Lettre d’information de La Fédurok

LA
FEDUROK – Fédération de lieux de musiques amplifiées/actuelles

et

La
Fédération des Scènes de Jazz et de Musiques Improvisées

Lettre ouverte à M. Jean-Jacques Aillagon, Ministre de la Culture et de la
Communication
Le
8 juillet dernier, lors de l’Assemblée Générale de
la Fédurok au « Run ar Puns » à Châteaulin
(Finistère),
M. André Cayot, conseiller technique aux musiques actuelles à
la DMDTS et Mme Bernadette Rousseaux, en charge du dispositif « Scènes
de Musiques ACtuelles » (SMAC) à la DMDTS, ont exposé les
grandes lignes de la politique de votre ministère en direction des lieux
musicaux .
L’ensemble
des lieux présents a accueilli sans surprise cette orientation
sélective
autour de la notion de lieux structurants qui était évoquée
dans la Directive Nationale d’Orientation (DNO) de février 2002.
Nous avions déjà signifié notre désapprobation de
ce processus de sélection tant dans la méthode que dans ses objectifs.
Nous
avons été particulièrement choqués ce 8 juillet
de constater :

l’existence
d’une liste
qui établit un classement de 45 lieux d’ores et déjà
sélectionnés comme « structurants » et de 28
autres pouvant l’être dans l’avenir, sans critères
objectifs d’observation et d’analyse mais avec, comme nouveau
et unique critère, celui du niveau de participation financière
des collectivités territoriales ;

le
retrait du Ministère de la Culture à l’orée
2005 dans le soutien à une centaine de lieux sans qu’aucun
système de compensations n’ait été envisagé
;

la
remise en cause de l’exception et de la diversité culturelles,
que revendique notre pays tout entier, par le démantèlement
d’un dispositif, rempart essentiel contre la seule marchandisation
des musiques d’expression populaire ;

l’absence
d’objectifs d’aménagement, de développement
et d’équilibre des territoires dans la réflexion du
Ministère de la Culture ;

l’exclusion
des petits lieux principalement en milieu rural ou dans les quartiers
et communes périphériques des grandes villes, à
l’économie
la plus difficile ;

l’abandon
global de l’Etat d’espaces de socialisation, alors même
qu’ils représentent un maillon essentiel de l’irrigation
culturelle au plus proche des populations concernées, pourtant
variées et nombreuses ;

le
refus d’admettre un nombre suffisant d’outils indispensables
à l’expression et à la maturation des évolutions
artistiques de ces musiques, alors que l’on constate un manque
incontestable
de moyens de pratiques, de production et de diffusion équitablement
répartis sur le territoire.

Cette
annonce participe du mépris manifesté à l’égard
de notre secteur de droit privé non lucratif avec : la réforme
du régime intermittent, la difficile consolidation des emplois jeunes,
l’augmentation des charges patronales et salariales, la réduction
de l’ensemble des moyens publics d’Etat (Jeunesse, Education, Politique
de la ville, FASIL, FONJEP, …), l’application souvent zélée
de réglementations inadaptées (bruit, horaires d’ouverture,
…), l’inquiétude quant à l’évolution des missions
de service public du Centre National des Variétés et l’absence
des musiques actuelles, pour ne pas dire des Scènes de Musiques ACtuelles
dans les projets de décentralisation du Ministère de la Culture
et les contrats de plan.
Les
dégâts sont déjà considérables et profonds
: fermetures, licenciements de personnel permanent, réduction drastique
du nombre de concerts, endettement croissant de nombreux lieux, vieillissement
accéléré des matériels techniques, abandon
d’activités
de services (répétition, accompagnement, information, …)
et de toutes idées d’évolution malgré des attentes
fortes de la population.
Nous
constatons que le Ministère de la Culture semble vouloir se cantonner
majoritairement dans la seule logique dominante des industries culturelles.

Depuis
mai 2002, la seule action du Ministère de la Culture en direction de
notre secteur musical a été la baisse de la TVA sur le disque,
pourtant aléatoire mais hautement symbolique de sa vision étroite
de l’économie de la musique.
Pourtant,
alors que les « majors » se partagent 80 % des ventes de disques,
le pourcentage des artistes signés par elles et programmés dans
les SMAC ne dépasse pas 20 %. La quasi-totalité des artistes qui
se produisent dans ces lieux n’est pas diffusée sur les grands
réseaux radiophoniques et télévisés nationaux. La
scène représente pour eux le seul moyen de construire leur
répertoire
et de rencontrer un public.
La
réduction du nombre de lieux et la déchirure que provoquerait
le Ministère de la Culture dans le début de maillage augmenteraient
cette logique destructrice. La pression des industries culturelles se fera encore
plus forte. Les lieux restants dits « structurants », au
développement
encore très hypothétique, seront insuffisants pour accueillir
les artistes émergents souvent en marge de la grosse industrie musicale
et les pratiques amateurs n’auront plus la possibilité de se produire
de façon décente.
Paradoxalement,
ces musiques bénéficient d’un intérêt croissant
et continu, bien sûr de la jeunesse – mais pas seulement – en terme de
fréquentation de concerts mais aussi – et c’est peut-être
le plus important – en terme de pratique artistique et d’action culturelle.
Elles portent en elles des histoires humaines collectives fortes qui ne se limitent
pas à la consommation de produits industriels.
Les
collectivités locales sont de plus en plus conscientes de cela, et pour
un certain nombre d’entre elles, sont désireuses de répondre
aux attentes des populations ; mais elles souhaitent être rassurées
dans leur démarche par un cadre de développement lisible, une
réglementation adaptée et les signes d’une politique volontariste
de l’Etat.
Or
nous en sommes loin !
S’impose
actuellement plutôt un cadre administratif et politique, qui
n’intègre
pas cette nouvelle génération d’équipements culturels
et ces pratiques et marginalise de fait les différents acteurs.
Par
le démantèlement d’un ensemble d’initiatives diverses
issues du terrain, associant souvent collectivités territoriales et acteurs
artistiques et culturels, c’est la tentation de contraindre l’ensemble
des pratiques professionnelles et amateurs à se diriger vers les institutions
publiques, ayant pourtant atteint les limites de leur développement et
leur capacité à répondre à la majorité de
ces besoins nouveaux.

Nous ne pouvons nous résoudre à penser que vous ne nous entendez
pas.

C’est pourquoi, nous vous demandons, solennellement, Monsieur le Ministre
:

de
rassurer au plus vite les acteurs du spectacle vivant musical et les
collectivités
territoriales ;

un
plan d’aide supplémentaire et immédiat aux actuels
SMACs, réseaux et autres lieux musicaux ;

une
définition précise des responsabilités des
collectivités
territoriales et de l’Etat quant au soutien des scènes musicales
qui garantie leur développement ;

la
mise en place d’une mission parlementaire visant à poser
à plat l’ensemble des problématiques du secteur des
musiques actuelles et de préciser concrètement les enjeux
et les modalités d’une politique publique le concernant.

Enfin,
nous demandons la mise en place, au plus vite, au niveau national mais aussi
régional, d’un cadre de concertation véritable qui associe
les lieux, les représentations professionnelles et les représentants
des collectivités territoriales, dans le but de retravailler :

sur
les objectifs et cahier des charges du dispositif SMAC ;

sur
sa consolidation financière et sa pérennisation ;

sur
les cadres administratifs et réglementaires de développement
des lieux en général et de l’accompagnement des pratiques
artistiques (pratiques amateurs et professionnelles) ;

sur
l’inscription de ces pratiques artistiques et culturelles dans les
politiques de décentralisation et de planification définies
entre l’Etat et les collectivités territoriales.

Vous
pouvez être certain de notre engagement sur ces différents points,
et nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression
de notre considération.

Le 18 juillet
2003,
Eric Boistard, Président
de la Fédurok

Michel Audureau,
Président de la Fédération des Scènes de Jazz et
de Musiques Improvisées.

LA FEDUROK

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