[ Cet article est tiré du prochain numéro du Monde libertaire,
l’hebdomadaire publié par la Fédération anarchiste et disponible dans de
nombreux kiosques. Vous pourrez y lire d’autres textes à propos du VAAAG,
de la CLAAAC et du contre G8 en général, des temoignages nantais… ]

Du Vaaag à l’âme

Nous sommes dans le dernier trimestre de l’année 2002 lorsque des
initiatives françaises sortent des cerveaux collectifs de plusieurs
groupes. On peut compter entre autres celle de la CLAAAC G8 et celle du
VAAAG, village anti-capitaliste et anti-guerre sur l’initiative du réseau
No Pasaran. No Pasaran invite large (des milieux trotskistes,
écologistes…) pour les premières réunions mais la rupture est inévitable.
Effectivement sous prétexte d’unité, de la nécessité de créer un front
commun, de ne pas apparaître comme de vilains petits sectaires plusieurs
organisations et mouvements refusent de se prononcer pour un réel
anticapitalisme et refusent une rupture avec la gauche institutionnelle.

Anticapitaliste et en rupture avec la gauche institutionnelle

Le refus de se positionner clairement de manière anticapitaliste consiste
à défendre implicitement que le capitalisme peut se réformer et être «
humain ». De la même manière nous verrons régulièrement dans les débats
du Vig (village inter-galactique, rassemblant Attac, LCR et l’ensemble de
la gauche institutionnelle) un souci de réformer le G8 de l’élargir… La
CLAAAC de son coté affirmait dans une conférence de presse juste avant le
28 mai « Non seulement nous contestons la légitimité de ce sommet, mais
aussi la légitimité de chacune de ses composantes. Les chefs d’état, même
« démocratiquement» élu, ne représentent pas les intérêts ni les
aspirations de ceux et celles qui les ont portés au pouvoir, mais ceux
des puissances financières qui leur permet de s’y maintenir. Le système
capitaliste et son corollaire le salariat ne peuvent être réformésŠ»
Cette rupture n’est pas le résultat d’une pratique sectaire, du refus du
débat mais d’un besoin de clarté au risque de revivre les illusions du
communisme autoritaire ou de la social-démocratie. Et que dire de Lula
(qui après s’être rendu à Porto Allegre) accepte l’invitation de Chirac
au G8 afin de proposer la création d’un fond contre la misère et la
famille en taxant les ventes d’armes !

Deuxième point de rupture : les mouvements altermondialistes refusent une
réelle rupture avec le capitalisme et donc avec les organismes,
institutions et partis politiques le gérant. Or il est impossible
d’ignorer la volonté hégémonique de la gauche classique. Les luttes, que
ce soit au niveau social, sur les retraites…, des sans-papiers, du
nucléaire… doivent se mener de manière autonome, sans rattachement avec
les enjeux politiciens, les enjeux de pouvoir et de stratégies et
d’échéances électorales. L’autonomie des luttes est une nécessité ! Et
comment ignorer l’objectif (récupération, flirt électoral…) du PS quand
il souhaite organisé un forum sur la mondialisation à Annemasse (lieux
d’implantation des villages) en invitant les pontes de la sphère
associative (Attac, Cedetim…) Que leur meeting, qui tentait par la même
de faire une véritable OPA médiatique dans un premier temps sur ce qu’il
se passait dans la région, soit annulé par l’intervention et la forte
présence des anarchistes dans la ville est en soit une petite victoire.

Le Vaaag, une alternative en acte

Le pari n’était pas mince : créer un espace autonome de réflexions et
d’actions, créer un lieu autonome qui puisse devenir un véritable espace
de convergence des résistances. Pari réussi en grande partie comme le
prouve les témoignages qui suivent. Certes il ne faut pas faire de cette
expérience une image idyllique, mais elle fut très riche. L’expérience
autogestionnaire ne fut pas complète et certaines personnes ne sont pas
impliquées et ont vécues le lieu en consommateur ou consommatrice. De
même l’implication parfois énorme dans la gestion quotidienne et
logistique du village nous ont parfois empêché d’être des débats, des
échanges politiquesŠ Néanmoins nombre d’espaces ont été le fruit
d’expériences collectives (avec ses assemblées générales, la rotation des
taches et des mandats, l’élaboration collective de projets d’aménagements
ou d’actions…) comme les quartiers/barrios avec leurs cantines, les
espaces accueil/sérénité… Les prix libres (on paye en fonction de ses
moyens) n’ont pas entraîné de déficit particulier… Les débats furent
permanents, de ceux organisés sous les chapiteaux et qui réunissaient au
minimum une petite centaine de personnes à ceux qui naissaient
spontanément autour de peluches, de la vaisselle ou d’un repasŠ

Action directe

Le Vaaag a donc naturellement été un lieu d’émergence d’idées et de mises
en place d’actions. Un débat permanent (qui mériterait à lui seul de
nombreuses pages) existait sur la question de la violence, sur sa
légitimité, sur le regard médiatiqueŠ Un consensus arrivait parfois à
émerger :
– reconnaissance des diversités tactiques, mais les personnes doivent
s’auto-organiser sans impliquer des personnes venues d’une manière
pacifique (pas de mise en danger d’un cortège pacifique par exemple)
– la violence (blocage, occupationŠ) est d’autant plus légitime qu’elle
est portée collectivement, par un réel mouvement et non pas le fruit
d’une avant-garde éclairée. Le mouvement social sur les retraites en est
le parfait exemple : après un mois de manifestation dans la bonne humeur
sans rien donner (même pas l’amorce d’une fausse négociation) l’action
directe, visant le blocage partiel du système, arrive à l’ordre du jour…

Les actions hors du village furent donc multiples : le 29 mai
manifestation festive et d’autodérision à Annemasse, le 30 mai
manifestation a Genève (passage en train gratuit, sans montrer ses
papiers à la frontière) qui se termine par une occupation partielle du
siège de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), le 31 mai actions
contre le meeting du Parti Socialiste, le 1er juin à l’aube action de
blocage visant à ralentir, à désorganiser le sommet : en cherchant entre
autres à empêcher des délégations, le personnel, les traducteurs à se
rendre à Evian…, le 1er juin manifestation de la CLAAAC… Et on ne cite
pas toutes les actions à Genève ou Lausanne.
Meme si les forces de l’ordre avait des consignes particulières afin
d’éviter la bavure comme à Gênes, la police était là pour sécuriser, pour
maîtriser. C’est ainsi que les contrôles furent multiples, qu’en Suisse
plusieurs centaines d’arrestations sont à déplorés, des blessés gravesŠ
On en reparlera.

Malgré tout le Vaaag a été une forte expérience et que l’on est pas prêt
d’oublier et le vaaag à l’âme, on l’a au retour car on se sent seul, on
recherche ces espaces permanents de convivialité, de débatsŠcomme le
prouve aussi les extraits des témoignages qui suivent.

Théo Simon.