Nantes, 8 février : « penser printemps », les étudiants bloquent la fac et occupent le rectorat
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Catégorie : Local
Thèmes : Luttes étudiantes/lycéennesMouvementResistances
Lieux : Nantes
Vers 14H, les étudiant-e-s en lutte partent de la fac en manifestation. Encore une fois, le dispositif policier est délirant, avec plus d’un policier par manifestant et un hélicoptère. Puisque la préfecture interdit tout accès au centre-ville, il s’agit d’aller rencontrer les lycéens des quartiers nord. A Arago et Monges, la foule grossit, et ceux qui ne peuvent se joindre au défilé songent à être de la partie mercredi prochain.
Dans les rues désertes du nord de la ville, le cortège compte plus de 700 personnes, avançant d’un pas rapide vers le périphérique. Mais la manifestation est bloquée par un énorme dispositif de CRS, qui envoie des salves de grenades lacrymogènes sans sommation. Retour en sens inverse, en renversant poubelles et mobilier urbain sur la route, talonnés par la police. Le défilé emprunte un sentier serpentant le long du cours d’eau du Cens. Des passants et des habitants sourient, surpris de voir passer plusieurs centaines de jeunes dans ce petit coin de verdure dans la ville. Arrivés au niveau des facs, les manifestants reprennent la direction du centre-ville, et sont à nouveau bloqués à Michelet, par des policiers exhibant pour certains des fusils d’assaut.
Nouvelle volte-face. Le cortège se dirige rapidement vers le rectorat. Le dispositif policier est tellement massif qu’il est lent à déplacer. Le cortège pénètre donc dans le parc du recteur, qui avait été sévèrement protégé quelques jours plus tôt. Devant le rectorat, les drapeaux sont décrochés et brûlés, et la façade est copieusement taguée. Tout un symbole : en février 1968, les étudiants nantais avaient pris le rectorat, et posé les prémisses du mouvement de mai. Alors que la police s’apprête à encercler le parc, le cortège s’engouffre déjà vers la sortie pour rejoindre la fac, épuisé par cette longue promenade.
La jeunesse relève la tête. Cette après-midi pleine d’énergie a des allures printanières. Elle rappelle un peu les premières manifestations du début du mouvement contre la Loi Travail. Et plus si affinité ?
A suivre !
“Une jeunesse non-sélectionnée et en marge – du centre-ville-”
Ce jeudi, à Rennes, Poitiers, Panam, Bordeaux, Toulouse… Un peu partout en France, dans les universités ça s’organise, lentement mais sûrement contre le sélection et son monde.
A Nantes et dans d’autres facultés, des blocages sont amorcés.
Dès 6h du matin, c’est plus de 100 personnes qui, bravant le froid, se retrouvent et s’activent. Deux fois plus que pendant la Loi Travail. Des groupes s’organisent, des barricades (une vingtaine) fleurissent partout : les bâtiments de socio, FLCE, l’IGARUN (institut de géographie), Tertre, Censive, l’ESPE sont recouverts d’un amas de matériel de chantier, de grilles, de palettes,… Il y aura même un sapin qu’on nommera Michel qui se joint à la partie ! Une euphorie des barricades ? S’ensuivent des discussions sur la sélection à l’université et son monde entre étudiant.e.s, prof… autour de café, jus de fruits, gâteaux et crêpes.
Vers 9H, une petite foule s’amasse au niveau du pôle étudiant et décide de réquisitionner un amphi en droit pour y tenir une Assemblée Générale. Quelques professeurs, des personnels de l’université, curieux regardent de loin, et suivent. C’est plus de 400 personnes qui se retrouvent dans l’amphi, bondé. Notons la présence importante de nouvelles personnes qui ont pu, par ce blocage, prendre acte de la dangerosité des réformes en cours et au delà, percevoir l’énergie et la beauté de l’action collective.
Une AG où la détermination et la bienveillance, l’euphorie, le rire et le concret se mêlaient. Une étudiante : “Je ne prend jamais la parole et c’est la première fois que je fais une manif, et ben ça fait du bien de voir de la solidarité putain!” [tonnerre d’applaudissement], un autre étudiant, en master de droit : “il est important de s’informer autrement, notamment par ce que j’appelle la contre-culture, comme Nantes Révoltée ou Lundi Matin”. Des prises de paroles rappellent les spécificités du plan étudiants ou de la réforme du lycée et dans le même temps c’est une vision de l’avenir Macroniste qui est refusée.
L’AG décide de plusieurs choses :
– Une grosse journée de mobilisation est actée pour le 14 février, blocus de la faculté (rdv 6h !!), puis aide aux lycéen.ne.s qui bloqueront leurs lycées (BIG-UP) pour ensuite se donner rendez-vous directement dans le centre-ville, 11H Bouffay, pour une manifestation !
– Un départ en manif est voulu par tout le monde, des soutiens aux gréviste et aux lycéen.ne.s en vue des prochaines journées de mobilisations sont également évoqués. L’importance de la lutte des exilé.e.s et notamment de l’occupation du Château et du sous-sol de Censive sont prises en compte. En bref, une nécessité de la convergence des luttes face à la sélection et son monde.
Des groupes s’organisent pour tenir les barricades du matin, puis dès que la présidence informe que les bâtiments sont fermés pour la journée, un cortège part en manifestation vers les lycées Arago et Monge : destination périph’ ! Il est décidé de ne pas partir en ville quand on apprends qu’une présence massive de CRS, CDI, Gendarmes Mobile, bloque l’accès à Michelet, camion à eau sorti. Énorme dispositif, étouffant et disproportionné.
Dans la droite lignée du pouvoir jupitérien, la préfète étouffe toute possibilité de contestation. Le centre ville est clairement interdit, la police surarmée. La manifestation passe dans les quartiers nord de Nantes, les Bourgeonnières, les cités U, passe devant Arago et Monge. Le cortège s’engouffre dans la cours du lycée. Une masse de lycéen.ne.s, bloqués dans leurs salles de cours, nous regardent avec envie mais l’administration en a décidé autrement et ferme toutes les portes. Aucune possibilité de faire des interventions ou prises de paroles. De facétieux tags “Blocus le 14/02” apparaissent sur les murs des lycées.
Suivit par un hélico, “un hélico ça coute plus chère qu’une bourse universitaire !”, le cortège, qui gonflera jusqu’à atteindre 724 manifestant.e.s, arrive bientôt au niveau du Cardo. Un nouveau dispositif hallucinant se dresse face aux étudiants. Bien sûr, la manif est gazée sans sommation, des palets lacrymogène tombent au milieu d’une station service. Qui est dangereux ? La police charge à plusieurs reprises, la BAC poursuit des étudiants qui s’enfuient en escaladant des grillages, le dispositif repousse le cortège jusqu’au pont du Cens. Pourtant, malgré la lourde répression, les étudiant.e.s sont déterminé.e.s à manifester et à rester ensemble, et on s’engouffre dans la forêt. Balade forestière, discussions, chants, viennent décorer une atmosphère étrange, dans une ville où les étudiant.e.s sont obligés de manifester cachés, loin de tout.
Retour à Petit-Port ! Malgré plusieurs kilomètres parcourus (on peut voir des étudiantes en chaussettes, chaussures à la main), comme un air de printemps 2016, personne ne veut partir et la manifestation reprend, direction le lycée Michelet. On retrouve nos amis les policiers. Un dispositif lourd. Camion à eau, CRS, BAC, CDI, et même la BRI (Brigade de Recherche et d’Intervention) qui zyeute à la jumelle, prend des photos, la DGSI (renseignement généraux, sorte de police politique, de police de surveillance). On peut même voir maintenant, en 2018 des flics porter fièrement une arme de guerre face à des manifestants. Un communiqué du personnel de l’université protestera le lendemain contre la répression que subissent les manifestations nantaises depuis la semaine dernière ( https://nantes.indymedia.org/articles/40060 ).
Après un temps de latence tout le monde part à l’assaut du rectorat au cri “mai 68, mai 2018”, le dispositif est tellement lourd qu’il est pris de court. Le portail s’ouvre magiquement et un sentiment de joie collective réveil d’un coup la foule de manifestant qui envahit les pelouses du rectorat. L’intérieur panique un peu et l’entrée du bâtiment est tuné. Les drapeaux français et européens sont brûlés. Rappelons que le recteur de Nantes, ni la présidence ne se sont encore positionnés sur la loi Vidal. Nous leur demandons de le faire le plus vite possible.
Par anticipation d’une intervention policière, il est décidé de retourner à la fac, où c’est une assemblée fatiguée mais soudée qui débriefera la journée. On est partis ensemble, on est rentrés ensemble !
Nous appelons toutes les personnes qui ont participé à cette journée à rejoindre l’AG de mardi prochain 12H (rdv Hall Censive pour l’instant), à parler autour d’elles de la nécessité de se mobiliser contre la loi Vidal, à participer aux prochaines actions, le 14 février et après, de la diffusion de tracts aux retrouvailles émues avec Michel le Sapin !