Un des responsable milanais d’Autonomie ouvrière, Oreste Scalzone, un petit homme au regard doux, atteint d’une insupportable logomanie, voulut calmer les adolescent : “Camarades, dit-il en substance, nous avons remporté une importante victoire politique en manifestant devant la prison, malgré l’interdiction de la police. Ça suffit, maintenant, on rentre.”
De toutes parts, des cris fusèrent.
Les policiers regardèrent effrayés, ces centaines de jeunes masqués qui étaient en train de se disputer comme des chiffoniers. Ils saisirent des bribes de phrases au vol.
“Non, on attaque…” “Y en a marre des manifestations pacifiques…” “On s’est déjà assez ennuyés comme ça au cortège du 1er mai…”
Mais aussi :
“Du calme… on y arrivera plus tard… un autre jour… frapper plus fort.”
Marco Barbone comprit qu’il n’y avait rien à faire. Oreste Scalzone avait réussi à rassembler un maigre service d’ordre qui contint la manifestation et repoussa les plus nerveux d’entre les autonomes.

Autonomia in movimento

 

Negri, Piperno, Scalzone, etc., seraient, selon les juges et les journalistes, les chefs de la révolution italienne, ses « cerveaux » et ses stratèges. Je les ai ici défendus en tant qu’innocents, mais je ne songerais pas un instant à les défendre en tant que révolutionnaires, parce qu’ils ne sont ni coupables ni révolutionnaires : en réalité, tous ces leaders Autonomes ne sont rien d’autre que de naïfs politicards, imprudents et malchanceux, même en tant que politicards – on n’a jamais vu des révolutionnaires aller dîner avec des magistrats, comme faisait Negri, ou s’entretenir à table avec un ex-ministre, du genre de Mancini, comme le faisait Piperno -, et ils ne le sont pas aussi pour mille autres faisons si évidentes qu’il est inutile de les rappeler. La révolution italienne suit bien d’autres voies et bien d’autres idées, et se passe volontiers de tels leaders, de tels cerveaux et stratèges.

Gianfranco Sanguinetti

 

Durant cette période, Negri publie plusieurs livres et se découvre des affinités avec les intellectuels post-structuralistes français, avec lesquels il partage par exemple la négation de l’autonomie individuelle. Parmi ses interventions de ces années-là, rappelons son adhésion à la demande d’une amnistie qui décrète la fin des luttes des années 1970, sa sympathie pour le nouveau parti de la Lega (parti raciste, défenseur des intérêts des petits et moyens entrepreneurs, né en Vénétie, ce qui n’est pas un hasard), sa réconciliation publique avec l’ex-ministre de l’Intérieur Cossiga, principal responsable de la répression du mouvement à la fin des années 1970.

Antonio Negri, portrait craché