Le ‘pouvoir’ est dans les mains du chômeur, dans les mains du porteur de compétences. Il lui est possible de choisir à qui, et dans quelles conditions, il va proposer son savoir-faire. Le capitalisme mondialisé n’est pas en mesure de s’en contenter.

A l’opposé, le pouvoir décisionnel se trouve dans les mains des entreprises, lorsque le réservoir à compétences, ANPEisTe, NON-ANPEisTe, CHÔMEUR OFFICIEL, CHÔMEUR NON OFFICIEL (1), RMIsTe, ETUDIANT non Boursier, INTERIMAIRES, RETRAITÉS déborde d’individus capables, le marché fait sa loi. De travailleur pauvre (2) à personnel sur-qualifié, d’heures supplémentaires non payées à minutage de la pause pipi, celui qui possède les compétences doit ‘plier’ s’il veut de l’ouvrage. Dans notre société occidentale, le travail est associé à la socialisation de l’être humain (3). En période de fort chômage, ou en période de sensation de chômage élevé (4) la difficultée de ne pas trouver du travail et finalement l’angoisse de se trouver écarté de la société s’installe. Peut-être plus par peur de ne plus pouvoir se ‘définir’, de perdre son identité, que par crainte de ne pas acquérir les éléments de consommation vitaux. En abusant de ce phénomène, le MEDEF détient le pouvoir de faire reculer n’importe quels acquis sociaux, l’entrepreneur de faire accepter n’importe quelles dégradations des conditions d’emploi « ils [les salariés ayant de l’ancienneté] sont de plus en plus soumis aux horaires extensibles, aux contraintes de résultats, à la pression des ‘clients’ […] autonomisation et polyvalence se conjugent avec montée du stress et souffrance au travail » (5). Pour un jeune diplômé, il vaut mieux accepter une proposition de stage au rabais, voire non rémunéré, que de continuer à chercher ou ‘plus grave encore’ de ne rien faire. Certes, rien ne remplace une expérience professionalisante pourra-t’on rétorquer. Mais est-ce une raison suffisante pour s’auto-exploiter ?

Dans le « marché du travail », qui va acheter des salariés moins chers et plus dociles ?

Dans une logique néolibérale, règne de la maximisation des profits et de la minimisation des coûts, le plein emploi est inenvisageable : ce qui est rare est cher. Ce qui est cher n’est pas compétitif. Ce qui n’est pas compétitif ne génère pas le ‘maximum profit’. Alors, avec officiellement 10 % de chômage, le néolibéralisme asservit, avilie, rend le salarié et le travail flexibles pour que l’employé ne soit jamais nécessaire. Afin qu’il soit remplaçable, jetable, pour être certain de pouvoir rapidement et facilement en changer. Le travailleur (6) devient utile et corvéable, mais surtout pas indispensable ni responsable.

Monsieur de Villepin, en soutenant sans froncer sourcil que la loi sur l’égalité des chances et ses nouveaux contrats vont faire reculer le chômage des jeunes (CPE) des moins jeunes (CNE) et des plus agés (CAE), serait-il en train de lutter contre toute la logique du monde moderne (7) ? Ne serait-il pas en fait l’allié le plus fiable de la lutte contre la précarité ? Au vu de son manque d’engagement anti-capitaliste, il est permis d’en douter… Au vu des multiples avantages proposés aux entreprises (réduction de taxes, augmentation des aides, démentèlement du code du travail…), M Villepin favorise certainement le monde du travail, mais pas les travailleurs. A croire que pour lui, le monde du travail s’arrête là où commencent les conditions de travail.

Le Premier Ministre, en usant de l’article 49.3 pour faire passer en force le CPE, a mis en place une procédure « d’engagement de responsabilité du Gouvernement »: l’article n’a pas été voté, l’Assemblée Nationale n’a pas été consultée. Par ailleurs, le dialogue n’a pas été entamé ni avec les partenaires sociaux, ni avec les principaux intéressés. Ainsi, comme l’explique Raymond FERRETI « pour s’opposer au texte [à un texte adopté en 49.3] il faut renverser le gouvernement » (8). Seulement ce privilège de bousculade de l’échiquier politique n’est permis que pour les parlementaires, et par le biais de la motion de censure si celle-ci est déposée dans les 24 heures suivant la mise en place du 49.3. Tandis que la rue, le citoyen, n’a pas toute sa place dans la constitution. Parfois, elle peut être un indicateur tendantiel à suivre, mais en aucun cas l’habitant de la cité, le citoyen, ne peut s’auto-saisir d’un dossier parlementaire (alors que la plupart du temps, il faut l’avouer, les dossiers nous concernent on ne plus directement (9)). Devant une incapacité telle que ni l’un ni l’autre des groupes politiques français (et ce, malgré les compagnies d’experts dont ils sont accoutrés) n’a été capable de se documenter et de nous informer correctement (ou pire, de nous désinformer grossiérement (1, 4)). Il paraît plus que nécessaire et justifié de réclamer, et d’obtenir, la démission du Premier Ministre et de ses accolites pour irresponsabilité. De réclamer et d’obtenir la dissolution de l’Assemblée Nationale pour malhonnêteté, incompétences répétées et non-représentativité, et enfin la formation de l’Assemblée Constituante pour définir de nouvelles bases démocratiques.

Comme premières propositions il est nécessaire de mettre en place la révocabilité ainsi que le début de la fin de la politique politicienne, la fin du carriérisme politique. De mettre en place des systèmes qui permettront d’éviter, ou du moins de réduire notablement, les tentations de copinage, petit nom sympathique pour ne pas parler de corruption. Il est plus qu’urgent de penser à des garde-fous contre ceux qui favorisent leurs propres intérêts et ceux de leurs relations, au mépris de l’intérêt collectif. Il faut repenser la séparation historique des pouvoirs, judiciaire, exécutif, législatif et prendre en compte les ‘nouvelles’ dominations économique, médiatique, masculine, rapports Nord-Sud …

N’ayons plus peur de subir le monde d’aujourd’hui, ayons le courage de construire le monde de demain.

un jour, ici.
fridje

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– (1) Les chiffres truqués du chômage par Alain Richard, http://citron-vert.info/article.php3?id_article=159
– (2) « En France, deux millions et demi de personnes, notamment des femmes, travaillent et vivent au-dessous du seuil de pauvreté ». ‘Emplois forcés pour les bénéficiaires de l’aide social’ par Anne Daguerre. Le monde diplomatique Juin 2005.
– (3) Par exemple, lorsque deux personnes se rencontrent, se profile rapidement la question fatale « et toi, que fais-tu ? ». Pour cerner une personne, il paraît important si ce n’est nécessaire, de connaître le place qu’il occupe dans la société. L’origine culturelle, la couleur préférée, les hobbies et passions ne sont que très rarement abordés, du moins dans un premier temps.
– (4) L’économiste J. Marseille démontre une autre réalité du chiffre du chômage des jeunes. Alors que la gauche et la droite s’accordent pour annoncer 23% de chômage chez les jeunes, il démontre comment il réduit ce chiffre à 7,8% , soit environ 2 points de moins que le chiffre annoncé pour le chômage de l’ensemble de la population française . ‘CPE : Contre argumentation de choc de l’économiste J. Marseille’. 5 avril 2006 http://nice.indymedia.org/article.php3?id_article=11989
– (5) ‘Précarité pour tous, la norme du futur’ par Florence Lefresne. Le Monde Diplomatique, Mars 2005.
– (6) Travail XIIe s. « tourmant, souffrance », XIIIe s. « dispositif servant à immobiliser les grands animaux, p. ex. pour les ferrer», XVe s. sens mod. : altération (sous l’infl. De la famille de trabs, trabis, « poutre » → travée) du bas lat. (VIe s.) tripalium « instrument de torture formé de trois pieux ». Le Robert, Dictionnaire éthymologique du français, 1994.
– (7) Suivant le décalage actuel du langage, opéré par les communiquants des cabinets ministériels (ce qui rappelle étrangement la fameuse nov-langue que George Orwell avait anticipée dans son livre non moins fameux 1984, ce qui prouve au moins une certaine culture) les valeurs modernistes sont dorénavant assimilées au courant néo-libéral, reléguant le mouvement social à un courant post-moderne, conservateur. Ceci dans le but de supprimer les idées négatives du champ de communication. Exemple Orwellien pour bien comprendre ce glissement sémantique : dans son roman, le ministère de l’information sera renommé ministère des bonnes nouvelles, celui de la guerre (en France la défense) deviendra ministère de l’amour.
– (8) Etant donné la responsabilité du gouvernement mise en jeu par la procédure dont le but premier est d’éviter l’instabilité ministérielle. ‘Le retour du 49.3’ 23 février 2003 par Raymond FERRETI, Maître de conférences de droit public http://rajf.org/article.php3?id_article=1518
– (9) Le 13 Mai 2003 plusieurs centaines de milliers, voire des millions de gens dans la rue contre l’augmentation de l’âge de la retraite, sans aucune flexibilité de la politique gouvernementale. Rien ne bouge. Mars 2003 , 50 millions de personnes dans les rues à travers le monde entier, le même jour pour la même cause, celle de refuser la violence injustifiée, c’est-à-dire justifiée par des mensonges avérés et répétés par quelques personnes parmi les plus influentes au monde. Et rien ne bouge.}