TEXTE DE LA LETTRE DU COLLECTIF DE SOUTIEN

à l’attention de :
Monsieur le Premier Ministre
Monsieur le Ministre de l’Intérieur
Madame la Ministre de l’Environnement
Monsieur le Préfet des Deux-Sèvres

Ce 16 septembre 2014
Madame la Ministre, Messieurs les Ministres, Monsieur le Préfet,
Depuis début septembre, le Conseil général du Tarn et son maître d’oeuvre, la CACG (Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne),ont entrepris le déboisement irréversible de la zone humide du Testet, l’une des plus importantes de ce département du point de vue de la biodiversité. Ceci dans le but d’édifier un barrage, présenté d’intérêt général, mais en fait destiné pour 70 % à l’irrigation intensive d’une vingtaine de fermes et pour 30 % au soutien d’étiage (dilution des pollutions). Ce projet a eu pourtant un avis négatif du CNPN (Conseil National de Protection de la Nature) et du CRSPN (Conseil Régional Scientifique du Patrimoine Naturel).
Or, les recours au fond déposés contre les arrêtés préfectoraux ne sont pas épuisés. De plus, l’association France Nature Environnement a découvert que les travaux de déboisement avaient démarré sans que le maître d’ouvrage ait sollicité d’autorisation préfectorale. La décision du Tribunal de Toulouse suite à la demande d’un référé suspensif devait être attendue ce jour.
Des défenseurs de l’Environnement sont sur place depuis longtemps pour s’opposer, légitimement, à ce projet nuisible, mais aussi légalement puisque ces travaux n’ont pas d’autorisation légale.
Malgré cela, sous votre autorité, Madame et Messieurs les ministres,les forces de police du département ont été dépêchées en grand nombre par le préfet du Tarn pour expulser violemment les opposants, dont cinq sont en grève de la faim, et permettre le démarrage de ces travaux destructeurs… et illégaux !

Nous dénonçons votre « Etat de droit » qui ne connaît que la matraque et les gaz lacrymogènes comme moyen de dialogue avec les opposants aux projets d’aménagement du territoire. Nous vous soumettons le témoignage d’une étudiante colombienne, qui s’était enterrée avec d’autres pour stopper les engins et a été blessée sérieusement par la charge de vos policiers :
« Soudain, vers 16h00, alors que les médias sont repartis, une voix rauque résonne à travers un mégaphone, des boucliers et des matraques s’agitent devant mes yeux, la charge est déclenchée. Comme dans un cauchemar : les gaz lacrymogènes, les cris déchirés, le désespoir, les coups,la peur, la pluie. Les troncs et les cailloux qui me recouvrent cèdent sous la pression des piétinements… Je perds connaissance quand une masse vient s’écraser sur mon visage. Je crois m’être réveillée quand j’ai senti mes jambes coincées sous un tronc d’arbre, et mon corps tiraillé par des bras bleus qui cherchent à m’extirper du trou. La douleur à ma jambe droite est telle et le gaz qui pénètre dans mes narines tellement puissant que je m’évanouis de nouveau, accablée par la certitude qu’il ne s’agit pas d’un cauchemar…Je suis rentrée chez moi dans la Drôme mardi matin. Pour compléter le tableau, les officiers de police du commissariat de Valence ont jugé que ma plainte était irrecevable. Après m’avoir fait savoir que je n’avais « rien à foutre dans ce merdier », et que les violences que j’avais subies de la part de leurs « frères d’armes » n’avaient pas été volontaires, ils n’ont accepté de ne prendre qu’une main courante….J’en suis consternée. Moi qui ai quitté un énorme et merveilleux pays comme la Colombie où les autorités sont jugées pour des crimes contre l’humanité et autres violations systématiques des droits humains, je me retrouve à être la victime d’un système français en total désaccord avec ce qu’il prétend représenter et qui tourne de plus en plus le dos à ses citoyennes et citoyens. »

Nous, divers citoyens, associations, mouvements politiques, exigeons :
– Un moratoire sur le projet tant que les recours n’auront pas été étudiés au fond. La nomination d’une mission d’experts le lundi 8 septembre par Madame la Ministre de l’Environnement aurait dû l’entraîner naturellement.
– La remise en cause démocratique d’un tel projet, porté surtout par des élus locaux du Conseil Général du Tarn en situation de conflit d’intérêt, puisque également administrateurs de la CACG.
– Plus généralement, un débat public véritable et la transparence dans tout projet d’aménagement du territoire. Celui-ci doit non pas servir une poignée de décideurs ou d’entrepreneurs qui vont profiter des aides publiques, mais l’ensemble des citoyens. Il doit s’inscrire dans un modèle de société viable et durable du point de vue social, écologique et économique (c’est-à-dire capable de sécuriser les revenus du plus grand nombre). Nous émettons le voeu que l’État de droit, que nombre d’élus au pouvoir invoquent souvent pour légitimer leurs interventions policières, se consacre réellement à la défense du droit démocratique et non pas du droit du plus fort ! !

http://www.rezocitoyen.org/Contre-le-projet-de-barrage-de-Sivens-zone-humide-du-Test.html