#Nantes : Le virus met en danger l’aide alimentaire d’urgence

(mise à disposition publique d’un article payant, honte sur les medias qui font ça)

Déboussolées par le risque de pénurie et par le souci de protéger des bénévoles souvent âgés, des associations de distribution alimentaire tentent de maintenir leur aide aux plus démunis. D’autres ferment.

Combien de temps vont-ils tenir… Et avec quoi ? On va s’adapter, coûte que coûte. On trouvera des solutions. On y arrivera », veut croire Danielle Alexandre. Mais la secrétaire générale du Secours populaire de Loire-Atlantique s’arrache les cheveux, en ce lundi 16 mars bousculé par l’épidémie. Tout est chamboulé. La ramasse (c’est-à-dire le surplus alimentaire récupéré dans les supermarchés, NDLR), on ne sait pas ce que ça va donner. Le Marché d’intérêt général (Min) ferme à la fin de la semaine et c’est là qu’on prend nos produits frais.

Dans les bureaux vétustes et exigus de la rue Paul-Bellamy, l’équipe se ronge pour trouver des solutions. La pénurie menace. Et comment faire avec les bénévoles ? Beaucoup, comme dans l’ensemble du champ associatif, sont des retraités. Des gens âgés à protéger. Qui ne devraient pas s’exposer au contact des bénéficiaires, massés en nombre aux portes des distributions d’aide alimentaire.

Un à un, dehors

Les bénéficiaires. Des femmes, des hommes et des enfants qui, au moins, ne connaîtront pas la galère de la cohue dans les supermarchés. Au 16 du mois, ça fait déjà une paye que beaucoup n’ont plus un centime. Pour ceux qui ont des ressources, même maigres. Si les associations d’aide alimentaire flanchent, comment feront-ils pour se nourrir ?

Les mesures de confinement liées au coronavirus ont déjà mis un coup d’arrêt à de nombreuses structures. Nous avons tout stoppé. Les distributions de vêtements, les activités, ajoute Danielle Alexandre. Tout, sauf les colis alimentaires d’urgence. Nous adaptons le dispositif pour préserver les gens.

Ceux qui viennent chercher leur colis attendent désormais sur le trottoir et entrent un à un. Les bénévoles ont simplifié les gestes au maximum pour servir vite. Avec des gants. Ils font comme ils peuvent, avec ce qu’ils ont. Danielle Alexandre lance « un appel à la générosité du public. Des dons financiers nous aideraient ».

Dix lits d’urgence en moins

Les Restos du cœur, autre poids lourd de l’aide alimentaire d’urgence, inaugurait ce lundi 16 mars son habituelle trêve de quinze jours. Rien à voir avec le coronavirus, indique son vice-président départemental, Jacky Lepron. Mais à cause de l’épidémie, on vient à l’instant de prendre des mesures drastiques.

Un crève-cœur : la Maison de Coluche dispose de dix lits pour le 115, pour l’hébergement d’urgence. Ça, on arrête. On doit minimiser les risques pour le personnel. On ne peut pas se permettre le turn-over. On continue d’accueillir une douzaine d’autres résidents, des habitués. On suspend aussi l’accueil de jour pour les femmes, à Nantes. Mais aussi les maraudes et le bus de nuit qui distribuaient à manger, et ce jusqu’à une durée indéterminée.

Par ailleurs, les Restos n’ont plus vraiment les moyens de faire fonctionner leur plate-forme logistique de récolte et de répartition des dons : Les chauffeurs bénévoles se mettent en retrait et on ne peut pas exposer ceux qui préparent les commandes, qui sont des gens en insertion.

La Croix-Rouge, autre gros pourvoyeur de secours alimentaire, tente aussi comme il peut de gérer le marasme. On a fermé tout ce qui n’était pas vital, pour concentrer l’effort sur la distribution alimentaire à ceux qui en ont le plus besoin.

Mais en même temps, ce qui complique tout, c’est le respect d’un impératif absolu : protéger les bénévoles. Justement, beaucoup ont plus de 70 ans, d’autres sont fragiles. On leur a demandé de rester chez eux. On a recensé les autres, pour qu’ils viennent donner un coup de main.

Il faut aussi bouleverser les façons de faire. Finis les regroupements de bénéficiaires dans le local de la Croix-Rouge. Et tout reste encore à affiner : Ce soir encore, on se voit en cellule de crise.

Brin de causette fermé

Coincé dans l’interminable file d’attente de l’hypermarché Carrefour, Christophe Jouin, de l’Autre cantine, est venu faire le plein pour la confection des repas aux sans-abri dispensés par l’association. On a fermé l’accueil de jour depuis samedi et on limite le nombre de bénévoles qui viennent cuisiner. En gros, on applique les consignes mises en œuvre hier dans les bureaux de vote.

Mais la distribution du soir, à Talensac, continue. Elle se poursuit également dans les deux squats occupés par les demandeurs d’asile sans abri. Mais on est très inquiets, en cas de confinement accru, pour les personnes à la rue », anticipe Christophe Jouin.

De fait, aujourd’hui, les grandes associations d’aide alimentaire aux reins solides improvisent au petit bonheur pour ne pas rompre le service aux plus indigents. Mais elles doivent aussi protéger personnel et bénévoles. Équation vraiment complexe.

Des lieux plus petits s’arrêtent les uns après les autres. C’est le cas de l’accueil de jour Brin de causette, qui offre 250 petits-déjeuners quotidiens, sept jours sur sept, de 7 h à 11 h. La mort dans l’âme, Marie-André Choblet, sa présidente, a dû fermer son petit havre d’accueil des SDF il y a trois jours. 70 % de ses bénévoles ont plus de 70 ans. Ça me fait mal au cœur de baisser le rideau, mais si on veut se retrouver tous ensuite et qu’il ne manque personne, est-ce qu’on a le choix ?

 

source : https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/nantes-le-virus-met-en-danger-l-aide-alimentaire-d-urgence-6782785