Nous nous exprimons dans cette lettre pour dénoncer les violences et agressions patriarcales au sein de la ZAD du Carnet.
Il y a quelques semaines, une personne nous a contactée suite à une agression sexuelle, commise par un membre important de la ZAD du Carnet, au sein de la ZAD elle-même.

La personne ayant subie cette agression s’est tournée vers nous, car elle n’a pas trouvé de soutien suffisant au Carnet. Parce qu’on a refusé de la croire, de réfléchir avec elle, d’agir. Parce que son agresseur n’a pas été expulsé de la ZAD, tandis que d’autres agresseurs ayant agi avant et après lui ont eux été expulsés. Il a sûrement eu le privilège de ne pas être confronté par d’autres membres de la ZAD, grâce à son statut au sein de celle-ci. Parce que dans un système patriarcal, l’agresseur est protégé et la victime réduite au silence.

Nous avons collé son témoignage dans l’espoir de faire réagir les membres du Carnet, que ce soit le collectif STOP CARNET ou les zadistes MINT ou hommes cisgenres.

Il y a peu, une partie des membres du Carnet ont fait un post Instagram pour rendre visible ces violences patriarcales qui avaient eu lieu. Il s’agit de personnes sexisées (MINT : Meuf Intersexes, Non-binaires, Trans) qui se sont positionnées et ont présenté des excuses. Merci aux MINT de cette reconnaissance des faits.
Mais cela n’est pas suffisant. La survivante de l’agression a tenté de mettre en place des actions mais elle seule portait la charge mentale de son agression. Elle ne s’est pas sentie soutenue par son plus proche groupe, et elle aurait voulu ne pas entendre que les autres n’avaient pas l’énergie pour confronter son agresseur. L’argument est entendable, mais pour combien de temps ? Car cela fait maintenant cinq mois.

La ZAD du Carnet a maintenant été expulsée mais cela ne change rien: Les individu.e.s qui ont exercé des violences sexistes continuerons à en exercer dans d’autres lieux, s’il ne se passe rien pour qu’iels prennent conscience et reconnaissent leurs faits, si ces violences continuent d’être tolérées. Quelles sont les initiatives prises par les zadistes aujourd’hui en ce qui concerne l’agresseur et la victime ? Réfléchir à plusieurs cerveaux sur la question n’est pas acté, le processus de réflexion s’il existe n’est communiqué aucunement.

La réparation n’existe pas. Un corps violenté est un corps vivant avec les traces ancrées des traumatismes. Agresser une personne n’est pas une pulsion. Cette appellation infantilisante et déshumanisante n’existe que pour protéger et excuser les agresseurs. L’agression sexuelle est un acte commis par un être socialisé, capable de retenue, de contrôle à chaque instant de sa vie.
L’agression sexuelle est une violence patriarcale et systémique permettant à l’homme cis d’asseoir sa domination. Il n’est pas possible que la culture du viol se perpétue en toute impunité dans la société comme dans les milieux militants.

Nous exigeons de l’agresseur reconnaissance des faits et excuses publiques envers la personne concernée, qui est, comme quasi systématiquement, silenciée. Silenciée par la remise en cause de sa parole, par le soutien qui a été porté à l’agresseur et le refus de le confronter. Silenciée car ignorée. Ne rien dire c’est cautionner, ne rien faire c’est cautionner. C’est une double violence pour la victime que de ne pas être cru.e, pas suffisamment épaulée dans la recherche de solution. C’est pourquoi une prise de conscience de la part de l’ensemble des membres du Carnet est nécessaire, et pas seulement de la part des MINT.
Toute victime ayant subi une violence patriarcale devrait pouvoir s’exprimer à ce sujet et être cru.e et soutenu.e.

Pour toutes les personnes ayant été victime de violence dans ces milieux-là, ON VOUS CROIT. Parlez, votre souffrance est légitime, votre voix compte.
Pour les collectifs : écoutez, agissez, chaque voix compte. Les erreurs sont ok, la non-remise en question, la flemme et l’inaction beaucoup moins.

La lutte sera intersectionnelle ou ne sera pas. Trop souvent encore, dans les milieux écolo notamment, des hommes cis blancs oublient de se décentrer de leur condition de privilégiés. Au Carnet, ils prennent souvent trop d’espace dans les discussions, dans les actions, sans laisser de place à d’autres. Au Carnet, plusieurs personnes ont été agressées physiquement, verbalement et/ou sexuellement (agressions sexistes, transphobes notamment).
Nous demandons la mise en place systématique de l’écriture d’une charte concernant les comportements et violences sexistes et sexuelles lors de l’implantation d’une ZAD comme l’a fait la ZAD de la Colline en Suisse.

Nous demandons des temps collectifs d’échange et de remise en question entre membres de ZAD afin de déconstruire, en parallèle de la lutte anti-capitaliste que vous menez, les biais sexistes, racistes, transphobes, validistes, islamophobes, classistes dont chacun.e est imprégné.e.

Nous demandons de prendre action face à toutes les agressions sexistes et sexuelles sans exception.

Il est inadmissible de dénoncer et d’agir sur les violences infligées sur le vivant tout en restant inactif, en violentant et méprisant des humain.e.s. Être un.e militant.e « de gauche », et/ou un.e zadiste, n’est jamais un gage de respect des camarades.

Faut-il rappeler que le dérèglement et l’exploitation planétaires touchent et toucheront d’abord les personnes opprimées à savoir les personnes précaires, racisées, sexisées, en situation de handicap ? Votre militantisme au sein de la ZAD et des ZAD à venir doit suivre la logique d’une lutte contre toutes les formes d’oppression et de soutien à toutes les personnes les plus impactées par le capitalisme. Votre militantisme se doit d’être horizontal dans les dires comme dans les actes, la lutte au Carnet aurait dû se dérouler dans la bienveillance et le respect de chacun.e. Et il n’est jamais trop tard pour agir. Sans quoi, des mesures doivent être prises quel que soit l’investissement des personnes ayant des propos ou comportements problématiques.

Pour une lutte qui cesse de reproduire les oppressions d’un système patriarcal, pour que les survivant.e.s ne soient plus seul.e.s avec la charge d’une agression dont iels ont été la cible, pour qu’elles ne soient plus jamais silencié.e.s et leurs paroles remisent en doute, pour que les agressions ne durent pas dans le temps soutenues par l’inaction des collectifs, pour inspirer encore d’autres collectifs dans la lutte contre toute forme d’oppression et que ces affaires soient des exemples d’humanité et de lutte horizontale, nous demandons aux membres du Carnet d’agir. Depuis écriture de cette lettre, nul n’a répondu. Ne peut-on plus rien attendre de ce.lles.eux qui se disent militant.e.s du Vivant ?- écrit et pensé par un paquet de militantes nantaises. L. a convaincu du monde, elle est puissante.