Nous avons vécu la première partie d’un mouvement social d’ampleur contre la réforme des retraites. Presque tout le monde ne veut pas de cette réforme : départ à la retraite repoussé, augmentation de la durée de cotisation, une réforme toujours inégalitaire pour les femmes et les sans-papiers… rien ne va ! Et tout le monde l’a bien compris et exprimé pendant ces 5 premières journées de mobilisation du 19 janvier au 16 février.

Faisons un point critique. Qu’avons-nous à retenir de ce mouvement jusqu’à maintenant dans notre ville ? Les bons comme les mauvais côtés. Et quelles sont les perspectives pour la suite du mouvement, annoncée pour le 7 mars prochain ?

* Un mouvement de masse porté par les syndicats…

Le 19 janvier : 7500 personnes dans les rues de Vannes. Le 31 : autour de 10 000. Les 7 et 11 février : 5000 puis 12 000 manifestant-e-s ! Enfin, 2000 personnes le 16 février. Ce sont des chiffres impressionnants pour notre ville, plutôt habituée au silence feutré des salons bourgeois. Nous avons su montrer que notre classe est bien présente, en masse, à Vannes « la blanche ».

Les syndicats ont largement porté ce mouvement en mobilisant fortement dans beaucoup de secteurs : à l’usine Michelin de Vannes, les profs, les cheminots, les pompiers, l’hôpital, etc. Et ce grâce à l’unité syndicale qui a rassuré beaucoup de monde et les a motivé à venir manifester. En ce sens, les syndicats renouent avec leur rôle historique d’organisation première des classes populaires. Même si, jusqu’à aujourd’hui, des syndicats généralement acquis au patronat n’ont pas encore trahis la mobilisation, il faut tout de même rester prudent-e-s. D’un côté, l’intransigeance du gouvernement, et de l’autre, la détermination de la base à refuser catégoriquement la réforme, imposent à ces syndicats prônant jusqu’alors le « dialogue social » (c’est-à-dire la soumission aux exigences du gouvernement et des capitalistes) de continuer le mouvement. Un appel a même été lancé par l’intersyndicale pour durcir le mouvement et « mettre la France à l’arrêt ».

* …mais dont la forme est resserrée

Dans notre ville la mobilisation est donc fortement marquée par la présence des syndicats : en tête de cortège, cela va de soi, sur les vestes, les drapeaux et dans les parcours de manifestation. Bien que l’ambiance festive soit toujours au rendez-vous grâce aux musiciens et musiciennes de la fanfare invisible ainsi que des batucadas, on ne fait que déambuler sagement dans les mêmes rues à chaque manifestations (ou presque). Peu d’actions se démarquent du cadre restreint de la manif syndicale : des collages de stickers, quelques collages d’affiches et quelques graffs seulement sont apparus en marge des cortèges. Pourtant c’est aussi par ce genre d’actions, même minimes, que nous pouvons mettre la pression sur le gouvernement, faire entendre nos voix. Notons tout de même la présence appréciée de nos camarades rennais-e-s de ASAP-Révolution, venus tracter pour la grève et contre la guerre.

De plus, en dehors des jours de grève et de manifestations, le mouvement social est inexistant. Notre colère ne s’exprime pas sur nos murs ou dans les rues par des tracts, des affiches, des banderoles… Ou alors peut-être qu’elle ne se voit pas : la mairie de Vannes étant très attachée à son image aseptisée de ville « propre » pour plaire aux touristes et aux investisseurs, toute expression de rue (ou « dégradation » en langage bourgeois) est très rapidement effacée…

On ne peut que déplorer la forme que prend le mouvement social dans notre localité : encore trop resserré sur les manifestations, elles-mêmes très serrées par le cadre syndical. Cependant, l’approche du 7 mars et de l’appel à grève reconductible semble motiver les syndicats pour sortir de ce cadre. L’Union Locale CGT de Vannes parle déjà de « grève générale » et le rassemblement est donné place de la Libération, au lieu de l’habituelle (l’éternelle) esplanade du port.

* La jeunesse mobilisée

Malgré tout, il faut se réjouir de la présence de la jeunesse dans les mobilisations. Elle aussi a bien compris l’enjeu de la réforme des retraites pour leur avenir et a su le lier avec ses propres intérêts et revendications, contre Parcoursup notamment. Leur présence régulière et en nombre aux manifestations, derrière une banderole et avec des pancartes, souligne leur capacité à s’organiser. En cela nous les félicitons et les invitons à ne rien lâcher !

Si la jeunesse présente dans le mouvement à Vannes est surtout lycéenne, n’oublions pas les étudiant-e-s et jeunes travailleur-euse-s, présent-e-s également, mais en plus petit nombre et moins organisé-e-s. Alors qu’à Lorient l’université (UBS) commence à s’organiser, on peut espérer que les étudiant-e-s vannetais-e-s se mobilisent également.

Nous sommes une des clés de la réussite de ce mouvement. Le gouvernement a peur de notre mobilisation : en témoigne l’ampleur de la répression contre les blocages de lycées et d’universités. Notre mobilisation est très importante, notamment avec la perspective de grève reconductible le 7 mars prochain, couplée à la grève féministe le 8 mars. Nous devons investir la place qui est la notre : en grève, dans la rue.

* La suite : l’importance de l’organisation

Nous pouvons gagner. Pour cela, il faut amplifier la grève. Il nous faut donc continuer à nous organiser : sur nos lieux de travail, sur nos lieux d’étude, dans nos quartiers… Jusqu’à présent, dans notre département, nous n’avons pas eu d’échos d’AG de grévistes ailleurs que dans l’éducation. Or, c’est par la multiplication des assemblées générales de grévistes, où nous pourrons décider de reconduire la grève et des manières de la mener, que nous ferons avancer le mouvement. Rappelons que l’Assemblée Générale de tous les grévistes d’une entreprise ou d’un secteur est l’organisation de base des travailleurs en lutte. C’est par ce biais que nous pouvons nous unir à la base et lutter ensemble pour nos intérêts, de façon démocratique et autonome des directions syndicales (et parfois contre elles). Avec la perspective de grève reconductible le 7 mars prochain, s’organiser en AG sera l’outil implacable des travailleurs et travailleuses.

Il nous faut aussi nous organiser pour que nos manifestations deviennent de vrais espaces d’expression de notre détermination et de nos revendications. Multiplions les collages, graffs et actions de tous types ; organisons des cortèges revendicatifs, comme celui des écologistes antispécistes ou celui des anarchistes lors de la manifestation du 11 février à Vannes ; faisons déborder le cadre syndical !

Enfin, il faut nous organiser pour agir en dehors des jours de mobilisation décidés à Paris par les directions syndicales ! Pour cela les AG de grévistes seront utiles, les coordinations militantes aussi. Ces actions peuvent (et doivent) prendre des formes très diverses pour être efficace et traduire notre détermination à gagner.

S’organiser nous permet de briser l’isolement. Quel que soit notre statut, étudiant-e-s, travailleur-euse-s, chômeur-euse-s, jeunes ou moins jeunes : organisons-nous, rejoignons la lutte !

Les rendez-vous sont déjà donnés : 7 mars en grève pour nos retraites, 8 mars pour les droits des femmes et minorités de genre, et le 9 on continue ! A nous de faire en sorte que ces journées soient des réussites.

Nous pouvons gagner ! Nous allons gagner !

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Quelques textes pour nourrir les réflexions :

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source : https://herminevnr.noblogs.org/post/2023/02/23/point-etape-retraites-1/