Le « football populaire », maladie infantile du communisme libertaire
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Thèmes : À mort le sportAnticon
Le « football populaire », maladie infantile du communisme libertaire
Comme à chaque fois à l’approche d’une future coupe du monde, voilà qu’on nous refait le coup du football populaire. A travers un joli petit récit, on nous conte l’histoire d’un football rebel et underground qui relèverait d’une sous-culture si chère aux culturals studies importées d’outre-atlantique. Et ce football du peuple n’aurait strictement rien à voir avec celui de la FIFA et du tsar de Russie.
Depuis quelques années, une sorte de passion sportive de gôche et branchée prétend qu’on peut sauver le soldat « football ». Et dernièrement ce sont des supporters décomplexés qui écrivent maintenant des livres pour parer leur passion de grandes vertus révolutionnaires. Ils prétendent aller au-delà des clichés sur les supporters et leur crétinisme mais n’en font qu’en répéter un autre : celui de la confiscation du football par la bourgeoisie qui nécessite une réappropriation populaire. En France comme en Italie, là où en Europe les partis staliniens étaient forts, on connaît bien cette rhétorique stalinienne. Le sport rouge doit arracher le football à sa domination bourgeoise.
A écouter et lire ces incroyables niaiseries sportives, c’est à croire que ces supporters dans le vent ne savent pas ce qui se passe sur les terrains de campagne du dimanche, et dans les cours d’école où le virilisme concurrence durement la tricherie, le chauvinisme et la violence. Mais non. Ils le savent. Ils justifient plutôt tout cela en disant qu’il s’agit de valeurs qui ne sont pas celles de la bourgeoisie : ils décident que ce sont des valeurs propres au peuple et appellent cela « éthique de la rivalité, de la confrontation ».
Sans doute leur croyance leur vient-elle d’une nostalgie pour leurs émotions juvéniles lorsqu’ils pratiquaient le football. En tout cas, à l’image des sociologues postmodernes, qui ne les ont pas attendus pour débiter cette prose relativiste avec des arguments autrement plus sophistiqués, ils reconnaissent facilement les aspects peu reluisants du football mais, cela étant tellement banal, ils ne veulent pas plus en parler. Ce qui les intéressent par contre – avec leur polo Fred Perry et leurs Addidas « spécial » ou « Samba » – c’est de mettre en spectacle leur passion et leur rôle de supporter dans cette société.
Misère du football… Ces supporters qui écrivent préfèrent conforter une situation qui a besoin d’illusions plutôt que d’exiger que la situation renonce aux illusions du football populaire. Et gageons que ces idéologues du football ne rateront pas un match de la FIFA-Poutine à la télé, ingurgitant son flot décérébrant d’insanités publicitaires et politiques (la loi du plus fort), ou bien piétineront avec le troupeau vers l’écran géant sur une place ou dans un café bondé pour beugler comme tout le monde. Au fond de leur cœur, ils ne peuvent empêcher la petite fibre nationale de vibrer quand l’équipe de France joue.
Et oui, il n’y a pas deux football : le bon (le foot-populaire) qu’on pourrait dissocier du mauvais (le foot-business). Il n’y a qu’un seul football qui comprend en son sein des petites différences plus ou moins transgressives qu’on pourra bien appeler subversives. Mais il ne faut pas se raconter d’histoire : ce qui fait vibrer les supporters, c’est la victoire de leur équipe contre celle de l’autre. Le football n’a rien de dialectique sur ce plan : c’est soit l’un, soit l’autre, jamais les deux dans une unité contradictoire. « Entre les deux il n’y a rien ». Le football est une tragédie de pacotille qui agrège et aligne les consciences. Le subterfuge idéologique du football populaire consiste à ne jamais parler du football réellement existant : celui de la compétition avec ses équipes constituées, ses règlements, ses vedettes, ses légendes. En effet, de quel football nous parle-t-on ? Le football qui compte n’est pas celui d’un club amateur de banlieue avec des supporters de gôche (pas de propos homophobes ou racistes ?). C’est celui des stades, des compétitions retransmises par les télévisions à des centaines de millions de téléspectateurs. Le vrai football est là. Dans cette société, il a une fonction politique réactionnaire.
Le football doit être concrètement analysé et dénoncé. C’est-à-dire tout à l’opposé d’une opération consistant à le repeindre en rose pour se donner bonne conscience. Par exemple se représenter le football comme double et valoriser dans son intérêt narcissique, une part rebelle imaginaire. La supercherie consiste ainsi à vouloir jouer avec une telle représentation, le rôle de chercheur participant alors qu’on évacue le réel au profit du rêve. Avec l’inversion (le football, lieu essentiel d’émancipation ?) et la dissociation (foot-business vs foot-populaire), on a là les mécanismes fondamentaux de l’idéologie sportive. CQFD.
Des chats noirs,
Montreuil, mai 2018.
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La Mystification du football
Le football est devenu une mode dans la classe moyenne. Les sectateurs d’un football alternatif sont toutefois pris entre la critique du spectacle des grandes compétitions mondialisées et le refus de l’analyse de classe qui considère le football comme une pratique loin d’être neutre politiquement.
C’est pour faire surgir cette contradiction que le Grouchos a entrepris une visite dans une librairie qui invitait un supporter [1]. Nous sommes intervenus (sans y être invitées) avec un dispositif hostile : non seulement il nous était étranger mais l’accueil fut loin d’être chaleureux lorsque nous commençâmes à distribuer notre tract. La libraire nous reprochant une démarche inconvenante : il aurait fallu que nous montrions d’abord patte blanche pour avoir une autorisation. Elle craignait sans doute des incidents. Ah mais ! on prétend donc faire l’éloge du football sans supposer que ce dernier puisse être une cible politique ? Autrement dit : en croyant qu’on peut échapper à la critique ad hominem ?
Les craintes de la libraire peuvent toutefois se comprendre : des abrutis venimeux prétendant lutter contre des pré-jugés (et autres privilèges) ont déjà détruit la possibilité d’un débat dans un local libertaire de Marseille. C’était il y a plus d’une année. La destruction n’était pas seulement symbolique. Ce n’était pas une intervention : aucun effet analytique n’était recherché. C’était le ressentiment qui s’exprimait.
De notre côté, il s’agissait de porter la contradiction, notamment à l’aide d’un tract (voir ci-dessous). C’est ce que nous avons d’ailleurs dit à l’auteur lui-même en allant à sa rencontre avant même le début de sa prise de parole. Nous avons joué franc-jeu. Ce serait quand même un comble pour cette librairie d’interdire la possibilité d’une contradiction en acte alors même que le supporter (qui a écrit un livre) en appelle au plaisir du jeu, à l’éthique de la confrontation et de la rivalité. Nous voulions qu’ Homo ludens ait voix au chapitre tout de même. Sauf que, de notre point de vue le football n’est pas un jeu. Certes, dans le football comme dans le travail, il peut y avoir du plaisir mais cela ne suffit pas pour en faire un « creuset d’émancipation ».
La présentation du bouquin du supporter fasciné par la « culture » ultra fut interminable. Elle fut précédée d’un film sur des supporters italiens, sensé nous montrer cette culture, sa richesse et sa portée. En fait, des clichés sur le moment foot de la vie de ces gens quand les croyances dans le Parti (le syndicat) et l’Église ont désormais disparu et que le chômage altère la vie sociale. On se tient chaud entre gens de peu à travers une croyance de substitution. Pourquoi en faire tout un plat ?
Non mais parce que le plat se doit d’être révolutionnaire. On écrit un livre à la découverte tout de même. Et allons-y ! Ce moment foot ? On y voit de la résistance propre à une soit disant sub-culture. Histoire de singer les sociologues tendance cultural studies (from Great Britain and United-States of America) qui eux savaient révéler des contradictions sociales qui appelaient leur dépassement dans le cadre de leur société. Aucun « dépassement du football » n’est possible à partir du football lui-même. On s’mouche pas avec le coude chez les aficionados classe-moyenne du football. Et vas-y que j’te ! même l’autonomie, l’autogestion y passent… L’idéologie de la baston est portée au pinacle avec la mise en scène (dans le film et à l’oral) de l’obstacle que constitue l’appareil répressif de l’État pour le développement de cette belle culture.
Tout le raisonnement (faux) de ce genre de prose éditée [2], semble promis à un bel avenir. Il s’agit seulement, de toute façon, de donner une autre image des supporters les plus révoltés que celle qu’en donne les médias. Et là aussi, sans bien digérer l’approche cultural studies, de raisonner en appliquant abstraitement des catégories identitaires et victimaires à une pratique sociale où l’on pense trouver une originalité subversive. Par conséquent, notre intervention a consisté à rappeler que le football est sans doute une pratique mais une pratique qui s’inscrit avant tout dans le cadre de la domination propre à cette société. Une pratique qui est déterminée institutionnellement. Pourquoi en Inde, par exemple, l’adhésion populaire se fait massivement sur le cricket plutôt que sur le football ?
L’adhésion (l’engouement) étant prise comme critère de vérité par notre supporter, nous avons interrogé ironiquement le choix fait de présenter le football plutôt que le Mac-do (ou le loto, par exemple), puisque dans ce cas aussi, le peuple aime et se passionne. Dans le but de faire connaître une histoire populaire du Mac-Do (une histoire par en bas, bien loin des images d’Épinal sur l’obésité ou le capitalisme), on mettrait ainsi en parallèle de manière bricolée, l’histoire sociale de l’Italie avec l’implantation, le développement et l’usage populaire de ce lieu ainsi que les moments de résistance (occupations), pendant qu’on y est.
De même — connerie de plus — il y a des supportrices désormais et oui ! elles prennent leur part dans le hooliganisme et cela rompt avec les normes de genre instituées. Un camarade que nous ne connaissions pas, interrompt pour dire : « et lorsque les femmes se sont mises à fumer : cela les a libérées, sans doute ? ». Interroger le choix de ce supporter-scribe (et de la librairie !) et dénoncer la fascination pour un foot complètement faussé, voilà l’opération que nous avons tentée.
La condescendance et le mépris de classe ne viennent pas de la critique de la massification produite par le football mais plutôt dans ces propos qui assignent la frange la plus rebelle du peuple à de vulgaires hooligans ; mais plutôt en inversant l’ordre de la domination sociale et politique où l’on fait de la « culture ultra » une manifestation du prolétariat. Falsification !
Enfin, nous tenons à décerner une mention spéciale au cris du cœur de l’auteur qu’on a bien aimé : mais pourquoi donc rejeter cette force que représente les supporters les plus violents alors qu’on pourrait faire une belle convergence des luttes avec eux ? Tout ce qui vient du peuple (et pas des zélites) est bien et beau, tout ce qui n’en vient pas est à rejeter : belle petite logique anti-dialectique. Dans le football qui témoigne de ce monde à l’envers, le beau n’est qu’un moment du laid.
Et hop ! Tout ça à la poubelle !
[1]? A la librairie « Michèle Firk », Mickaël Correia — qui se dit journaliste « indépendant » — présentait son Une Histoire populaire du football. Autant ce type d’histoire a tout son intérêt chez quelqu’un comme Howard Zinn pour dissoudre les représentations sociales officielles sur les États-Unis, autant ici le régime critique du propos est totalement absent.
[2]? Un avatar de Correia s’est dernièrement manifesté à travers un livre : Ultras, les autres protagonistes du football. Les zultras sont au contraires les mêmes protagonistes passionnés que le patron d’une PME abonné aux matches de son équipe fétiche ou qu’un dirigeant, haut placé dans l’organigramme de l’organisation-football : ce sont tous des sectateurs du football. Tous sont sous l’emprise d’une passion sans raison.
https://www.grouchos.org/180601siffl31.html
« Coupe du Monde 2018 : la joie et la rage mêlées sur les Champs-Élysées »
https://paris-luttes.info/coupe-du-monde-2018-la-joie-et-la-10616
Que de haine gratuite pour des gens qui conspuent la violence que véhicule le football !
J’ai lu le livre sans être à la base une passionnée de football.
Déjà c’est une histoire populaire du foot et non pas une histoire du football populaire. Il ne mythifie rien du tout, mais montre comment le foot a toujours été utilisé par le peuple lorsqu’il se rebellait contre le pouvoir.
Vous auriez fait l’effort de le lire et vous vous seriez rendu compte que le journaliste a une critique beaucoup plus radicale et pertinente du football marchand que la vôtre…
Si on suit votre façon de pensée tout en finesse, le syndicalisme est une chimère puisqu’il se passe dans l’entreprise, un des « cadres de la domination propre à cette société » :p
Le foot ,je connais pas mais on peut imaginer qu’à une époque il fut populaire ….
Ce que je sais c’est que dans les années 70 des aventuriers partaient sur les mers à la voile parfois en course .Les bateaux disparaissaient derrière l’horizon et réapparaissaient plus loin et parfois pas …
Les gamines et gamins partaient en classe de mer .Les bateaux étaient simples et peu couteux
Et puis est arrivé le sponsoring c’est à dire le capitalisme et là tout a changé . Débauche d’argent, indécence,arrogance …
La voile populaire des années 70 a disparue petit à petit .Maintenant je refuserais de servir dans une école de voile inféodée à Orange et à la Banque « Populaire »puisque les bateaux et les enfants portent les couleurs du capitalisme alors qu’en 90 il n’y avait que les logos de la fédé .
Le monde qui va avec l’aéroport est omni présent et personnellement je me sens cerné
et plus de voile,plus de course a pied,plus de basket,bref plus rien de physique .
reste que le théatre ,la danse,la peinture,bref l’art est tout aussi corrompu et élitiste et gangréné par le fric,la pub,l’arrivisme etc … alors que reste il à faire ?
domino au bar du coin ?
Vous avez remarqué qu’on peut remplacer le mot foot par le mot boum et ça marche quand même?
Franchement, étaler de la merde sur papier comme ça, ça a un impact écologique désolant mais ça me permet de me mettre à l’écriture en toute confiance. Ma maîtresse va être contente.