Je fais de mon mieux (y compris pour l’écriture inclusive) et chacun fait de son mieux avec son bagage de la vie.

Mais merde les agressions.

Après une agression sexuelle qui s’est déroulée à la ZAD du Carnet dans les premiers jours où je suis arrivée,
j’ai vécu les ressorts de la société patriarcale et de la culture du viol ainsi que plusieurs tentatives de silenciation après une autre agression sexuelle qui m’a concerné directement cette fois.

C’est pourquoi je viens porter ma voix sur ce sujet. Je ne veux pas être partie de la ZAD du Carnet sans avoir apporté un message important à mes yeux : la lutte contre le Capitalisme est indissociable de la lutte contre le Patriarcat.

Pour vous raconter, en arrivant à la ZAD du carnet, je voulais beaucoup de justice, de sincérité et d’horizontalité. Je voulais d’autant plus de soutien et de compréhension face à la situation d’agression sexuelle.

Maintenant j’ai été appelée exigeante parce que je veux ce que je veux,
J’ai été appelée égoïste parce que je souhaite que l’on s’empare collectivement du sujet qu’est la place de la femme et des minorités de genre en milieu militant. J’ai pu rencontrer une personne qui a réalisé son mémoire dessus d’ailleurs.

Je suis en apprentissage de mes besoins propres depuis six mois, après avoir vécu de la violence conjugale durant plusieurs années. Cette fragilité émotionnelle, j’en ai discuté avec plusieurs personnes de la ZAD dans les premiers jours qui ont suivi mon arrivée.
Mais impossible de « prévenir » tout le monde tant nous sommes nombreux.ses

J’ai ainsi posé mes limites par rapport à l’alcool : c’est OK chacun.e. est dans son processus et détient sa propre réalité, maintenant je ne souhaite pas cela pour mon espace.

Je l’ai dit et puis un jour, pour des questions de place pour dormir, je ne me suis pas sentie respecter dans mes limites parce que, un homme cisgenre m’a demandé
« en quoi cela te dérange de dormir à côté d’un mec bourré ? »
La personne qui m’a posé cette question, à mon sens violente et intrusive, s’est excusée plusieurs semaines après.

J’adoptais à la base une posture très contrôlante depuis mon arrivée en Zone à Défendre, pour ne pas montrer que je me sentais en insécurité sur ce sujet. Je n’en ai pris conscience que plus tard.

Et là c’était trop pour moi, je ne lui ai pas répondu de manière politiquement correcte, comme certain.e.s l’auraient attendu de la part d’une femme cisgenre.

Mais face à ce que j’interprétais comme une remise en question de mon vécu, j’ai fait une crise d’angoisse, chose qui m’est déjà arrivée une fois dans ma vie quand j’étais face à choc émotionnel fort.
Je vous laisse en déduire que je n’étais plus en capacité de comprendre ce dont j’avais besoin à ce moment là à la ZAD du Carnet, c’était vraiment compliqué dans ma tête car je ne comprenais pas encore les traumatismes ravivés.

Je suis arrivée à la Zad du Carnet avec une fragilité dont j’avais à demi conscience, mais pourquoi est-ce que cela m’aurait empêché de prendre part à la lutte ?

Tout le monde fait comme il peut, avec ses croyances, ses peurs, son éducation, sa socialisation etc. Maintenant, j’avais peur par rapport à mon passé de revivre de la violence et c’est toujours quelque chose qui est présent pour moi aujourd’hui, peu importe les endroits en autogestion où je vais.

Là en l’occurrence, À la ZAD du Carnet, un homme cisgenre durant ma crise d’angoisse, m’a exprimé que je pouvais venir dormir dans son espace de vie si besoin.
Les nuits étaient froides et l’endroit où il dormait était chauffé, j’ai accepté.
Seulement, après m’avoir réconforté avec mon consentement, cette personne m’a agressé sexuellement.
J’ai été réveillée à trois reprises car touchée à trois reprises. Je ne savais pas si la personne dormait et j’avais peur de vivre un sentiment de rejet si je le réveillais, si jamais.
Je réfléchissais sur le moment à comment me sentir en sécurité malgré tout et me suis dit que j’en discuterai avec la personne le lendemain. J’ai été surprise, sous le choc genre “wtf, il se passe quoi ?”

Les jours qui ont suivi ont été complexes car je n’arrivais pas, au début, à mettre des mots sur ce qui s’était passé. En parler était assez compliqué puisque je m’entendais bien avec l’homme cisgenre qui m’avait touché sans mon consentement.

Puis, ensuite, après en avoir discuté avec une copaine, je me suis rappelée que cela n’était pas consentir que céder.

Plusieurs jours après, j’ai voulu en parler d’humain à humain avec lui. J’ai utilisé la CommunicationNonViolente, avec la personne qui m’avait agressé, mais la personne, pour des raisons personnelles, ne souhaitait pas davantage verbaliser la chose.
Cela m’a beaucoup afffecté que, fasse au terme d’agression sexuelle, qui pourtant jusqu’à juridiquement est une atteinte sexuelle par surprise, nous n’arrivions pas à discuter constructivement. Nous étions dans l’émotionnel, donc ma CNV n’était pas bien utile, même si j’ai fait de mon mieux. Je m’en suis rendue compte après.

Par contre, j’étais dans mon ressenti. J’étais légitime de vouloir lui en parler.

Le lendemain, un de ses amis proches est venu me dire qu’employer ces termes d’agression sexuelle, ainsi que mon comportement, étaient un danger pour l’image de notre collectif, la ZAD du Carnet, que c’était ma “condition de Femme” , que c’était “commun”, je cite.

Certains m’ont littéralement fait comprendre que c’était l’homme cisgenre qui m’avait agressé qui était la victime.
Lui, a verbalisé par la suite que j’avais tout inventé parce que je lui aurais fait des avance qu’il aurait refusé. Cela m’a mis un coup dans le coeur d’entendre ces mots, pour être très transparente.

Finalement, la ZAD était scindée en deux pendant un temps. Beaucoup, si ce n’est la majorité, par manque d’énergie et autre, en ont eu marre que je parle de mon agression. Ce sont leurs mots ou pour d’autres, une interprétation personnelle face à certains comportements.

Entre-temps, j’apprenais les agressions d’autres copain.e.s et certain.e.s prenaient de leur temps d’en parler avec moi. J’ai eu la chance de trouver des oreilles empathiques durant un temps.

On m’a généralement reproché d’avoir fait de mon histoire un problème collectif, mais comme nous l’avons exprimé durant la lecture publique d’un texte rédigé avec des femmes et des personnes transgenre, la lutte est déjà scindée en deux !

Je m’explique : il y a des personnes qui sont prêtes à entamer un travail personnel de déconstruction concernant leurs privilèges et d’autres non, pas encore. Certain.e.s n’étaient pas prêt.e.s à recevoir ce message.

Un.e zadiste autre qu’au Carnet m’a dit un jour : “tu sais l’ennemi le plus clair est l’instance policière et l’état pour nous, mais on oublie parfois que notre premier ennemi, c’est nous-même”.

A la ZAD du Carnet, iels ont majoritairement conscience que c’est un travail sur le long terme, pour en avoir parlé avec plusieurs personnes, de mon point de vue.

Maintenant, j’ai eu la sensation qu’on remettait en doute mon vécu.

Oui j’étais en colère. On m’a repproché ma colère, cette colère légitime que j’ai encore mais que j’ai assurément pas exprimé de la bonne manière.

Mais y a-t-il une bonne manière de réagir face à une agression sexuelle qui nous ravivent des souvenirs psycho traumatiques ?

Oui j’étais en colère de voir que des femmes organisaient un arpentage, une projection de film féministe et que la personne qui m’a agressé ne soit pas venue.

Plusieurs jours après ma démarche de visibiliser mon agression, la personne qui m’a agressé sexuellement a fait des excuses publiques et je l’en ai remercié.
Je me suis excusée pour la manière dont j’aivais exprimé ma colère, mais vous voyez lorsque la personne qui m’a agressé a exprimé je cite “pour elle c’était une agression moi j’ai une perception un tout petit peu différente”,
c’était vraiment difficile à avaler.

Suite à mon agression et celle d’une copaine, j’ai tagué #BalancetonZadiste. Quelqu’un a voulu effacer mon tag car “trop visible dans l’espace public”.

Ma parole à tenté d’être silenciée et j’ai vraiment ressenti un manque de bienveillance tout comme d’autres on pu le ressentir avant moi. Une copaine a écrit un article concernant son agression à la ZAD du Carnet également. Il s’intitule ZAD DE MERDE sur IndyeMedia.

J’aurais pu écrire certaines phrases, qu’une part de moi ressent encore fort, aujourd’hui.

Mais mon but là tout de suite et depuis le début, mon intention était et est de visibiliser qu’en ZAD, nous arrivons tous avec nos conditionnements extérieurs et faisons donc des erreurs.

Néanmoins, ne pas prendre en considération collectivement les agressions c’est être OK avec, ne pas prendre position c’est se rendre complice des comportements d’agresseurs que le système capitalo-patriarcal nous a apporté.

C’est encourager le système capitalo-patriarcal, que pourtant nous combattons tous avec passion au Carnet, que de prioriser “l’image de la ZAD” aux soins aux victimes.

Une ZAD ne peut être que Féministe.
En tant que victime en recherche de réparation là bas, je ne trouvais plus ma place.
Je me suis auto-exclue pour me protéger, et avec l’envie que cette histoire serve.

S’il y a viol au carnet aujourd’hui, qui se sentirait de parler après cela ? Et les auto exclusions, combien de temps vont-elles continuer ?

On ne peut pas traiter les agressions par ordre d’affinité ou d’opinion.
C’est cette logique que j’ai ressenti que la ZAD du Carnet m’apportait.
Je ne cauchemardais plus d’expulsion, je cauchemardais qu’on me huait parce que je parlais trop fort de Féminisme.

Oui et encore oui, mon message a fini par être mêlé à de la colère car oui je l’avoue en toute vulnérabilité, la douleur était forte de voir que moi-même je finissais par douter de ce que j’avais vécu.

Aujourd’hui, le 6 janvier 2021, cela fait un mois jour pour jour que je suis partie.
C’est avec les connaissances que j’ai accumulé sur le sujet des agressions sexuelles depuis neuf ans que je sais ce que j’ai vécu, aujourd’hui.

Maintenant c’est dûr, c’est dûr d’avoir la sensation que les gens préfèrent mettre une agression sous le tapis par peur de voir leur perception des comportements d’une personne changer.

Je sais que cela ne n’a et ne sera pas un cas isolé n’y un à étouffer.

Le Patriarcat pré-existe au Capitalisme et le Capitalisme le renforce.
Le Féminisme Marxiste postule à ce sujet que le capitalisme est intrinsèquement lié à la division sexuelle du travail et permet actuellement l’exploitation du travail non salariés/ non rémunéré des femmes et personnes en minorité de genre, ce qui créé notamment une dépendance économique aux hommes – et de cette dépendance économique par exemple, naît la vulnérabilité.

Le Capitalisme Patriarcale est un ouvrage de Sylvia Federici que l’on m’a recommandé lorsque que j’ai parlé de mon expérience avec des médias écoféministes. Ce ne seront pas les seuls médias avec lesquels je débattrai haut et fort de la place de la Femme et des Minorités de Genre en milieu militant, croyez moi. J’ai à mon compte trois agressions sexuelles, ce n’est pas maintenant que je vais commencer à me taire.

Je tiens à préciser d’un point de vue personnel : j’estime que la lutte anti capitaliste ne peut être dissocié de la lutte anti patriarcale.

A la ZAD du Carnet, on m’a dit “reconcentre toi sur la lutte” . Mais comment, quand c’est ce système économique capitaliste que la ZAD du Carnet valide à mon sens puisque des victimes d’agressions verbales et physiques viennent à s’auto-exclure.

Ma parole mérite d’être entendue. Je le sais et je soutiens que pour détruire le régime de la persistance du renforcement de la domination sous toutes ses formes, il faudrait, à mon sens, que l’on puisse en milieu militant, se mettre face à sa propre souffrance pour la soulager tous ensemble, pour s’entendre et se parler librement, reconnaître nos comportements agresseus.euses ensemble.

Nous avons tou.te.s en nous des comportements d’agresseurs.euses dûs aux conditionnements extérieurs.

Cela fait partie de nous mais cela ne nous définit pas en tant que personnes, en tant qu’êtres humains.

Nous méritons tou.te.s de nous autoriser à pointer les comportements sexistes, machistes, transphobes, classistes, etc, ensemble, et de faire de la désobéissance civile créatrice plutôt que destructrice.

Moi-même je peux avoir ces comportements d’agresseuse du fait d’avoir exprimé ma colère à tout va, je ne sais pas… en tout cas je croirai chaque personne qui me dira qu’elle s’est faite verbalement agresser par moi car c’est le ressenti des victimes qui compte.

Et s’il faut que je passe de l’état de victimes à celui d’agresseuse pour pour faire bouger les choses, qu’il en soit ainsi. C’est un fait. Le ressenti des victimes est la priorité.

J’ai été agressée à la ZAD du carnet, sexuellement, et c’est un fait.

Et même si j’ai toujours peur du regard que l’on peut porter sur ma démarche, et bien je continuerai à visibiliser mon agression. Je continuerai participer à montrer la réalité de la place de l’humain.e en milieu militant.

S’il y a bien quelque chose que le système juridique m’a appris mais que je ne pensais pas devoir me rappeler à la ZAD du carnet c’est : plus on se rapproche de la réalité, plus on a du mal à être cru.e.

Si la majorité des personnes de la ZAD du Carnet ne sont pas prêt.e.s à évoluer et à grandir avec moi sur ce sujet qu’est le Féminisme, c’est qu’on ne se correspond pas à l’heure où je vous parle.

Maintenant, mon rôle dans ce monde n’est et ne sera jamais de rester assise et de laisser la Lutte pour la Préservation de la Nature être moins que la meilleure version d’elle-même, déconnectée d’elle-même, de sa beauté, et de l’Etre-humain.e. J’insiste sur l’Etre de l’humain.e.

Qu’est ce que je retiens de m’être auto-exclue ? Pleins de leçons. Je pensais avoir fui, mais en réalité je me suis protégée.

Si on croit en nous quand personne ne le fait, on a déjà gagné.e. La sécurité on peut la trouver en nous, on a ce pouvoir. Mais bien sûr, l’environnement dans lequel nous vivons est important pour notre équilibre d’Etre humain.e. Nous faisons partie d’un plus grand Tout et ce plus grand Tout fait partie de nous, nous détenons tous les possibles de la Nature, en chacun de nous.

Si on vous a dit comme à moi que vous étiez trop sensible, c’est faux. On ne sera jamais trop humains. Soyons humains. On en a besoin.