Zad will survive
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Catégorie : Local
Thèmes : CmdoD281ResistancesZad
Lieux : Notre-Dame-des-LandesZAD
…au bord de la route
Pourtant, il n’est pas simple de gagner. D’autant que dans une volonté de revanche quasi unanime, journalistes, élus et entrepreneurs s’accordaient à dire que si l’État devait abandonner ce projet d’aéroport, il fallait au moins que cela permette dans la foulée de se débarrasser des « zadistes ». Il s’agissait alors d’appuyer sur ce qui aurait pu enfin isoler les occupants illégaux de leurs voisins, de leurs camarades paysans, naturalistes et syndicalistes. Ainsi, la Préfecture nous a-t-elle enjoints de démonter tout ce qui obstruait la D281, sous peine d’une intervention policière immédiate dont le périmètre demeurait délibérément flou. Les gardes mobiles étaient stationnés dans les environs, contrôlant les véhicules dans les bourgs jouxtant la zad. Cette injonction avait des accents pour le moins cocasses, puisque c’est la même Préfecture, en 2013, qui avait fermé cet axe, rouvert immédiatement par le mouvement. Mais cette route n’est pas simplement un axe, c’est un symbole. Chargé de notre histoire avec ses fameuses chicanes à la fois poétiques et chaotiques, ses dessins meulés dans le goudron, ses ronces qui regagnent sur le bitume, ses usages improbables… et les désaccords qu’elle engendrait cycliquement entre nous. Car si elle était ouverte à la circulation, elle n’était pas toujours facile à emprunter, notamment pour les paysans qui peinaient parfois à y faire passer leurs machines agricoles. Elle générait également angoisses et rancœurs de la part de nombre de nos voisins, du fait de comportements parfois hostiles de certains barricadiers, et beaucoup se sont résignés à ne plus l’emprunter. Une fois l’abandon prononcé, il devenait impossible de continuer à défendre avec force les chicanes de la route alors que les villageois se prononçaient pour son ouverture totale et qu’une partie très importante du mouvement estimait ce geste nécessaire afin d’être en position de maintenir une lutte pour l’avenir de la zad. L’État a donc tenté de jouer sur ce point de discorde pour ne pas totalement perdre la face. Nous étions alors nombreux à nous dire que si nous ne rouvrions pas la route, l’intervention promise était fort probable. Elle aurait offert au gouvernement le récit dont il rêvait : les fameux « 50 radicaux » dont la presse faisait ses choux gras, à côté des barricades, coupés du reste du mouvement qui refusait de s’engager à ce sujet. Cela aurait pu ensuite servir de tremplin à des arrestations ou à l’expulsion de certains habitats. Dans les jours qui ont suivi l’abandon, le déblayage de la D281 est devenu le point nodal autour duquel se jouerait l’éclatement définitif du mouvement ou la possibilité de le voir croître et perdurer au-delà du 17 janvier. Devait-on prendre le risque de tout perdre – l’expérience de la zad, une défense unie des lieux occupés, un avenir commun avec les autres composantes – pour un symbole ? Nous avons en assemblée décidé que non, sans possibilité pour cette fois de parvenir à un consensus. Certains ont très mal pris cette résolution, et il a fallu de longues discussions, tournant souvent à la franche engueulade, pour finalement démonter les deux cabanes construites sur la route. L’une d’elles est en reconstruction dans un champ bordant la D281. Mais les tensions autour de la route et des travaux de réfection subsistent.
Il importe pourtant pour l’avenir immédiat que ce démontage ait été l’occasion de renouveler une promesse solennelle prononcée par toutes les composantes : si nous étions à nouveau en danger imminent d’expulsion, tous s’engagent à venir rebarricader les routes qui mènent à la zad. Et cela aussi souvent que nécessaire. C’est ainsi que le mouvement répond par le haut à la fois à ses dissensus internes et au pouvoir, pour qui la D281 peut servir à son tour de symbole pour énoncer un « retour à l’ordre ». Symbole factice car la zone est toujours occupée, mais leurre suffisant pour que l’État accepte l’ouverture de négociations sur l’avenir des lieux. En ce qui nous concerne, nous retenons de cet épisode difficile une démonstration supplémentaire de la volonté de ceux qui ne sont pas occupants de s’engager pour continuer avec nous après l’abandon. Ce n’était pas une évidence à l’heure où l’objectif initial de certains avait été atteint. Ce l’est d’autant moins quand les relations humaines se crispent durement. Mais la continuité de la présence de ces camarades marque, plus que jamais, le désir de futur commun. Ce désir autrefois improbable a pris corps au cours des années de danger et de défis partagés, de chantiers et de fêtes. Autant d’expériences sensibles qui ont bouleversé les prêts-à-penser politiques et les frontières de chaque composante. Autant de refus de se résigner à un simple retour à la normale. Cependant, il ne faut pas considérer ce désir de continuer au-delà de l’aéroport comme un acquis, mais comme un équilibre fragile dont nous devons prendre soin, car c’est lui qui alimentera maintenant la lutte.
Foncier droit devant nous
Bien que nous ne soyons pas habitués à vaincre, nous ne sommes pas pris de court par la victoire contre l’aéroport. Nous avions eu il y a des années déjà une intuition fondamentale : une victoire, cela se construit. Ainsi, bien qu’elle ait constitué une forme de rupture, ce qu’elle met en branle avait été réfléchi par le mouvement dès l’issue de l’opération César. Nous n’avons pas à inventer dans l’urgence ce que nous voulons arracher, le texte des « six points pour l’avenir de la zad » l’avait énoncé dès 2015. C’était un glissement fondamental : d’une lutte contre un projet, nous passions lentement à une lutte pour pérenniser et amplifier ce que nous avions édifié sur ce territoire au travers du combat. Et depuis le 17 janvier, c’est l’horizon commun que nous partageons.
Pour y parvenir, nous pouvons désormais nous appuyer sur la légitimité que nous venons d’acquérir : il a été admis que nous avions raison. De nombreuses conséquences en découlent. Par exemple, la défense inconditionnelle de l’amnistie pour tous les inculpés du mouvement anti-aéroport. Mais aussi et surtout un principe simple : celles et ceux qui ont permis que ce territoire ne soit pas détruit sont les plus à même de le prendre en charge.
La fin de la Déclaration d’Utilité Publique le 9 février bouleverse le statut des terres de la zad. Sur les 1650 hectares de l’emprise aéroportuaire, 450 sont cultivés de longue date par les paysannes et paysans résistants qui entendent bien retrouver leurs droits. 270 ont été arrachés à la gestion de la Chambre d’agriculture par le mouvement pour y mener des expériences agricoles collectives. Et 530 hectares de terres sont toujours redistribués temporairement aux agriculteurs qui ont signé un accord amiable avec Vinci. À ce titre, ceux-ci avaient touché des compensations financières et obtenu pour certains des parcelles en dehors de la zone. Pourtant, ils continuent à exploiter et à percevoir la PAC sur ces terres qu’ils ont cédées à Vinci, touchant ainsi le beurre et l’argent du beurre. Les plus avides pourraient dorénavant revendiquer la priorité sur de futurs baux et profiter des terres sauvées de haute lutte par le mouvement pour agrandir leur exploitation. Par ailleurs, les anciens propriétaires en lutte qui ont refusé tout accord avec Vinci pourront retrouver leurs biens expropriés et choisir de leur redonner un usage classique, ou plus collectif en les faisant entrer dans une entité foncière commune. La bataille pour les terres se place donc au cœur de la lutte pour les mois voire les années à venir.
Le défi qui se pose maintenant au mouvement de manière brûlante tient à la possibilité d’une gestion collective sur la surface la plus importante possible et de prévenir un risque d’éclatement. Car si la surface de la zad se trouvait par trop morcelée, la conséquence pourrait être la fin progressive de la force commune qui bouillonne ici, pour faire place à une somme éparpillée d’individus ou de groupes poursuivant chacun des objectifs propres. On imagine que les plus isolés pourraient être expulsés, et que d’autres seraient acculés à rentrer petit à petit dans les cadres économiques que la zad a si bien su faire exploser jusqu’ici. Une portion importante des terres pourrait repartir à des formes d’agriculture productivistes et peu soucieuses de l’adéquation qui s’est trouvée ici entre les activités humaines et le soin du bocage. Et ce sont bien sûr les institutions agricoles classiques qui les reprendraient en main. C’est pourquoi dès ce printemps nous devrons continuer à occuper de nouveaux terrains et à y installer des projets à même de rabattre la convoitise des « cumulards » et l’arrogance des gouvernants qui menacent d’expulser des lieux de vie dès le 1er avril.
C’est pourquoi nous avons également l’ambition de faire entrer les terres de la zad dans une entité issue du mouvement de lutte. La décision consistant à lui donner une forme légale est l’aboutissement de discussions entre les composantes et l’assemblée. C’était le choix que nous pouvions assumer tous ensemble, en conciliant les objectifs des uns et des autres, et donc en maintenant un rapport de force dans le futur. Cette entité viserait à englober le fourmillement de la zad pour en maintenir la richesse, véritable manteau sous lequel les marges d’invention et de liberté pourraient continuer à se développer. Elle ne serait qu’une forme, la plus cohérente possible bien sûr avec nos désirs. L’essentiel résidera encore et toujours dans la manière dont on habite à la fois cette forme et ce territoire.
Ce choix de se diriger vers une assise légale a été pour beaucoup ici contre-intuitif, remuant au plus profond les prérequis politiques d’une bonne partie des occupants. Il nous a obligés à nous demander sérieusement ce à quoi on tenait. À nous demander ce qui permettrait encore à l’avenir d’assurer la pérennité de toutes les activités et de tous les lieux de vie. Nous sommes certains que ces questions complexes ne se résolvent pas par des diatribes défiantes sur la trahison supposée des uns ou des autres et par un fatalisme radical sur des lendemains aseptisés. Nous ne pouvons nous satisfaire des prophéties auto-réalisatrices qui prédisent que les expériences de commune libre finissent à tout coup écrasées ou réintégrées. Nous pensons au contraire qu’il s’agit, dans ce moment de basculement, de discerner ce qui permettra au mieux une fidélité aux promesses que l’on s’est faites pas à pas sur l’avenir. Le pari en cours est loin d’être encore gagné. Il nécessite une confiance inouïe entre nous, entre les composantes, les personnes. Confiance dans nos buts, dans nos pratiques, et dans le respect que chacun leur porte. Une telle confiance est un fait rare de nos jours. Nous sommes bien conscients du fait que toute légalisation comprend bien évidemment des risques de normalisation. Mais ce que l’on envisage prend plutôt le chemin inverse : créer des précédents qui continuent à repousser le seuil de ce que les institutions peuvent accepter. En espérant que ces coins enfoncés dans la rigidité du droit français servent à bien d’autres que nous à l’avenir. C’est parce que nous croyons en cette hypothèse que nous avons décidé d’aller défendre notre vision de l’avenir de la zad face à l’État au sein d’une délégation commune regroupant toutes les composantes. Ceci plutôt que de laisser place à des tractations séparées qui pousseraient ceux qui s’y prêteraient à la défense d’intérêts singuliers et donc parfois clivants. Cette délégation sera l’émanation des assemblées du mouvement, qui continueront, parallèlement, à mener les actions nécessaires pour arracher ce que les négociations n’assureraient pas.
Des usages assemblés
Le poêle soudé dans un chauffe-eau ne parvient pas à tiédir l’atmosphère de la grande salle de la Wardine. La centaine de personnes prend place, qui dans un canapé, qui sur un banc. Derrière leur cercle tirant sur l’ovale, les murs entièrement recouverts de peintures renvoient à une ambiance plus proche du concert punk que de la réunion. La petite foule est bigarrée, en âge, en style, en mode de vie. Une paysanne prend la parole. Sa ferme se situe à une trentaine de kilomètres de la zad, pourtant, lorsqu’elle évoque ces 1650 hectares, on pourrait croire qu’elle y est née et qu’elle compte y finir sa vie. C’est comme ça qu’elle en parle, c’est à ce point qu’elle y tient.
On dit souvent « le territoire appartient à ceux qui y vivent », pour marquer une rupture avec les velléités technocratiques de l’État. Ici, c’est bien plus que ça. Il appartient à un mouvement, non par la propriété, mais par le combat. Et depuis l’abandon, la salle de l’assemblée est toujours aussi pleine, remplie de ces gens qui formeront le cœur non pas juridique, mais réel, de l’entité que nous appelons de nos vœux et qui lutteront pour que les façons de vivre que l’on a bâties ici perdurent et s’approfondissent. Ces dernières reposent sur un type de partage pour le moins inhabituel.
S’il existe en effet un endroit où la possession de capital n’est pas source d’orgueil et de valorisation, c’est bien cette zone. Beaucoup de choses y sont d’ailleurs gratuites, on peut utiliser des tracteurs, des outils ou des livres sans jamais mettre la main à la poche. Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas comme partout circulation de monnaie. C’est son usage qui diffère, et son symbolisme : nous voudrions que payer ne soit pas le remboursement facile d’une absence d’implication dans le commun, un dédouanement. S’il y a un peu d’argent, donc, il y a par contre une lutte acharnée et quotidienne contre la logique économique qui voudrait que chaque geste entre dans un calcul de valeur. Nous tentons au contraire de lui substituer nos liens, nos attachements, la confiance et un certain sens de l’engagement. La réciprocité scrupuleuse n’est pas exigée, car les échanges ne sont pas pensés à l’échelle individuelle, mais à celle du territoire. Si le boulanger donne un pain à une personne du zad social rap, il ne calcule pas à combien de couplets se chiffre sa farine. La première ligne de comptabilité des services rendus n’a pas encore été écrite. Évidemment, rien ne nous garantit que tous jouent le jeu ; c’est à la fois un pari et une question d’équilibre. Le soin apporté à la qualité des relations et des perspectives communes conjure bien mieux l’économie que le bannissement du moindre euro…
C’est ainsi que l’on conçoit la production, mais aussi l’espace : les prés, les forêts, les fours à pain, les ateliers… Comme des communs. Cela ne veut pas dire que tout est indifféremment à tous. Celles et ceux qui ont construit, qui entretiennent ou utilisent régulièrement des espaces, s’y projetant pour plusieurs années, n’ont évidemment pas le même poids quand il s’agit de décider ce qui y adviendra. L’usage vient empêcher que le chaos ne prenne la place de la propriété. Parallèlement, le mouvement déploie son inventivité afin que les besoins des nouveaux venus désirant s’impliquer soient satisfaits. La bataille qui s’ouvre aujourd’hui n’est donc pas uniquement un combat pour les terres, pour le foncier, mais surtout pour faire vivre cette manière de les partager, et redonner ainsi un tout autre sens à l’idée de travail ou d’activité. Et ce faisant elle dépasse de loin les seuls 1650 hectares de la zad.
Demain, c’est pas loin
Il y a quelques mois, en passant le long du chemin de Suez, on pouvait entendre des chants résonner en Basque, en Breton, en Italien, en Occitan, en Polonais, et parfois même en Français. Ils émanaient du chantier de l’Ambazada, un double hangar destiné à devenir l’ambassade des luttes et des peuples du monde entier à la zad. Cette idée a vu le jour au sein du comité de soutien basque, qui a organisé des « brigades » venues nombreuses participer à la construction de l’édifice avec des occupants. Des groupes pourront y passer quelques jours ou semaines, y parler de leurs combats, s’y organiser avec nous, tout en buvant un verre au bar. Nous pourrons y approfondir la coordination entre les luttes territoriales qui s’est formée l’an dernier, et ainsi être plus forts, nombreux et organisés partout où un projet menace une contrée.
Ces dernières semaines, nous entendons beaucoup parler d’une pacification de la zad, et de son avenir de « zone agricole alternative ». Il ne serait plus à l’ordre du jour de lutter ici puisqu’aéroport il n’y aura pas. D’autres disent que désormais, Notre-Dame-des-Landes pourrait devenir une base d’appui matérielle pour les autres luttes, puisque le front a disparu. Nous préférons quant à nous ne pas opposer front et base, car les deux sont ici intimement liés. C’est la conjugaison des traditions offensives des paysans locaux et de l’assise de la zad qui ont permis d’assurer une production conséquente et de l’emmener sur les piquets de grève à Nantes. C’est encore cette hybridation qui portera son énergie jusqu’aux bois de Bure, au quartier libre des Lentillères, aux collines de Roybon ou sur le causse de Saint-Victor. De même, la force matérielle de la zad (menuiserie, meunerie, forge, conserverie, radio pirate, barnums, sonos, tractopelle et semences…) grossit et se constitue grâce à l’appui d’agriculteurs et salariés en lutte. C’est indémêlable, et c’est tant mieux. Car conserver et densifier ces liens-là nous met à l’abri d’un devenir agricole pacifié tout autant que d’une zone radicale à la marge. Ce sont bien encore et toujours la circulation et l’échange qui permettront à la zad de ne pas se refermer. Plus elle vit curieuse, accueillante et aventureuse, et plus son territoire réel s’étend bien au-delà de son périmètre.
Sous les ardoises du hangar de l’avenir, à la nuit tombée, nous préparons la zbeulinette, une caravane dépliable contenant mille et un rangements en bois. Elle est désormais le véhicule de notre présence dans les luttes nantaises. Chargée de nourriture, de boisson, de musique et de livres, elle détone quelque peu au milieu des boulevards haussmanniens. Ce n’est pas une caravane de soutien, car nous sommes intrinsèquement pris dans la plupart des combats qu’elle approvisionne. Demain, c’est à l’université qu’elle ouvrira ses ailes. Sur le parking, dès l’aube, des groupes déplacent le matériel nécessaire à l’édification de barricades : un amphithéâtre de la faculté et le château du rectorat sont occupés par des étudiants et des mineurs sans papiers. Nous déployons notre attelage, ses tables et son système de son. Déjà, les dix billigs qu’elle cachait commencent à fumer dans l’air glacial. Les galettes de la zad ont une réputation qui date du mouvement contre la loi travail. Les jeunes s’approchent donc rapidement, en commentant le tour de main des crêpiers. Savent-ils ce qu’il a fallu de réparations de matériel agricole, de chantiers communs, de récoltes, de meuniers pour que cette farine se transforme en galettes ? Peu importe après tout, l’essentiel est que la faim s’apaise, que la chaleur pénètre les corps.
Il n’existe nulle part ailleurs dans le pays un espace tel que celui de la zad, regroupant autant de capacités matérielles tournées vers la lutte. Cœur d’une circulation réelle, il est aussi celui d’une circulation des idées et des imaginaires, des projections les plus folles. L’assise temporelle et matérielle qui manque tant à nos combats et que l’on pourrait enraciner ces prochains mois permettrait à la fois de donner une tout autre ampleur aux mille activités qui existent à la zad, et de concrétiser ces projections. Créer un hameau ouvrier avec nos camarades syndicalistes (respectant le style architectural de la zad !), rendre les habitats existants à la fois toujours plus commodes et plus loufoques, greffer des fruitiers dans toutes les haies du bocage, constituer un troupeau-école pour apprendre l’élevage, ouvrir un centre social, un centre de soin, une maison des anciens, agrandir la bibliothèque, construire un hammam, faire entrer des terres hors zad dans l’entité, rendre régional voire national le réseau de ravitaillement des luttes, se doter d’une imprimerie… La liste est longue de toutes les envies que nous inspirent ces quelques centaines d’hectares. Elle est ouverte également aux vôtres : les terres que nous allons occuper au printemps attendent des installations, qu’elles soient ou non agricoles. Il nous est difficile de mesurer aujourd’hui tous les bouleversements que l’abandon va engendrer. Une saison vient de se finir sans que l’on ait encore basculé dans la suivante. Ce temps nouveau, nous devons l’arracher, le construire, l’inventer. Et c’est avec nos rêves qu’on façonnera ces métamorphoses.
Rendez-vous le 31 mars en cas de menaces d’expulsion et au printemps pour se projeter sur de nouvelles terres !
Des habitant.e.s des lieux suivants : le Moulin de Rohanne, la Rolandière, les 100 noms, la Hulotte, Saint-Jean du Tertre, les Fosses noires, la Baraka et Nantes réunis dans le CMDO (Conseil Pour le Maintien des Occupations)
Pour nous contacter : et-toc(at)riseup.net
Concernant la route, la conclusion présentée correspond en gros à l’opinion majoritaire du mouvement. A savoir un point de vue pragmatique et réaliste, voire fataliste, du type “on avait pas le choix” et (prophétie autoréalisatrice à partir du moment où le mouvement n’assume plus le rapport de force) “si la route est bloquée, les flics vont revenir”.
Les conflits autour de la route ne sont pas que des franches engueulades comme si on était entre amis. (ou des diatribes défiantes criant à la trahison). Les procédés utilisés en AG autour de cette route pour nier la parole de celleux qui s’y opposent sont tout simplement dégueulasses. Ils abiment chaque jour un peu plus cette confiance entre nous au sein de la zad (faut-il rappeler qu’il n’y a pas une seule composante zad…) et qu’il faudrait “inouïe”. Comment croire celleux qui t’oppriment lorsqu’illes assurent que tout ça c’est pour ton bien et qu’illes te défendront ?
Et on ne peut pas non plus ramener tout ça à un choix binaire entre “route bloquée/route débloquée”. Ce texte occulte habilement toutes les autres options qu’il y avait. Pourquoi si vite, dès le lundi ? Pourquoi avec ce coup de force en AG (à ce stage on ne peut plus parler de consensus non atteint) ? Et si, dans les communs si chers aux auteur.e.s de ce texte, on avait inclu cette route ? Il aurait tout à fait été possible de la rendre circulable, mais avec inventivité et sensibilité, plutôt que d’en arriver à cette sous traitance départementale et policière.
On peut se demander où est le leurre, entre celleux qui sont persuadé.e.s d’avoir obtenu les négociations grâce à ça, et celleux qui subissent les flics depuis 3 jours. Aucun mot là dessus, alors que l’occupation policière perdure ?
Aussi, pourquoi vouloir à tout prix déterminer une forme légale alors que les négociations n’ont pas encore commencé et qu’on l’on aurait pu revendiquer une forme bien à nous…Quel horizon politique autour du foncier, au delà des termes creux “avenir de la zad” qui recouvrent à peu près tout et n’importe quoi ? On sait très bien que certaines ne se battront pas pour une asso loi 1901…
Je passe sur la description des AG, qui encore une fois parle habilement de la camarade à 30km d’ici mais pas de ceux 500m plus loin sur la route des chicanes (pourtant on les entend). Et où la parole de la diversité bigarrée est différemment écoutée et respectée…Et donc les communs, encore une fois, mais sans la question des routes qui a disparu. Tout est de toute façon dit ici, en creux: “Celles et ceux qui ont construit, qui entretiennent ou utilisent régulièrement des espaces, s’y projetant pour plusieurs années, n’ont évidemment pas le même poids (sic.) quand il s’agit de décider ce qui y adviendra.”
Concernant les conflits politiques autour de la zone :
« En ce qui nous concerne, nous retenons de cet épisode difficile une démonstration supplémentaire de la volonté de ceux qui ne sont pas occupants de s’engager pour continuer avec nous après l’abandon. »
Avec vous peut-être. On retient aussi que certain.e.s non occupant.e.s se sont exprimées dans la presse en réclamant des lacrymos pour celleux qui seraient, donc, dans le ghetto et la fermeture de la zad sur elle même.
Et sinon toujours cette alternative curieuse entre « il n’ y a que cette option possible ou bien les flics »…Parfois à raison (si le mouvement se divise par exemple), d’autres fois à tort je trouve (par exemple, union du mouvement implique-t-elle forcément l’entité légale commune).
La guerre est l’art de la tromperie… la victoire?
Démanteler les barricades et vendre la victoire… c’est de l’art
rien à fêter-pas de carnaval :(
Quelle com’ parfaitement maitrisée ! On peut au moins reconnaître la force de frappe et la maîtrise technique du CMDO.
Publication dans l’aprem sur zad nadir et indymedia (jusque là normal). Le relai s’amplifie sur les automedias. Sur les rézo, en plus des comptes habituels de la lutte, la galaxie proche du CMDO embraye et partage à coup de « à lire pour ceux qui comprennent pas les enjeux ».
Conjointement, le texte sort joliment illustré sur reporterre (partie 1 aujourd’hui et partie 2 demain, svp…l’art du teasing…l’avant veille et la veille du 10 février), et entreprend de diffuser « la bonne parole », notamment autour du conflit politique de la D281.
A côté, les chicaneureuses barricadieres désuni.e.s et ne maitrisant pas les codes (n’étant pas de la « bonne » classe…) vont sans doute pauvrement et tristement continuer de crier leur malaise sur indymedia ainsi qu’à celleux qu’illes croiseront samedi.
C’est beau, mais moi ça fait longtemps que je la reconnais plus la zad.
Le mot zad survie, mais la substance?
C’est comme les socialistes, les paysans, ou même les bretons. Il y en a toujours mais ce ne sont plus du tout les mêmes…
C’est peut être ça qu’on appelle la société du spectacle?
« La décision consistant à lui donner une forme légale est l’aboutissement de discussions entre les composantes et l’assemblée »
« la salle de l’assemblée est toujours aussi pleine, remplie de ces gens qui formeront le cœur non pas juridique, mais réel, de l’entité que nous appelons de nos vœux »
Tour de passe-passe (ressemblant étrangement à ceux de mauvaise troupe), vu que cette histoire d’entité s’est discuté dans des AG (les AGs des usages ils ont appelé ça) différentes des AGs du mouvement habituelles, dont les dates et lieux n’ont pas été diffusées publiquement.
Certes de temps en temps y’avait bien des présentations en AG du mouvement de où ces discussions en étaient, mais il était hors de question d’en discuter, c’était simplement informatif. Les seuls qui avaient un mot à dire dans ces décisions étant les « composantes » (exit les individu.e.s ou les comités locaux).
Lorsque la question a été soulevé de cette séparation de pouvoir et de dépossession d’une partie des décisions hors de l’AG du mouvement, il a été reconnu que l’entrée dans ces AGs des usages n’étaient pas libre, il fallait répondre à certaines conditions plus ou moins flous (« avoir une pratique régulière de la ZAD »).
Bref un truc du même ordre que « les décisions reviennent aux pricipaux.ales concerné.e.s (les habitant.e.s), quand bien même parmi les « composantes », seules une infime partie est habitant.e de la ZAD.
@tss
Les AG des Usages sont parfois annoncées sur zad nadir quand même.
MAIS il faut préciser que même au sein de l’AG des usages on est pas tou.te.s logé.e.s à la même enseigne…
Les discussions sont techniques donc si t’en as loupé/pas eu les compte rendu/pas eu connaissance avant l’ag de ce qui allait se dire, c’est très facile de te mener là où les gens qui ont bossé le point ont envie de te mener. Et ça ressemble parfois très fortement à des points d’information (et non de débat…)…
Bref, les processus favorisent les prises de pouvoir et la réécriture de l’histoire tel que l’illustre le texte initial.
Je ne pense pas que ça soit les processus (de discussion, d’organisation et de prise de décision) de manière générale qui favorisent les prises de pouvoir. Ils peuvent être efficaces, au contraire, pour les limiter. Mais pour ça, il faut que ça soit un objectif pour tout le monde et autant dire que dans ce mouvement ce n’est pas le cas. Certaines composantes ont toujours une certaine frilosité et pour certain.e.s une farouche hostilité à lutter contre le monde qui avait besoin de cet aéroport.
Elles le sont dernièrement, depuis que des gens ont gueulé, et que les décisions sont maintenant prises (le calendrier prévu était de créer l’asso avant le 10/02). Mais au départ, elles étaient pas annoncées, quand les choses étaient encore en élaboration.
Sur la route, il y a un tel fossé (curé sous la surveillance des flics) entre ce qu’exprime le CMDO et les auteur.e.s de la lettre aux comités…:https://nantes.indymedia.org/articles/39763
Notamment les enjeux politiques :
« Fermée par les autorités depuis 2013, la route est à la fois habitée en plusieurs lieux de manière plus ou moins stable, traversée de nombreux chemins quotidiens, et circulante aux véhicules légers et tracteurs. Elle voit donc coexister plusieurs pratiques et enjeux. S’y croisent celleux qui y vivent, celleux qui y voient une situation de rencontre -même muette- entre des mondes, celleux qui l’empruntent quotidiennement, à pied, en vélo, à quatre pattes, à côté de véhicules dont la vitesse est réduite, celleux qui l’empruntent pour des raisons pratiques, de travail ou d’accès rapide…
(…)
La défense et la protection face à l’État ne sont plus depuis longtemps les seuls enjeux de l’occupation de cette route. Nous savons bien qu’une barricade n’arrête pas un bulldozer protégé par des flics, pas longtemps en tout cas. Pour autant, notre attachement à cette route ne relève pas d’un « folklore barricadier » à balayer d’un revers de main ou à muséifier (même si des fois on aime bien cette carcasse de voiture rouillée taguée RÉVOLTE, où s’autogère une plate-bande sauvage).
Nous accordons au contraire une importance proprement politique au devenir de cet espace et de ce qui s’y joue : lLa remise en cause de la vitesse, de la place de la voiture dans nos vies et sur le territoire, enfin d’une certaine vision fonctionnelle de l’espace qui en décide l’usage d’en haut plutôt que sur le terrain. Ces questions seront toujours d’actualité après une hypothétique fin de la menace policière. Pour nombre d’entre nous, cette route est aussi une part, petite mais vitale, de cette lutte de l’imaginaire. »
Mon interprétation du texte du CMDO déclare: gagner en puissance sociologique ou en puissance matérielle.
Cependant, nous pourrions nous poser la question différemment selon qui parle et qui pense.
Par exemple, nous pourrions décider de parler de confiance naturelle qui génère de l’influence, de nos capacités à rassembler les idées de tout le monde et de les communiquer en tant que but commun.
Grâce à la fierté et à la joie qu’on certains à aider les autres à travailler ensemble pour s’améliorer et améliorer le commun. Car l’altruisme et l’authenticité de ces protagonistes pousserait ceux dont ils s’occupent à s’améliorer. Des personnes authentiques et attentionnées qui sont convaincantes et montrent de quoi elles sont capables, et rien ne les rendrait plus heureuses que mener la lutte, unir et motiver d’autres « composantes composées ou composantes décomposées » avec un enthousiasme contagieux, que ce soit par l’intermédiaire des faits et de la logique ou de l’émotion pure.
« Tout ce que vous faites à l’instant présent produit des ondulations externes et touche tout le monde. Votre attitude peut faire briller votre coeur ou transmettre de l’anxiété. Votre respiration peut envoyer de l’amour ou embourber la pièce de dépression. Votre regard peut éveiller de la joie. Vos paroles peuvent inspirer la liberté. Chacun de vos actes peut ouvrir le coeur et l’esprit. »
David Deida
La fossé entre les paroles et les actes de ce parti(‘imaginaire)/comité (‘invisible’) est si profonde qu’on peut dire que l’hypocrisie est le trait distinctif de ces gens…
D’ailleurs, en y réfléchissant, leurs paroles sont si vagues et contradictoires qu’ils/elles peuvent faire tout et rien; manipulation, opportunisme, … tout est permis
Des gens (parfois encore jeunes) déjà corrompu par le désir de pouvoir et de contrôle, c’est triste…
Nouvelle ‘génération macron’?
Des politiciens
Malgré toutes les belles paroles et toute la comm (ça doit être épuisant cette manipulation permanente!), une question basique et cruciale subsiste : comment la zad sera t’elle défendue en cas d’attaque post 31 mars, avec un tel boulevard à flics qu’est en passe de devenir la D281 (plus de caches, une super visibilité et de la place pour une/des arrivée.s en force des robocops. Les gens combatifs du coin se sentant plutôt rejté.e.s…)?
Y a t’il une stratégie paliative concrête à ce sujet de la part des personne favorables au « ménage » de la route ?
Ca sent le pari très risqué, pas gagné d’avance non ?
Aujourd’hui, la police, la ertzantza, les flics, les Acipa-yes, aérienne visite, toco,toco,toco,toco…
Malgré toutes les belles paroles et toute la comm (ça doit être épuisante cette manipulation permanente!), une question basique et cruciale subsiste : comment la zad sera t’elle défendue en cas d’attaque post 31 mars, avec un tel boulevard à flics qu’est en passe de devenir la D281 (gens cachés lors de leurs forêts pendant les manifs à Nantes, une super visibilité politique très facile à isoler). Les gens réellement combattifs (qui sont allés à Nantes ces dernières années soutenir les luttes qui s’y jouent, et aussi poser une offensivité en centre-ville) se sentant rejetés par les habitant-e-s de la route.
Y’a-t-il une stratégie paliative concrète à ce sujet de la part des personnes favorables au renfermement sur soi de la route ?
Ca sent le pari très risqué, pas gagné d’avance non ?
Celles et ceux qui ont « posé une offensivité en centre-ville » ces dernières années, c’est la jeunesse nantaise, et non les occupant-e-s de la ZAD, qu’on a finalement très peu vus dans les luttes hors des moments anti-aéroport(quoiqu’en disent les médias, qui camouflent toute révolte à Nantes derrière le confortable épouvantail « ZADiste »).
Et si la ZAD a tenu bon en 2012, c’est aussi grâce à l’agitation intense qui s’est organisée simultanément dans le bocage (avec des centaines de personnes en renfort), et à Nantes, avec des milliers de manifestants réunis spontanément.
Stop au ZADo-centrisme, cette lutte n’a pas de propriétaires.