Le « gouvernement des Lumières » responsables de l’esclavage, vraiment ? (Une personne a développé cette idée fausse dans les commentaires sur mon profil Facebook en multipliant les anachronismes et les vérités alternatives)

Je parle essentiellement du territoire de la République française et des Lumières qui ont influencé les Révolutionnaires français après 1789. Reprenons : Les Lumières sont un mouvement philosophique dont la plus grande majorité des théoriciens se sont prononcés contre l’esclavage et non un gouvernement. Seuls trois d’entre eux ont vécu après la Révolution, deux ont été guillotinés par les Révolutionnaires « jacobins », et un seul a eu la vie sauve mais n’a jamais été membre du gouvernement.

Les Révolutionnaires, l’Abbé Grégoire en tête, ont aboli l’esclavage en s’inspirant directement des Lumières. Il est vrai que les esclaves ont mené des luttes acharnées pour obtenir l’abolition de l’esclavage, mais en revanche et par ailleurs cela ne change rien au fait que les Révolutionnaires ont aboli l’esclavage.

En revanche, ce qui a échappé à beaucoup d’analystes est que l’Abbé Grégoire et les Révolutionnaires dits « jacobins » étaient des racistes. « Comment ça ? », me direz-vous. Alors qu’est-ce que le racisme ? C’est une idéologie qui consiste à classifier et hiérarchiser des groupes d’êtres humains en fonction de critères arbitraires qui formeraient prétendument des « races ». Le plus souvent, ces critères arbitraires sont la couleur de peau et la morphologie. Or il n’y a rien, biologiquement, qui permette de justifier cela, pas même au niveau comportemental. Deux Irlandais de Belfast peuvent être plus éloignés biologiquement l’un de l’autre qu’un Africain de Dakar et un Français « d’origine franco-française » de Paris. En un mot, les races n’existent pas, le racisme n’a donc pas besoin des races pour exister.

Alors sur quoi se fondait le racisme des Révolutionnaires dits « jacobins » ? Et bien, sur la langue et sur la culture, mais pas sur la couleur de peau. Les Occitans, les Basques, les Bretons, les Corses, les Alsaciens, etc, les noirs, pouvaient être des égaux, certes, oui mais, sous condition de langue et de culture françaises sans quoi ils restaient et resteraient des inférieurs, voire des contre-révolutionnaires. Et cela ressemble étrangement à l’ethno-différentialisme des nazis du Front noir et des néonazis de la Nouvelle droite, même si comme me l’a fait remarquer un ami sur mon profil Faceebook dans les commentaires, le nazisme s’inspirait des anti-Lumières contre-révolutionnaires. Cet universalisme-là, c’est l’universalisme « jacobin », qui admet que nous puissions tous (à l’époque les Révolutionnaires ne se préoccupaient pas tellement des femmes) être égaux et accéder aux idéaux de liberté, d’égalité et d’équité, oui mais à la condition d’avoir d’abord tous la même langue et la même culture, ce qui me fait penser au bouddhisme ou tout le monde est l’égal de l’autre, oui mais à condition de d’abord se réincarner. À cet universalisme « jacobin », s’oppose l’universalisme humaniste qui reconnaît à toute personne, quelques soient sa langue et sa culture, la pleine capacité d’accéder aux idéaux de liberté, d’égalité et d’équité.

Voici un petit florilège de citations de l’Abbé Grégoire :

«les ennemis de la République parlent bas-breton, les défenseurs de la monarchie et de l’autel parlent basque, ceux qui ont juré la perte de la Révolution parlent occitan»

25/05/1794 : Rapport de l’abbé Grégoire sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser la langue française : « Il n’y a qu’environ quinze départements de l’intérieur où la langue française est exclusivement parlée. Encore y éprouve-elle des altérations sensibles, soit dans la prononciation, soit par l’emploi de termes impropres et surannés…Au nombre des patois, on doit placer encore l’italien de la Corse, des Alpes-Maritimes, et l’allemand des Haut et Bas-Rhin, parce que ces deux idiomes y sont très dégénérés.Enfin les Nègres de nos colonies, dont vous avez fait des hommes, ont une espèce d’idiome pauvre comme celui des Hottentots, comme la langue franque, qui, dans tous les verbes ne connaît guère que l’infinitif.C’est surtout vers nos frontières que les dialectes communs aux peuples des limites opposées, établissent avec nos ennemis des relations dangereuses, tandis que dans l’étendue de la République tant de jargons sont autant de barrières qui gênent les mouvements du commerce.Le 14 janvier 1790, l’Assemblée constituante ordonna de traduire ses décrets en dialectes vulgaires…Cependant, j’observerai que, si cette traduction est utile, il est un terme où cette mesure doit cesser, car ce serait prolonger l’existence de dialectes que nous voulons proscrire ».

Source : https://www.facebook.com/sc4p1n/posts/pfbid0g1ZGTwCLK6mhvGFRLBXAQTX5q99296NKpAEKYGQ9ekJu5qL4C6LDja4LREZmsv77l