Entretien avec quelques militant·e·s au sujet de la coordination informelle en prévision du g20
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Actions directesContre-sommetsLinksuntenPrisons / Centres de rétentionRépressionZad
Lieux : AllemagneHambourg
« Moin, Moin ! » [1] Fin de l’été 2016, plusieurs communiqués appellent à une coordination d’actions directes en vue du sommet du G20 à Hambourg. Vous y avez participé. Quelles étaient vos intentions et quelles perspectives offraient cette démarche pour vous ?
Chuzpe :
Il y a déjà eu, lors de différents grands événements des propositions similaires et des campagnes d’actions directes, comme lors du G8 d’Heiligendamm en 2007 ou dans le cadre de la Destroïka en amont de l’ouverture de la Banque Central Européenne en 2015 à Francfort. L’idée n’est pas très nouvelle. Partant d’une analyse anarchiste, je vois la nécessité d’une conflictualité permanente et je suis sceptique avec la mise en scène du théâtre politique, où chacun·e joue le rôle qui lui est attribué. À travers la focalisation sur un tel événement, les luttes quotidiennes sont souvent mises à l’écart. Mais en même temps, j’y vois aussi la possibilité que s’ouvre dans ces moments un terrain de tension, dans laquelle la portée de nos interventions peut s’amplifier. Pour cela, je trouve qu’un point de polarisation sur la pratique d’actions directes qui s’ancrent dans des luttes locales et se font référence les unes aux autres est une bonne méthode pour dissoudre cette contradiction et pousser à un processus dans la durée. Dans le même temps, la pratique d’actions directes dans la mobilisation donne aussi la possibilité de montrer cet outil de lutte, ce qui peut inspirer et motiver d’autres gens.
Peter-Pan :
Je pense que beaucoup d’actions qui ont eu lieu pendant l’année se situent dans des luttes spécifiques. Chaque lutte spécifique est très importante et possède sa propre légitimité, mais la mise en lumière de points communs se perd souvent. Pour créer une ambiance, mais surtout pour trouver des points communs dans les différentes stratégies et analyses, des points de repère sont importants. Ce qui se met très bien en place avec cette sorte de coordination. Des gens, des groupes, mais aussi des mouvements, qui ne se connaissent pas, peuvent, à travers une telle campagne, échanger et rentrer en contact.
HoodLum:
Le but était aussi de dépasser une campagne et d’arriver à créer des lignes à l’échelle européenne sur lesquelles on peut travailler ensemble. Des événements comme le G20 ont comme conséquence que les textes sont plus largement traduits et diffusés que d’habitude. À travers cela, il devient possible de trouver des affinités envers d’autres luttes ou structures et de se baser là-dessus. Par exemple, en ce moment, les actions contre la construction de nouvelles prisons en Suisse sont sûrement inspirées par la lutte qui a eu lieu en Belgique. On doit alors faire connaître nos idées ou au moins on peut les faire évoluer si on se rend compte que l’on n’est pas seul·e·s à les porter. Je crois que beaucoup de groupes cessent leurs activités, parce qu’ils ne voient pas immédiatement de résultats, ce qui propage le sentiment d’isolement et le manque de sens pour de telles actions directes. Des coordinations comme celle du G20 ou l’appel grec pour un « décembre noir », voire la plus vieille campagne anti-olympique, peuvent perdurer au-delà de l’événement, si elles sont suffisamment approfondies.
Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples de choses qui se sont faites écho en amont du G20 ou de points communs entre différentes luttes ?
Peter-Pan :
Bonne question. Le G20 était probablement lui-même le plus grand point commun, ce qui explique aussi pourquoi, après ce genre d’événement, se manifeste toujours un certain calme. Mais je crois que le contexte de la « campagne » contre le G20 a crée la possibilité que différents groupes se focalisent sur un même sujet. Jusqu’à maintenant, chaque groupe portait différentes positions. Maintenant, avec la coordination, une position commune était portée avec différentes tendances. Un des points communs les plus évident est sûrement le choix de l’action directe, ce qui montre l’incompatibilité avec les règles de l’État et les valeurs de la société. C’est sur cette base que l’on s’est rencontré.
Chuzpe :
J’ai eu l’impression qu’il y avait un fort besoin d’une dimension internationale, ce qui est aussi assez évident avec un thème comme le G20. Un point de repère, qui s’est dégagé assez vite après les premières actions et qui s’est manifesté dans le choix des cibles, dans les analyses tout comme dans les recherches a été les attaques contre des grandes entreprises, qui sont connues comme étant des profiteurs de guerre, qui bénéficient du diktat de la Troïka sous direction allemande. Ceci pourrait aussi être vu comme la continuité d’un discours qui a déjà été mis en valeur en amont de l’ouverture de la Banque Centrale Européenne à Francfort. À côté des entreprises de merde comme Cosco, Telekom Hochtief, Deutsche Bank, Allianz et d’autres qui profitent des privatisations en Grèce, des multinationales comme ThyssenKrupp, Thales, Actemium, Sodexo et beaucoup d’autres ont été prises pour cibles. Ce que je trouve intéressant, c’est le référentiel international qui s’est développé. Ça crée la possibilité d’échanger sur d’autres luttes ailleurs dans le monde et surtout d’élargir des terrains de luttes respectifs. Par exemple, il y a eu en solidarité avec la ZAD une voiture de diplomate français incendié tout comme il y a eu, en solidarité avec des prisonniers grecs un commissariat qui a vu sa façade noircie par les flammes.
HoodLum :
Qui suit avec attention les textes venant d’autres régions remarque, par exemple, que l’industrie de la sécurité privée est, mondialement, de plus en plus pris pour cible, tout comme les sabotages contre la fibre ou les antennes augmentent. Il y a souvent, dans ces textes, des sous-entendus qui font référence à ce qui se passe en Allemagne. Et vice-versa. Ça, c’est la condition qui permet la possibilité qu’un jour, des gens se rencontrent aussi réellement et que des discussions orales puissent avoir lieu et que d’un point de vue stratégique, une sorte de direction commune puisse être trouvée. De plus, celles et ceux qui ont participé à ces actions directes en amont du sommet, et qui pour une partie était également présent·e·s à Hambourg, sont naturellement la cible d’une pression politique dans leurs régions et villes de la part des ennemi·e·s politiques de gauche. En Italie ou en France, il y a déjà eu plusieurs fois des affrontements en manif avec les syndicats et leurs services d’ordre. En Grèce, il y a des embrouilles sur les objectifs ou les temporalités des actions. Les dissociations et les points de rupture après Hambourg rendent plus simple le fait de trouver des contextes dans lesquels il y a du commun. Cela signifie que l’on a voulu aussi renforcer cette tendance que certain·e·s nomment nihiliste ou insurrectionnelle, bien que ces formulations ne soient pas adaptées. À travers le communiqué de l’attaque du commissariat Zografou (à Athènes), on peut voir que certain·e·s ont repris à leur compte l’appel d’attaquer quelque chose dans leur ville. Je trouve ça chouette.
Il est évident que, pour vous, la dimension internationale a joué un rôle très important. En même temps, il y avait aussi beaucoup de choses qui venaient de luttes locales. Dans quelle mesure, ça fait du sens de combiner de tels projets avec une mobilisation comme celle du G20 ?
Chuzpe :
Je pense qu’on ne devrait jamais se concentrer uniquement sur les dates imposées par l’adversaire, comme celle du G20, car on reste souvent dans une relation abstraite au sujet. Pour cela, je trouve important qu’on essaie, dans ces moments, de mettre en relation nos luttes, dans lesquelles on est concrètement impliqué·e·s et qui ont directement à voir avec nos vies. En amont du sommet, il y avait surtout des luttes contre la chasse aux pauvres et la restructuration urbaine, qui sont des champs de conflits permanents dans différentes régions et lieux. Mais au final, il s’agit toujours de la question du développement d’une perspective révolutionnaire. Avec un événement, aussi bien soit-il, de telles questions ne trouvent pas de solution. Ce qui a pour conséquence, sans pratique quotidienne, que nous ne seront jamais capables d’expérimenter nos réflexions théoriques et de les requestionner. Le G20 et la mobilisation en vue du sommet ne peut être vu que comme un fragment, qui nous a aussi permi de créer des situations, de se réunir et d’avoir des expériences communes dans la rue. Je ne pense pas que l’on puisse considérer cela comme différents projets détachés les uns des autres.
Peter-Pan :
Le rendez-vous du G20 est un rendez-vous où d’autoproclamés leaders du monde se rencontrent pour discuter de différents thèmes de portée politique mondiale. Des décisions qui concernent différentes thématiques partout dans le monde y sont prises ou préparées. Ce qui se passe aussi du côté de la résistance. Des spectres politiques différents luttent à des niveaux divers sur des champs complètement hétérogènes. Ils se font référence les uns aux autres, ce qui manque lorsqu’il n’y a pas de moment polarisant. Pour faire de cette coordination une chose pérenne, il pourrait être utile de la concentrer dans quelque chose de concret.
HoodLum :
Chez nous, les discussions de cette dernière année se sont focalisées sur l’envie de ne pas faire une campagne typique avec un événement, un début et une fin. On a plutôt voulu essayer de provoquer un état d’attaque permanent, qui peut-être existe déjà en fait si on regarde attentivement les nouvelles de la résistance globale. Beaucoup de choses ne sont visibles que localement, soit parce que les acteurs et actrices ne cherchent pas à les diffuser, soit parce que la nouvelle se perd dans le flux d’informations. Le G20 était pour nous une accroche pour pouvoir propager des choses que l’on pratique déjà continuellement et pour lesquelles on espère attirer plus d’attention. Au passage, merci infiniment aux flics pour leur comportement à Hambourg en juillet. Il y a souvent des appels à actions directes sur un sujet donné, mais, la plupart du temps ces appels tombent au dernier moment et sont très spécifiques, ce qui rend difficile la possibilité d’y répondre. L’appel anarchiste contre le sommet du G20 à Hambourg a été diffusé dès le mois d’août 2016 et il a été rapidement traduit dans différentes langues. Il était très ouvert [2], permettant à plein de monde d’y participer. La campagne d’actions directes contre le G8 à Heiligendamm de juillet 2007 avait commencé encore plus tôt, avec les premières attaques durant l’été 2005 contre Werner Marnette, le PDG de la Norddeutsche Affinerie (aujourd’hui Aurubis, qui produit et recycle du cuivre). Il s’agissait souvent d’attaques très ciblées, qui mettait la barre haut au niveau des recherches et explications. Sans avoir aujourd’hui tous les textes de l’époque en tête, je pense qu’il y avait d’autres axes essentiels. En amont de Hambourg, il s’agissait surtout pour nous de rendre compréhensible à tous, les actions de résistance qui se pratiquent déjà partout.
Est-ce que vous voyez la possibilité que le calme qui s’est établi après le sommet s’en aille et que renaissent des dynamiques comme celles en amont du G20, peut-être pour répondre à la volonté que de telles coordinations ne se volatilisent pas avec la fin de l’événement ?
Peter-Pan :
Je pense que pour beaucoup de monde le sommet, mais aussi la période en amont, a été très impressionnante. C’est probable que la plupart des gens, surtout des jeunes, aient vu pour la première fois de leur vie des unités entières de CRS prendre la fuite en panique. Même chez les plus ancien·ne·s, beaucoup étaient étonné·e·s de la capacité de coordination et d’organisation de tous ces gens qui se retrouvent d’un côté face à une société apathique et désintéressée et de l’autre face à un État militarisé et répressif. Ce sont des expériences que l’on ne peut pas oublier si vite. Personnellement, mais aussi collectivement, ce sommet restera imprégné dans la mémoire et dans plusieurs années, on pourra toujours s’appuyer dessus. La période après le G8 de Rostock n’était sûrement pas animée par un activisme fulgurant, mais elle a permis de poser une première pierre pour des mobilisations réussies, comme celle de 2009.
De plus, certaines des personnes qui n’étaient pas ravies des affrontements dans le quartier de Schanze ou qui ont mal pris le fait que leurs réseaux de téléphones aient été interrompus à cause d’une attaque d’antenne relais se sont posées la question des raisons de ces actions et se sont sûrement aussi confrontées à des explications à travers des textes. Que tout cela représente un potentiel de dangerosité semble aussi s’être clarifié auprès de l’État. Ce qui a sûrement servi comme argument pour démanteler Indymedia Linksunten [https://linksunten.indymedia.org].
HoodLum :
L’impression de calme est aussi relative et définit subjectivement. C’est clair qu’en ce moment il y a moins de choses qui se passent à Hambourg ou Berlin, mais ce n’est pas trop cela qui compte. Les sabotages et les émeutes ne connaissent pas de frontières. Depuis le G20, il y a eu mondialement, une grande partie de l’infrastructure capitaliste qui a été foutue en l’air et dans de nombreuses émeutes, des flics ont été attaquées. On doit arrêter de mesurer nos succès à une dimension locale. La lettre de Panegiotis Argeyrou depuis une prison grecque est pour moi plus importante que la cadence des attaques en Allemagne. À travers ça, on voit la preuve de la naissance d’affinités à travers la combinaison de paroles et d’actes qui se propagent sûrement dans plus de cœurs au sein de l’Europe forteresse. Les dirigeant·e·s peuvent fermer des sites internet, diffuser de fausses informations, ou envoyer leurs valets dans des robes de juge rendre justice, il y aura sûrement d’autres attaques. Les bases de coordination ne se dissoudront pas, si on commence à prendre l’habitude de donner autant d’importance au suivi qu’à la préparation, si on se donne la peine de traduire nos textes et ceux de nos camarades internationalement, si on arrive à pratiquer de la solidarité avec les prisonnièr·e·s et finalement si on pratique ce qui a longtemps été dénigré par certain·e·s : le tourisme de l’émeute. Tout le beau parler est inutile, si on ne se retrouve pas à l’occasion entre nous dans la rue ou dans une forêt. On doit élargir nos horizons et nos expériences.
Chuzpe :
Je pense que l’on ne doit pas tomber dans l’illusion que seule la quantité des actions directe dirait quelque chose de la situation de nos luttes. On ferait la même erreur que beaucoup d’autres, qui se fatiguent sans cesse à se compter et à répéter la même devise « Toujours plus ! ». Cette manière de penser ressort d’une logique capitaliste et elle ne nous est pas favorable. On devrait plutôt examiner les choses selon nos évidences et convictions et faire attention à ce que la façon avec laquelle on lutte et les perspectives qu’on y attache désigne un peu nos idées. Ça dit quelque chose sur la qualité de nos actions. S’il y a, maintenant, un peu moins de choses qui se passent, ça pourrait être lié au fait que des gens soient impliqués dans des processus de réflexions et sont encore en train de se poser des questions sur comment continuer. Je pense qu’aussi, pour cela, il faut du temps et il serait faux, pour garder l’illusion de tomber maintenant dans de l’activisme aveugle.
Maintenant que le G20 est fini et que nos espérances ont été largement dépassées, est-ce que vous pensez que c’est aussi le résultat des actions en amont ?
Chuzpe :
Ça serait présomptueux de ramener la rage collective pendant ces jours à la seule mobilisation à travers des actions directes. C’est sûr que cette mobilisation a participé à créer une ambiance et a motivé certains milieux à faire le voyage à Hambourg. Mais je pense que les événements juste avant la semaine, comme la situation d’état d’urgence généralisé à Hambourg, les expulsions brutales du campement jusqu’à la répression brutale de la manif « Welcome to Hell » et plein d’autres épisodes qui ont été commandés par le chef de la police Dudde et les autres, ont été des facteurs vachement plus important. On sait déjà par les expériences d’autres mobilisations que les concepts d’actions de groupes affinitaires ne sont pas parfaites et qu’on devrait être prêt·e·s à s’interroger sur leurs frontières. Avec un regard lucide, on doit aussi avouer que la massification tant voulue de certaines formes d’interventions ne dure pas sur la longueur. En même temps il reste à retenir qu’une telle pratique peut nous doter des capacités nécessaires pour faire face à l’appareil policier. Surtout en Allemagne où le rapport de force en manifestation n’est pas souvent en notre faveur et où une émeute ne peut être provoqué qu’avec des risques et des efforts considérables. C’est déjà arrivé quelque fois qu’il soit utile de posséder le savoir-faire pour mettre en place des actions décentralisées. Je pense que durant le G20, c’était un bon mélange de différentes formes d’action qui ont interagit les unes avec les autres et qui ont provoqué la perte de contrôle de la part de l’État. D’un côté, la spontanéité des masses, de l’autre des piqûres d’aiguilles bien préparées de la part de petits groupes autonomes ou des manifs sauvages comme le vendredi matin à Altona. En fin de compte, on peut se dire que c’est comme ça que l’on a réussi à ramener une armée de 30 000 flics aux limites de leurs possibilités. Ça, c’est sûrement aussi dû au fait qu’il y ait des groupes qui ont pendant toute l’année une pratique d’attaque et qui amènent une certaine expérience dans ces situations.
HoodLum :
Comme toujours, pour ce genre de mobilisation il s’agit de créer une certaine ambiance. Il semblerait que l’on ait réussi à transmettre à beaucoup de monde en Allemagne et en Europe le sentiment qu’à Hambourg, malgré le risque élevé, il y ait eu quelque chose de possible. Les conditions ont été réunies : d’un côté, la détermination pour la confrontation, de l’autre la capacité à attaquer des lieux super-surveillés et fournir des explications qui parlent directement au cœur des gens. Il y a aussi des mobilisations qui produisent des échos négatifs, comme la conférence annuelle de la sécurité (SIKO) à Munich. Là, il y a en amont le perpétuel blabla communiste qui termine par une manifestation randonnée, qui finit nassée. Dans de telles circonstances, il n’y a rien qui pourrait avoir lieu qui serait adapté à la thématique. Mais à Hambourg, il y a aussi des jeunes et d’autres insatisfait·e·s qui n’ont pas été assimilé·e·s si bien par le système et qui ont, traditionnellement, une certaine proximité avec la résistance chaotique de la gauche radicale. Ils venaient tout le temps aux fêtes de quartier à Schanze et cherchent n’importe quelle occasion pour rendre à l’État leurs humiliations quotidiennes. Le fait que beaucoup de monde était partant est à la fois dû à notre propre agitation mais aussi à la chasse médiatique en amont du sommet. Lorsque les médias écrivent que tel jour dans tel endroit, il y aura beaucoup de pierres jetés sur les flics, alors beaucoup de monde a aussi envie de venir pour faire ça. Ça devait aussi faire partie de la mobilisation que les médias renforcent le message à travers leur propagande : on ne revendique rien, on veut seulement attaquer l’État et la société qui le légitime.
Peter-Pan revient des toilettes : « J’ai loupé quelque chose ? »
Pour conclure, un dernier regard vers le futur. Beaucoup sont encore en prison et seront condamné·e·s à des peines assez lourdes. On peut s’attendre à d’autres enquêtes. A ce niveau, une ombre derrière soi suivra longtemps le G20. Comment continuer ? Comment faire avec la répression et quelles perspectives peut-on imaginer avec ces journées à Hambourg et la période qui a précédé ?
HoodLum :
Comme on peut le voir, il y a déjà quelques réseaux qui s’occupent de trouver de l’argent. Nos devoirs se trouvent dans le fait de montrer aux prisonnièr·e·s et aux autres inculpé·e·s qu’on ne les soutient pas seulement dans les mots, mais aussi matériellement. On doit faire des choses qui continuent à porter la lutte des prisonnièr·e·s. Il y a déjà des lettres de celles et ceux qui revendiquent leurs positions. Idéalement, notre message est que la répression ne fonctionne pas comme ils veulent de manière préventive et empêche les gens de faire des choses, mais que la répression continue à alimenter l’atmosphère et que des gens qui ne se seraient jamais rencontré·e·s rentrent en contact. Mais en général, on n’est pas très bien organisé·e·s au niveau de la répression en Allemagne, il y a souvent une approche plus individuelle qu’ailleurs. Je me demande s’il est clair pour tout le monde que plus il y aura de la résistance, plus il y aura de prisonnièr·e·s. Pour moi, les perspectives sont clairement liées à une meilleure façon de se connaître entre activistes, nos formes d’actions et les villes et situations d’où ils viennent. On devrait confronter nos théories souvent trop abstraites avec leurs fonctionnements. Par exemple ce que signifie l’affinité : après une longue période de voyages émeutiers, la coordination des cycles de luttes doit aussi avancer et il faut aussi pouvoir discuter des choses concrètement et pas seulement à travers des textes publiés. Ça pourrait être la prochaine phase si, à travers l’Europe, on arrivait à se coordonner sur des thèmes ou des entreprises contre lesquelles travailler, ou bien se retrouver ensemble dans la rue et ce, sans appel public. On devrait détruire le sentiment intérieur d’un « chez nous » et être vraiment prêt·e·s à être partout pour pouvoir participer à des luttes. J’ai par exemple été surpris·e qu’il y ait eu en mars de cette année à Copenhague une émeute pour les 10 ans d’Ugdomshuset et que presque personne n’était au courant en amont. Ça pourrait être une perspective de partager plus de discussions et d’organisation pour ce type d’actions en amont afin qu’il y ait plus de monde qui y participe.
Peter-Pan :
Le sentiment de ne pas être vraiment bien organisé pour faire face à la répression maintenant, mais aussi à celle à venir, je l’ai aussi, mais je pense que certaines lettres et déclarations de prisonnièr·e·s ont pu donner un peu de courage. Avec certaines déclarations, on se rend compte que la lutte ne s’arrête pas avec l’incarcération mais au contraire qu’elle en est une partie. Aussi, beaucoup d’actions en solidarité avec celles et ceux concerné·e·s par la répression montre que les mises en relation qui ont eu lieu en amont continuent maintenant. Les actions à Hambourg, mais aussi les actions en amont, tout comme l’atmosphère médiatique, montre que l’ambiance que l’on évoquait avant, n’est plus arrêtable à partir d’un certain moment. Là, l’État peut essayer de faire ce qu’il veut…
Je pense que la campagne en amont a créé une bonne perspective pour continuer à mettre les luttes quotidiennes, ces contenus et formes d’actions en relation. Peut-être que ça va continuer maintenant ? Le regard sur un autre endroit du monde peut, par exemple, permettre ici de nouvelles discussions autour des formes d’actions qui depuis longtemps ne sont plus ou pas du tout utilisées ici. Aussi le focus sur notre propre rôle dans la domination qui était thématisé dans certains textes en amont, mais aussi maintenant, après le sommet, donne une bonne base. Si les différent·e·s actrices et acteurs se confrontent à leurs propres exigences et leurs besoins, on peut s’éloigner des luttes de représentation pour arriver à une formulation propre des perspectives.
Chuzpe :
Le champ de la répression offre en général également une bonne plateforme d’attaque. Spécialement aujourd’hui où la digitalisation de la surveillance et les technologies de sécurité se développent très vite et où tous les grands événements sont utilisés comme des tests des nouvelles méthodes de la contre-insurrection, cela pourrait être un but de montrer et attaquer les dégueulasseries et les entreprises qui en tirent profit. La répression a déjà été sous-traité depuis longtemps et les flics sont dépendants de la technologie des boîtes privées de sécurité. Ça se voit très bien à travers Hambourg : jamais dans l’histoire de la criminalité il y a eu tant de matériel photo et vidéo exploité par la police lors d’un événement. Sur un portail internet qui a été ouvert exprès pour l’occasion par la police, il y a déjà eu plus de 7000 fichiers envoyés par des particulièr·e·s. Là où avec une telle quantité de matériel, ça aurait été impossible de retrouver une aiguille dans une botte de foin, aujourd’hui avec l’aide de logiciels de reconnaissance faciale, comme celui produit par l’entreprise de Dresde, Cognitech, les données peuvent être analysées en peu de temps. Ça, c’est une nouvelle sphère de la répression que l’on ne peut pas laisser de côté. Ici, il faudrait alimenter des discussions, partager des informations pour pouvoir développer des contre-mesures, mais aussi pouvoir intégrer des pratiques dans la lutte contre la répression. Chose qui a aussi déjà un peu eu lieu et a été thématisé au sujet du congrès annuel de la police à Berlin. Là, j’y vois des points de départ sur comment on pourrait opposer à la répression une réponse offensive dans une lutte concrète. Après, je partage l’analyse des deux autres, comme quoi on doit essayer de rester mobiles. Après Athènes, Francfort, Milan, Paris, Hambourg, il se trouvera d’autres lieux où nous rencontrer et conspirer. En dehors des métropoles, il y a beaucoup de luttes intéressantes qui donnent aussi cette possibilité, comme la forêt de Hambach, Bure, Notre-Dame-des-Landes ou encore bien d’autres lieux où il y a une zone autonome à défendre. Ces moments de retrouvailles sont très importants et permettent de mettre des accents et développer des projets qu’on pourrait continuer à porter à un niveau local.
Merci beaucoup pour cette discussion, en espérant vous voir bientôt de nouveau dans la rue, derrière des barricades ou au Rewe. Tschüss !
[1] Expression de la région d’Hambourg pour dire « Salut ! »
[2] En revanche, nous appelons à une campagne en vue du G20 contre toute forme de domination. Nous voulons détruire jusqu’au mois de juillet 2017 (et même si ça ne peut être que symbolique…) la domination du patriarcat sur les femmes, la domination de l’État aux frontières et dans les centres urbains, la domination du travail sur nos vies quotidiennes, la domination de l’argent sur nos comportements au sein de la société, la domination des marchandises sur nos vies, la domination des flics dans nos têtes quant à la peur de la répression.
Chronologie de la coordination d’actions directes contre le G20
Berlin, 16 août 2016 : des pierres contre des profiteurs de la prison et le bureau du PS
Hambourg, 7 septembre 2016 : des pierres et de la peinture contre Chinese Ocean Shipping Company (COSCO)
Berlin, 8 septembre 2016 : sabotage contre une antenne de communication de la police
Hambourg, 23 septembre 2016 : incendie de la voiture du directeur de police Treumann
Hambourg, 16 octobre 2016 : attaque contre la villa du président de banque Peters
Francfort, 21 octobre 2016 : attaque contre le Philosophicum
Brême, 23 octobre 2016 : incendie de 18 véhicules de l’armée
Dresde, 3 novembre 2016 : incendie d’une voiture de Thyssenkrupp
Berlin, 7 novembre 2016 : de la peinture contre la police municipale
Berlin, 6 novembre 2016 : incendie contre plusieurs véhicules de la Telekom
Berlin, 8 novembre 2016 : incendie d’une pelleteuse
Berlin, 11 novembre 2016 : incendie d’un véhicule de Thales
Berlin, 23 novembre 2016 : attaque contre l’entreprise de bâtiment Hochtief
Hambourg, 26 novembre 2016 : attaque incendiaire contre l’entrée de la foire de Hambourg
Athènes, 30 novembre 2016 : attaque contre le bureau de l’entreprise de sécurité S.C.S.
Hambourg, 5 décembre 2016 : de la peinture contre l’appartement d’un politicien du PS
Leipzig, 6 décembre 2016 : incendie de trois voitures de la police municipale
Berlin, 6 décembre 2016 : attaque incendiaire contre l’entrée d’une station de police
Brême, 9 décembre 2016 : des pierres et de la peinture contre la Deutsch Bank
Francfort, 10 décembre 2016 : incendie d’une voiture banalisée de police
Athènes, 12 décembre 2016 : une bombe contre le ministère du travail et de l’Eurobank
Leipzig, 16 décembre 2016 : incendie d’une voiture de police
Berlin, 25 décembre 2016 : incendie d’un algeco de la police municipale
Berlin, 29 décembre 2016 : incendie d’une voiture privée d’un policier
Lund (Suède), 27 décembre 2016 : vitres brisées et tag sur une banque
Berlin, 31 décembre 2016 : peinture sur des bâtiments de luxe
Leipzig, 1er juin 2017 : incendie d’un Pôle emploi
Berlin, 6 janvier 2017 : incendie d’un véhicule de Sodexo et de Vodafone
Berlin, 10 janvier 2017 : vitres brisée au Pôle emploi
Münster, 11 janvier 2017 : des pierres et de la peinture contre le palais de justice
Francfort, 18 janvier 2017 : incendie d’une voiture d’une entreprise de sécurité
Berlin, 27 janvier 2017 : vitres brisées et de la peinture contre un fabriquant de software PSI
Hambourg, 28 janvier 2017 : vitres brisée contre l’agence de publicité Jung von Matt
Münster, 2 février 2017 : vitres brisée contre la Volksbank
Berlin, 6 février 2017 : incendie d’une voiture de diplomate français
Brême, 8 février 2017 : incendie d’une voiture de l’armée
Berlin, 18 février 2017 : attaque incendiaire contre le bâtiment de la police criminelle
Hambourg, 19 février 2017 : de l’acide butanoïque contre MACS
Hambourg, 22 février 2017 : vitres brisées et de la peinture contre des bâtiments symboles de la gentrification du quartier de Schanze
Berlin, 24 février 2017 : de la peinture pour contre le bâtiment de l’institution pénitentiaire de femmes mineures
Berlin, 28 février 2017 : incendie de plusieurs véhicules de Securitas
Berlin, 1 mars 2017 : vitres brisée du restaurant pour riches Vertikal
Berlin, 2 mars 2017 : incendie de deux voitures de l’entreprise Gegenbauer
Hambourg, 3 mars 2017 : sabotage incendiaire contre un pont avec des caméras sur l’autoroute
Leipzig, 5 mars 2017 : incendie d’une pelleteuse et d’un chantier
Berlin, 5 mars 2017 : vitres brisées chez Allianz, Pimco
Brême, 6 mars 2017 : de la peinture et du bitume contre OHB Systems (technologie orbital Bremen)
Francfort, 10 mars 2017 : incendie d’une pelleteuse de Shenk Company
Cologne, 13 mars 2017 : attaque du bureau du PS, registre central des migrants et de l’AfD (équivalent du Front National en France)
Hambourg, 17 mars 2017 : incendie de deux voitures de police
Madrid, 24 mars 2017 : incendie d’un véhicule de la police nationale
Berlin, 24 mars 2017 : des pierres, de la peinture et du bitume contre la police municipale et un bureau des Verts
Hambourg, 27 mars 2017 : attaque incendiaire contre plusieurs fourgons de la police
Madrid, 27 mars 2017 : attaque incendiaire contre une voiture d une entreprise privée de sécurité
Hambourg, 2 avril 2017 : de la peinture et deux voitures brûlées contre des riches, Axel Schröder (MPC) et Jürgen Grossman (ex REWE)
Hambourg, 5 avril 2017 : incendie d’une voiture de Securitas
Hambourg, 6 avril 2017 : de la peinture contre la façade de l’agence publicitaire Scholz and Friends
Lunebourg, 6 avril 2017 : sabotage de plusieurs caméras de surveillance
Wuppertal, 7 avril 2017 : vitres brisées d’un bureau d’huissier
Cologne, 9 avril 2017 : vitres brisées au Pôle emploi
Brême, 18 avril 2017 : attaque incendiaire contre un Pôle emploi
Francfort, 21 avril 2017 : incendie de trois voitures de la douane
Hambourg, 24 avril 2017 : vitres brisées chez la Deutsch Bank
Berlin, 24 avril 2017 : incendie d’une pelleteuse de STRABAG/Züblin
Berlin, 26 avril 2017 : incendie du supermarché Denn
Hambourg, 1er mai 2017 : manifestation sauvage, de la casse contre des fans d’Erdo?an, la Deutsche Bank et de gentrificateurs
Hambourg, 5 mai 2017 : attaque incendiaire contre le parking de la Deutschen See
Bielefeld, 9 mai 2017 : de la peinture contre la Sparkasse
Hambourg, 9 mai 2017 : incendie de deux voitures
Berlin, 17 mai 2017 : inscription gigantesque à l’acide sur l’herbe d’un parc de Berlin « G20 to Hell »
Francfort, 20 mai 2017 : incendie de deux voitures d’Actemium
Hambourg, 22 mai 2017 : attaque contre la maison du chef du parc des expositions de Hambourg
Berlin, 26 mai 2017 : de la peinture de la casse contre des bâtiments municipaux, contre Behörden Spiegel et contre la bibliothèque de la police
Berlin, 1er juin 2017 : du bitume et des pierres contre le Ministère de l’Économie allemande
Nationalement, 1 juin 2017 : de la peinture contre des statuts de Bismarck
Hambourg, 5 juin 2017 : vitres brisée dans un hôtel Mövenpick
Weilheim, 6 juin 2017 : attaque incendiaire contre un bâtiment de police
Hambourg, 9 juin 2017 : attaque contre l’entreprise navale Deutsch Afrika Linien (DAL)
Brême, 12 juin 2017 : incendie de voitures de police banalisées
Madrid, 7 juin 2017 : de l’explosif contre une filiale de la Bankia
Wurtzbourg, 12 juin 2017 : des pierres et de la peinture contre une filiale du supermarché KIK
Hambourg, 12 juin 2017 : incendie d’une antenne relais
Leipzig, 15 juin 2017 : incendie de voitures de la mairie et d’une entreprise d’ascenseur FB-Aufzüge
Nationalement, 19 juin 2017 : sabotage de treize lignes de trains régionaux
Bielefeld, 20 juin 2017 : vitres brisées à la Chambre de l’Industrie et du Commerce
Flensbourg, 23 juin 2017 :: de la peinture contre la Commerzbank
Brême, 21 juin 2017 : incendie de plusieurs véhicules de Vonovia et des pierres contre leur bâtiment
Zürich/Interlaken (Suisse), 23 juin 2017 : de la peinture contre la chaîne d’hôtel Sofitel
Göttingen, 23 juin 2017 : vitres brisée d’une filiale de la Commerzbank
Francfort, 25 juin 2017 : attaque au marteau et aux pierres contre le centre de formation de la Deutsch Bank
Dresde, 28 juin 2017 : incendie d’une voiture de Vonovia
Nationalement, 28 juin 2017 : attaques de plusieurs infrastructures de la police
Osnabrück, 28 juin 2017 : de la peinture contre une station de police
Berlin, 29 juin 2017 : incendie d’un fourgon de Siemens
Berlin, 1er juillet 2017 : manifestation sauvage nocturne de la casse au PS, Pôle emploi et autre…
Berlin, 2 juillet 2017 : incendie de voitures de Vattenfall et de la Deutsche Bank
Iéna, 4 juillet 2017 : vitres brisées au bureau des Verts
Hambourg, 3 juillet 2017 : de la peinture contre la maison de la maire adjointe
Hambourg, 5 juillet 2017 : attaque incendiaire contre un garage de Porsche, 10 voitures de luxe brulées
Athènes, 6 juillet 2017 : attaque incendiaire contre une station de police
Ammersbek, 6 juillet 2017 : vitres brisées d’une station de police
Hambourg, 6 juillet 2017 : une rue commerciale dans un quartier périphérique de Hambourg entièrement dévastée à coup de marteaux
Ostholstein, 6 juillet 2017 : incendie d’une voiture de police
Berlin, 7 juillet 2017 : destruction d’une voiture de la Deutsche Telekom
Hambourg, 8 juillet 2017 : incendie d’une voiture de diplomate
Rostock, 8 juillet 2017 : plusieurs vitres brisées dans une rue commerciale
Magdebourg, 10 juillet 2017 : vitres brisées et tags contre BMW
Dresde, 10 juillet 2017 : de la peinture rouge contre une station de police
Hanovre, 12 juillet 2017 : des pierres et de la peinture contre une station de police
Hambourg, 13 juillet 2017 : vitres brisées chez Rolls-Royce
Bielefeld, 18 juillet 2017 : incendie de six fourgons de police
Berlin, 26 juillet 2017 : incendie d un camion de l’entreprise de construction STRABAG
Eschborn, 25 juillet 2017 : des cocktails Molotov contre une station de police
Paris, 17 juillet 2017 : attaque au cocktail Molotov, vitres brisée et tags contre l’ambassade allemande
Freibourg, 29 juillet 2017 : de la peinture contre la direction de la police et la filiale d’une banque
Leipzig, 31 juillet 2017 : attaque au marteau et à la peinture conte une station de police
Flensbourg, 2 et 9 août 2017 : de la peinture contre des stations de police
Hambourg, 3 août 2017 : incendie d’une voiture d’une entreprise de sécurité
Berne (Suisse), 28 août 2017 : de la peinture contre l’ambassade allemande
Hambourg, 3 septembre 2017 : des pierres et de la peinture contre le tribunal de Barmbek
Stuttgart, 1er septembre 2017 : de la peinture contre le syndicat de police (DpoIG)
Berlin, 27 septembre 2017 : attaque au marteau, à la peinture et avec des pierres de l’imprimerie d’État et du groupe de média DuMont
Brême, 4 octobre 2017 : vitres brisée chez un syndicat de police
Madrid, 5 octobre 2017 : attaque simultané de plusieurs DAB
Hambourg, 5 octobre 2017 : attaque avec des pierres et de la peinture contre le tribunal
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