Prenons par exemple le cas du développement de la craniométrie au XIXe siècle. Paul Broca (1824-1880), professeur de chirurgie clinique à la faculté de médecine fonda en 1859 la Société anthropologique de Paris avec laquelle il fit avancer l’anthropométrie craniale en développant de nouveaux instruments de mesure et de nouveaux indices numériques. Cependant une des prétendues découverte de Broca fut que l’intelligence des êtres se mesurait à la taille de leurs cerveaux. La femme ayant un cerveau plus petit que celui de l’homme, vous pouvez aisément imaginer les conclusions du scientifique qui aujourd’hui servent encore de « preuve » aux idéologues du sexisme et aux racistes (puisque des « preuves » de l’infériorité des noirs seront également fournies). Il est aujourd’hui établi malgré l’acharnement de nombreux réactionnaires que la taille du cerveau et le degré d’intelligence n’ont aucun rapport et que le poids du cerveau a plus à voir avec la masse corporelle qu’avec les facultés intellectuelles. Les exemples de ce type sont légions dans l’histoire des sciences [1]. Pourtant, aussi fausses soient-elles, ces idées reçues fabriquées par les esprits scientifiques du passé perdurent et sont loin de disparaître, notamment à cause d’un retour du religieux infectieux à propagation rapide. Il est de notre devoir de prévenir et de combattre la réaction, qui devient de plus en plus dangereuse au fur et à mesure que math et physique rencontrent métaphysique. C’est sous le drapeau de la science que l’on impose aux hommes comme aux femmes, un modèle de comportement en nous faisant croire qu’il s’agit de « natures » différentes. Or, ce n’est qu’une construction sociale séculairement ancrée dans nos cultures. Il serait temps de se demander pourquoi les parents et les institutions scolaires continuent de mettre entre les mains des jeunes filles des poupées à habiller et coiffer ou de la dînettes à ranger comme pour habituer la femme à ranger la vaisselle, à devenir esthéticienne, à aimer ça (ou plutôt, apprendre à aimer ça). Pourquoi les garçons eux, n’ont accès qu’à des jeux de violences, des figurines musclées, des armes en plastique et des super héros militarisés ?
C’est parce que le sexisme commence au berceau qu’il est si prononcé. Une des solutions pour l’enrayer est de prendre le problème à la base et de transformer ce que l’on appelle aujourd’hui « l’éducation », qui est en fait le conditionnement/formatage, par une véritable éducation égalitaire (ou les garçons et les filles sont égaux), solidaire (ou l’entraide ne se manifeste pas seulement qu’entre filles ou entre garçons) et fraternelle (ou les différences sexuelles deviennent moteur de curiosité, d’érotisme, de sensualité ou d’instruction plutôt que de haine ou de mépris). Les enfants doivent êtres instruits de façon à ce que pour eux, « homme » et « femme » soient reconnus comme des genres sexuels et non comme des rôles sociaux auxquels ils devront se conformer sans réfléchir aux conséquences morales de ces constructions sociologiques.
Pourtant, le sentiment que les femmes ont tout acquis grâce aux luttes féministes de ces quarante dernières années (contraception, parité, divorce etc.) est largement répandu. En effet, certaines luttes ont abouties à des « droits », mais saurait-on se satisfaire de quelques couches de vernis superficielles dans les manuels juridiques ou dans le vocabulaire légal alors que le fond rance de nos cultures est toujours imprégné de sexisme, et surtout de misogynie ? Certains progrès sont à remarquer mais les fondement des modèles homme/femme traditionnels n’ont jamais été véritablement remis en question à grande échelle ou par de larges groupes sociaux. Les sciences naturelles, la philosophie, l’Histoire, l’anthropologie ne devraient elles pas aujourd’hui servir à détruire les idées reçues concernant l’infériorité des femmes ? Comment se fait il que des personnages comme Eric Zemmour ou Alain Soral ont aujourd’hui encore droit de cité ? comment se fait il que les étudiants en philosophie (ou de toutes autres sciences humaines) soient abreuvés de philosophie masculine tandis que la qualité des travaux de philosophes telles que Hannah Arendt, Judith Butler, Simone De Beauvoir ou Voltayrine de Cleyre ne sont plus à prouver et pourtant majoritairement mis à la trappe ? Comment se fait il que dans les débats historiques moderne l’on ne reconnaisse toujours pas le sexisme comme élément moteur de certaines périodes et évènements historiques ? Le sexisme recouvre ainsi des traditions, des comportements et des idéologies qui posent une différence de statut et de dignité entre l’homme et la femme. Dans la mesure où le sexisme définit le rapport hiérarchique ou non des deux sexes, c’est une forme de catégorisation sociale, morale, politique, religieuse, philosophique, économique, qui impose des normes de comportements aux deux sexes, et dont les deux sexes peuvent également souffrir ou jouir (selon leur position hiérarchique). Abattons les rôles genrés ! les deux sexes sont deux sexes, pas deux rôles construits socialement ! Pia Texte extrait de Non Fides N°1