Dès la première nuit, où un rassemblement se tenait devant le tribunal du comté, en plus des affrontements avec la garde nationale qui le protégeait, les trois gros camions poubelles qui avaient été placés en travers pour le protéger ont flambé, et le tribunal a perdu plusieurs vitres tandis qu’un début d’incendie grâce à un molotov donnait le ton de la soirée.

De la même façon, le camion-benne municipal placé par les autorités au carrefour menant au commissariat central a vite été consumé, même si les émeutiers n’ont pas réussi à s’emparer du bâtiment pour le réduire en cendres, comme cela s’était produit à Minneapolis le 28 mai dernier, trois jours après l’assassinat de George Floyd. Enfin, entre autres bâtiments attaqués cette première nuit, le complexe scolaire Harborside Academy, financé par la fondation Gates, et le lycée Reuther Central High School qui ont perdu de nombreuses vitres.

Lors de la deuxième nuit d’émeute, le bilan officiel reportait 37 incendies conséquents du centre ville commerçant, dont plusieurs concessionnaires automobiles (Budget Motors, Car Source)  et leur parking entier, le bâtiment de l’administration pénitentiaire (Department of Corrections) qui a été rasé au sol, une agence de crédits bancaires, mais aussi plusieurs commerces comme ce magasin de meubles pillé avant de flamber, cet autre de mobilier de bureaux, ou le magasin Computer Adventure, vidé de ses ordinateurs puis incendié. Une trentaine de bâtiments ont été détruits, et tout cela sans compter les pillages. Sur le mur adjacent à la porte d’entrée du bâtiment enflammé de la Pénitentiaire, on pouvait notamment lire avant qu’il ne s’effondre les tags « Rusten Sheskey [le nom du flic qui a tiré sur Jacob Blake et que les autorités refusaient alors de dévoiler], you caused this -> », « Prison Demolition NOW! » ou « Fire to the prisons ».
Demander justice ou cramer le bâtiment de l’administration pénitentiaire ?
Les restes fumants du Wisconsin Department of Corrections le lendemain matin…
« Fire to the prison », « Prison demolition now ! »

Mardi soir 25 août, plusieurs miliciens et leurs armes de guerre tentaient également de patrouiller à Kenosha pour protéger certains biens, organisés en police parallèle. Pris à parti par de nombreux manifestants et protégés par la police qui a tiré plusieurs balles en caoutchouc contre leurs adversaires, l’un de ces citoyens miliciens amoureux d’ordre et de propriété, Kyle Rittenhouse (17 ans) allait finir peu avant minuit par abattre deux manifestants en les shootant avec son fusil semi-automatique AR-15 : un premier au ventre qui tentait de le stopper, puis un second à la tête qui tentait d’intervenir avec son skate board, et blessant un troisième au bras. Incarcéré le lendemain à Antioch dans l’État voisin de l’Illinois d’où il était venu pour supporter les milices locales face aux émeutiers, son profil sur les réseaux sociaux était “Duty, Honor, Courage – Blue Lives Matter”… Le couvre-feu a d’ailleurs également été décrété à Antioch mercredi soir 26 août pour éviter des représailles, après que son adresse ait commencé à tourner.

Alors que la situation reste extrêmement tendue pour une 4e nuit mercredi 26 août en présence des renforts de la garde nationale, la mère de Jacob Blake a accompli le si habituel job pacificateur des familles en appelant au calme devant une nuée de caméras (« si Jacob savait ce qu’il se passe, la violence et la destruction, il serait très mécontent»), tandis que le chef de la police Daniel Miskinis a expliqué de son côté à propos des deux manifestants assassinés que « le couvre-feu a été mis en place pour protéger, et si ces personnes n’avaient pas été impliquées dans une violation de celui-ci, peut-être que la situation qui a suivi ne se serait pas produite». De son côté, le Président Trump a annoncé l’envoi supplémentaire de troupes de la garde nationale (2000 en provenance d’autres États) mais aussi de flics fédéraux pour conjurer l’anarchie : « Nous ne tolérerons pas les pillages, les incendies criminels, la violence et l’anarchie dans les rues américaines. » Enfin, mercredi 26 août, le gouverneur démocrate du Wisconsin a refusé l’offre fédérale, préférant re-doubler la présence de la garde nationale à Kenosha, pour la monter à 500 membres.

A noter enfin que quelques petites manifestations solidaires avec les émeutiers de Kenosha se sont aussi déroulées mardi soir à Portland (Oregon) et à Louisville (Kentucky), en s’affrontant avec la police.

[synthèse de la presse nord-américaine, 26 août 2020]