?s sous sa responsabilite?.
« Nous pro tons de l’in uence que nous avons sur leur vie. Parfois, cela implique de vraiment leur faire du mal, physiquement ou mentalement. Si tu es homosexuel/le, Israe?l te pourrira la vie. »
(un soldat israe?lien) […]
https://cric-grenoble.info/analyses/article/pinkwashing-israelien-et-resistance-queer-en-palestine-288
“Mais celles et ceux qui dénoncent le pinkwashing ne le font pas seulement pour critiquer la transformation des causes gay et lesbienne en image de marque. Elles et ils ne s’arrêtent pas là, mais disent que le gouvernement israélien utiliserait cette stratégie de com’ pour se présenter comme la seule démocratie véritable au Moyen-Orient, pour se démarquer des palestinien.es et d’autres sociétés arabes qui seraient plus homophobes, dans le but de légitimer la politique d’occupation.”
C’EST EXACTEMENT DE ÇA QU’IL S’AGIT !
Des débats et boycotts des fractions nationalistes/religieuses sont éloignés de la charte d’indymedia Nantes
Pour qu’il y ait pinkwashing : autour d’Israël, existe une situation qui permet de faire des droits LGBT une différence.
Autrement dit c’est parce qu’autour d’Israël iels ne respectent pas les LGBT que l’avantage concurrentiel existe.
Tant pis pour les autres.
L’interview réalisée par Thomas Cantaloube pour Médiapart à propos de mon livre enquête, Mirage gay à Tel Aviv (éditions Libertalia) : Sur une stratégie marketing et politique orchestrée par l’État israélien – le pinkwashing – qui consiste à camoufler la guerre, l’occupation, le conservatisme religieux et l’homophobie derrière le paravent sea, sex and fun d’une plaisante cité balnéaire, Tel Aviv.
https://www.mediapart.fr/journal/international/100617/jean-stern-decrypte-le-marketing-gay-disrael?onglet=full