Mesdames et Messieurs les Préfets,

Je vous retrouve après une saison très chargée, où l’Etat a dû montrer en permanence son engagement sur le terrain, et alors que le contexte international est à nouveau marqué par la menace terroriste.

J’évoquerai pour commencer les fronts ouverts durant l’été.

Celui des feux de forêts, d’abord, avec le bilan dramatique que vous connaissez, marqué par les pertes de six sapeurs-pompiers et de quatre pilotes de la sécurité civile. S’agissant de ces derniers, les causes des accidents ne sont pas encore clairement identifiées et les enquêtes se poursuivent. Sans attendre, j’ai demandé au directeur de la sécurité civile de conduire avec les pilotes une réflexion sur les conditions d’emploi des bombardiers d’eau.

A ce stade de l’année, 17 000 ha ont été détruits, ce qui est légèrement supérieur à la moyenne, mais reste très inférieur à ce que nous avons connu, par exemple, en 2003 (60 000 ha), malgré une sécheresse intense et des vents soutenus. J’y vois une nouvelle fois l’impact de la stratégie d’attaque des feux naissants et la plus-value apportée par les unités d’intervention de la sécurité civile, ainsi que la mobilisation des hommes et des femmes chargés de lutter contre les feux.

Je veux souligner aussi les succès enregistrés dans la lutte et la recherche des incendiaires. Depuis le début de l’année, plus de 80 personnes ont été interpellées pour des feux de forêt et de broussailles. Cela prouve qu’une mobilisation forte et une organisation adaptée permettent de combattre avec efficacité des phénomènes que certains considèrent comme une fatalité.

Plusieurs incendies sont imputables à des propriétaires qui ne remplissent pas leurs obligations de débroussaillement. J’insiste pour que vous usiez à leur égard des moyens dont vous disposez, y compris l’exécution d’office à leurs frais.

*

Un mot à présent des rassemblements estivaux. Nous avons, en dépit du contexte international, préservé les renforts saisonniers indispensables pour encadrer ces mouvements. Je veux remercier les préfets de l’Ariège et d’Eure-et-Loir, qui ont géré avec beaucoup de professionnalisme deux rassemblements sensibles. J’observe une fois de plus que le préfet, à condition de s’engager personnellement sur le terrain, est le seul à même de désamorcer les conflits, de mettre en relation l’ensemble des acteurs, de coordonner, d’animer et de rassurer. En cela, il incarne la place centrale que l’Etat doit continuer à tenir, quelle que soit l’autonomie des collectivités.

*

Mais il vous reste beaucoup à accomplir.

Je pense d’abord aux stationnements illicites de gens du voyage. En attendant l’adoption de la mesure législative que j’ai évoquée en juin pour « encadrer » le délai dans lequel le juge doit prononcer une expulsion, je vous demande d’accorder, chaque fois que possible, le concours de la force publique.

Il est parfaitement anormal qu’on s’y refuse au motif qu’il y a trop de caravanes à déplacer. Nos concitoyens en concluent que l’Etat est impuissant à agir, alors que les moyens existent. J’ajoute que cela procure aux fautifs un sentiment d’impunité qui n’est pas acceptable. Vous le savez, un commencement d’exécution suffit très souvent à entraîner le départ de l’ensemble du campement. N’hésitez pas à solliciter les forces de police et de gendarmerie qui doivent engager les moyens nécessaires et qui disposent de techniques éprouvées.

De la même façon, je vous demande d’avoir une approche globale mais ferme à l’égard des campements semi-sédentaires qui s’installent le plus souvent en périphérie des villes. Je ne veux pas que l’Etat reste passif face à des situations que les Français n’acceptent pas.

Je vous rappelle également que j’attends des avancées sur la réalisation des aires d’accueil des gens du voyage. C’est un sujet délicat au plan local mais votre rôle est de convaincre les différents intervenants et de créer des synergies.

*

Dans le même esprit, je vous ai demandé de procéder, pour le 1er novembre, à un recensement des terrains sur lesquels peuvent se tenir des raves et autres free parties. Je comprends que ce travail de recherche soit difficile et je suis prêt à attendre une ou deux semaines supplémentaires si cela doit vous permettre d’aboutir, mais je refuse de recevoir des états « néants ». Vous connaissez tous les enjeux de cette démarche : il s’agit de ne pas entraver l’organisation de petites manifestations, plus faciles à gérer que les teknivals géants.

***

J’aborderai à présent trois thèmes majeurs, sur lesquels vous devez avancer très rapidement : la politique de sécurité, la lutte contre l’immigration irrégulière et notre action en faveur de l’aménagement du territoire.

S’agissant de la sécurité, un point d’abord sur le contexte international et la menace terroriste.

Je vous le dis clairement : notre pays n’est pas à l’abri d’évènements comme ceux survenus en Grande-Bretagne. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous sommes revenus depuis le 7 juillet au niveau rouge du plan vigipirate.

Dans ce domaine le renseignement est essentiel et je veux que vous fassiez des points très réguliers avec vos interlocuteurs les plus concernés. Je demande notamment aux préfets de région de suivre de près le travail des pôles régionaux de lutte contre l’islamisme radical et de s’assurer de la circulation de l’information vers leurs collègues des départements, qui doivent pouvoir à leur tour sensibiliser les services de police et de gendarmerie.

Durant tout l’été nous avons travaillé sur le projet de loi antiterroriste qui sera présenté en Conseil des ministres début octobre et soumis au Parlement cet automne. Ce texte est évidemment une priorité. Il comporte des dispositions novatrices, notamment en matière de vidéosurveillance et de surveillance des déplacements aériens. Nous devons rattraper notre retard dans ce domaine, en autorisant les personnes morales à surveiller leurs abords immédiats et en obligeant un certain nombre d’acteurs publics et privés à s’équiper. Je vais également améliorer les capacités de ciblage et de traçabilité à l’égard de certains individus à risques et les services spécialisés verront leurs moyens d’investigations accrus.

*

En matière de lutte contre la criminalité, j’attends de vous tous un nouveau sursaut.

Ne nous y trompons pas : si les sondages semblent indiquer que l’insécurité est un problème moins présent à l’esprit de nos concitoyens, qui constatent les efforts réalisés depuis trois ans, cela ne signifie pas que la bataille soit gagnée sur tous les fronts, ni qu’on puisse considérer que le plus dur est derrière nous.

J’insiste pour qu’on poursuive et qu’on amplifie le travail engagé en profondeur, car il persiste des points durs bien identifiés. J’attends en particulier de chacun de vous une analyse au plus près du terrain et la mise en place de stratégies et de dispositifs pragmatiques qui collent à la réalité, qui soient pilotés et évalués…

Les résultats sont certes globalement en baisse mais ne me satisfont pas, d’abord parce qu’on observe un tassement et ensuite parce que la baisse globale masque des situations très contrastées. Des exemples:

– Les violences aux personnes : ce domaine n’est pas aujourd’hui maîtrisé. Je peux à la rigueur comprendre que les violences au sein de la sphère familiale soient un sujet délicat à appréhender, mais il faut aller plus loin dans les actions de prévention précoce et d’écoute des victimes. J’ai demandé en juin dernier aux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie de mettre en place une délégation aux victimes et de spécialiser des enquêteurs. Je considère que ce dispositif doit être opérationnel dès cet automne et je vous incite à regarder de très près comment les choses se mettent en place dans votre département, en liaison bien évidemment avec l’ensemble des intervenants du champ de la prévention.

– Les violences aux personnes sur la voie publique et les violences urbaines : je ne peux pas me satisfaire de la situation actuelle, quelles que soient les raisons invoquées par ailleurs pour justifier qu’elles ne diminuent pas franchement, voire qu’elles augmentent en certains endroits. En fait les choses sont simples. Si la situation ne s’améliore pas radicalement c’est parce qu’on n’a pas encore suffisamment « mis le paquet. » Il faut prendre ces problèmes à bras le corps, cibler les secteurs difficiles, les équipes et les individus qui empoisonnent la vie des quartiers, et leur mettre la pression le temps qu’il faudra en changeant radicalement nos méthodes si elles sont peu adaptées ou peu efficaces.

Cet après-midi, j’entendrai 14 d’entre vous partager leur expérience en matière de lutte contre la délinquance et j’en attends des propositions précises qui vous seront répercutées. C’est d’ailleurs un exercice que je renouvellerai avec d’autres dans les prochaines semaines.

Les Français en ont assez des « petites terreurs » qui leur rendent la vie insupportable…qui ne vivent que de magouilles et de trafics et qui continuent à afficher leur mépris de l’autorité et de la règle. Ils en ont assez des familles à problèmes que tout le monde connaît mais que personne ne veut voir. Je vous ai donné des moyens, utilisez-les. Dopez vos GIR si c’est nécessaire, impliquez davantage encore les sous-préfets qui doivent créer localement les synergies avec les élus, l’ensemble des partenaires habituels, associations, bailleurs sociaux et services de l’Etat. Les sous préfets à la ville ne servent pas qu’à attribuer des subventions. Leur vocation est d’être des hommes de terrain qui doivent sillonner leurs quartiers. Assurez-vous que les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance apportent un vrai plus. Elles ne sont pas à ranger au rang des instances qui ronronnent. Ce sont des outils, il faut les utiliser. Il faut leur donner un nouveau dynamisme.

J’ajoute qu’il convient d’inciter les collectivités locales à équiper les lieux les plus vulnérables aux violences urbaines en moyens de vidéosurveillance. La vidéosurveillance permet de déceler immédiatement ce qui fait l’essentiel des violences urbaines, à savoir les incendies de véhicules et de poubelles. De même, en installant des systèmes de lecture de plaques d’immatriculations (LAPI) couplés à l’identification des conducteurs sur les endroits stratégiques du réseau autoroutier et routier, nous serons mieux armés pour lutter contre la criminalité organisée.

Je présenterai également à la fin de l’année un texte sur la prévention de la délinquance. Notre action doit aussi être préventive, car c’est le seul moyen de faire chuter durablement et réellement la délinquance.

Pour vous aider, chaque DDSP et chaque commandant de groupement dispose d’un véritable outil de management : la main courante informatisée pour la police et l’application « commandement du service » pour la gendarmerie. Ces applications offrent une photographie précise de l’emploi des unités et doivent permettre de mieux organiser les services afin de les rendre plus efficients. Je note d’ailleurs, à la lecture des rapports que vous m’adressez, que vous avez des idées très concrètes sur ce sujet.

Chacun d’entre vous doit savoir par exemple à quoi correspond dans la police un « test d’emploi des personnels ». (i.e. répartition par volume et pourcentage du temps de travail consacré par les fonctionnaires aux différentes tâches). Vous devez tous vous interroger sur le taux d’occupation de la voie publique dans votre département. Les directeurs départementaux de la sécurité publique et les commandants de groupements doivent vous présenter régulièrement leurs rapprochements entre les données issues de la MCI ou de l’application « commandement de service » et celles tirées des états statistiques.

Vous pourrez ainsi mieux apprécier la répartition des heures fonctionnaires dans le temps et dans l’espace, la comparer aux moments et lieux de commission des infractions et faire procéder, si vous le jugez utile, aux adaptations nécessaires.

Bref, vous avez les moyens de gagner sensiblement en productivité, car désormais vous savez, département par département, ce que fait la police et ce que fait la gendarmerie. Il est clair que la part des tâches de logistique est trop élevée. Il est clair qu’il y a trop de monde dans les commissariats et pas assez sur la voie publique. Il est clair que les conséquences opérationnelles de la réforme des corps et carrières n’ont pas été complètement tirées. J’entends que cela soit fait. Et quand je dis cela, croyez-moi, je suis déterminé. Il y a beaucoup de progrès à faire.

Il vous appartiendra également de veiller à la mise en œuvre de la nouvelle doctrine d’emploi des compagnies républicaines de sécurité. Des unités supplémentaires vont être mises à disposition, de façon permanente, sur certains sites. Son succès dépend en très grande partie de votre implication. Il s’agit d’une nouvelle répartition des forces au sein de la police. Elle n’a de sens qu’à travers l’engagement de tous les responsables, qui doivent accepter de sortir parfois de leur logique d’emploi.

En ce qui concerne la gendarmerie, l’effort de sécurisation des espaces consenti depuis trois ans, de jour comme de nuit, avec l’aide des escadrons, et qui a permis d’obtenir des résultats probants, sera maintenu au même niveau. L’équipement en véhicules banalisés des pelotons de surveillance et d’intervention implantés dans les zones périurbaines sera intensifié. La mise en place de motos de petite cylindrée très maniables sera encore développée dans les quartiers sensibles pour accroître l’occupation du terrain et favoriser la réactivité face à des délinquants qui savent parfaitement utiliser l’environnement urbain pour se jouer des actions de surveillance traditionnelles. La constitution également d’un pôle de référents « immigration illégale » au sein de chaque escadron départemental de sécurité routière devra permettre d’intensifier les efforts engagés dans ce domaine.

Pour juguler une violence de plus en plus présente à l’égard des forces de l’ordre, j’ai fait conduire en juin une expérimentation de pistolets à décharge électrique. Dès octobre prochain les premières commandes seront livrées. En 2006, plusieurs centaines de TAZER seront mises en dotation et renforceront les capacités d’action des services. Les policiers et gendarmes bénéficieront ainsi de moyens efficaces et modernes leur permettant de mieux lutter contre la violence.

Les polices étrangères qui sont déjà dotées de ces équipements non létaux ont constaté non seulement une diminution significative des blessures occasionnées aux personnes interpellées mais aussi une baisse très nette du nombre d’agents blessés en service. Vous aurez enfin les moyens de faire respecter l’ordre et de ne pas perdre la face. Nos policiers et gendarmes n’encourront pas, quant à eux le risque, à l’occasion de chaque intervention difficile, d’être mis en examen pour violences illégitimes.

Dans le même temps et parce que je suis également soucieux de la professionnalisation des interventions, un premier programme d’une centaine de caméras embarquées dans des véhicules est en cours d’installation. Ces caméras permettront à la fois de mieux protéger les fonctionnaires contre les accusations mensongères et d’identifier les auteurs d’infractions.

J’avais dit que je donnerai les moyens de travailler, les voilà.

Pas de fatalité, pas de fatalisme, pas de réponse molle. Nous savons tous ici que les résultats obtenus sont d’abord le signe, à tous les niveaux, d’une implication et d’un engagement personnel. C’est dans cet esprit que la situation de chaque département doit être examinée. C’est avec cette priorité en tête que j’envisage, si le sursaut demandé ne venait pas, de relancer l’évaluation mensuelle des départements en difficultés.

Tout doit être très clair entre nous. Pour moi, les mesures mises en place ces dernières années sont aussi des investissements sur le long terme. Elles n’ont pas fini de produire leurs effets. En matière de baisse de la délinquance, nous sommes encore très loin d’un étiage. Je vous invite très clairement à un nouvel élan. Après les progrès déjà enregistrés, il faut que nous entamions une nouvelle phase de recul de la délinquance.

*

La criminalité s’exprime aussi sur les routes. Là encore, les progrès ont tendance à se tasser et l’on observe même dans certains départements un retournement qui menace les résultats acquis depuis 2003. Je veux que vous réagissiez fermement et sans attendre.

Au-delà du déploiement des radars, j’attends une action en profondeur sur le terrain de la prévention, du contrôle et de la sanction, particulièrement en agglomérations et sur le réseau secondaire. Vous devez aussi développer les contrôles dans les flots de circulation avec des moyens banalisés. Je ne connais qu’un moyen de passer sous la barre des 4000 tués en 2007 : plus d’ambition et moins de routine.

***

La lutte contre l’immigration irrégulière doit constituer le deuxième axe majeur de votre action.

Lors de notre dernière rencontre, je vous ai fixé des objectifs chiffrés, en vous demandant de procéder, au minimum, à 23 000 éloignements d’étrangers en situation irrégulière cette année. Je constate qu’à la fin du mois d’août, 12 849 étrangers avaient fait l’objet d’une mesure effective d’éloignement : sur huit mois, 56 % des objectifs ont été atteints. Il vous reste donc cinq mois pour accentuer l’effort. J’observe d’ailleurs que, d’une préfecture à l’autre, les résultats sont inégaux.

Or, j’attends de tous une entière mobilisation. Et j’invite les préfets dont les résultats sont inférieurs à la moyenne à se rapprocher du Centre national de l’animation et des ressources (CNAR) pour bénéficier d’un appui opérationnel. Le CNAR d’ailleurs ne sera plus seulement un organisme d’appui aux préfets. Il va devenir un centre d’impulsion, d’animation. Il sera mon relais pour orienter vos objectifs.

Plus encore qu’une obligation de moyens, c’est une obligation de résultats qui vous est fixée. Votre implication personnelle, aux côtés des agents des bureaux des étrangers, des policiers et des gendarmes, est une nécessité. Il est de votre responsabilité de mobiliser vos collaborateurs.

Le décret portant création de la police de l’immigration est en cours de finalisation. Il permettra de mieux coordonner l’action des forces de sécurité et de vous apporter une aide supplémentaire. A partir de 2006, de nouveaux outils statistiques vous garantiront un suivi plus précis des mesures d’éloignement.

Il vous faut aussi ne pas hésiter à utiliser toutes les marges de manœuvre autorisées par la loi. Elles sont réelles. Vous devez ainsi faire usage des pouvoirs que vous donne le code de l’entrée et du séjour des étrangers, quelles que soient les sollicitations locales. Je vous demande de savoir résister aux pressions de tels ou tels « collectifs » ou « coordinations », qui ne représentent qu’eux-mêmes.

Il vous appartient également de combattre certaines idées reçues. Je rappelle, en particulier, que les ressortissants roumains ou bulgares en situation irrégulière ne bénéficient d’aucune protection juridique particulière contre l’éloignement : le fait que la Roumanie et la Bulgarie soient candidates à l’adhésion à l’Union européenne n’y change rien. Je rappelle, de même, que la Cour européenne des droits de l’homme n’a jamais reconnu un quelconque droit de chacun à mener sa vie familiale où bon lui semble ! La jurisprudence est plus nuancée et en cas de contentieux devant le juge administratif ou le juge des libertés et de la détention, vous devez pouvoir défendre efficacement des dossiers bien préparés, si nécessaire en recourant au service d’avocats.

Les mesures décidées lors du comité interministériel de contrôle de l’immigration, que j’ai présidé le 27 juillet, vont renforcer notre capacité à atteindre nos objectifs.

Je ne sous-estime pas, en particulier, vos préoccupations concernant l’accueil des demandeurs d’asile. Aussi, j’ai décidé que le dispositif d’accueil serait piloté par les préfets de région, qui pourront proposer à tout demandeur un hébergement dans un département autre que celui où il aura déposé sa demande. Il importe de savoir où résident les demandeurs d’asile et le versement des allocations dépendra du respect du lieu de vie désigné. De nouveaux instruments de gestion des centres seront mis à votre disposition et 2 000 places nouvelles seront créées l’an prochain. Le régime de l’allocation d’insertion sera aussi modifié, par la loi, pour vous permettre de refuser son bénéfice aux demandeurs qui auront décliné votre proposition d’hébergement. J’ajoute que, évidemment, les déboutés du droit d’asile n’ont aucun droit à être hébergés dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile… Leur vocation est de quitter le territoire.

A cet égard, je sais que l’efficacité accrue de l’OFPRA et de la Commission des recours a pour effet d’augmenter le nombre des déboutés du droit d’asile et de leurs familles, qui pourrait atteindre plusieurs dizaines de milliers dans les mois à venir. Là encore, je ne peux que vous inviter à la stricte application de la loi : les déboutés n’ont pas droit au séjour, sauf exception. Les régularisations en dehors des conditions d’attribution de titres de séjour prévues par la loi ne sont possibles qu’à titre exceptionnel, au cas par cas, lorsque des préoccupations humanitaires toutes particulières y invitent et qu’il paraît totalement impossible de réussir, dans des conditions humaines, un éloignement effectif. J’ajoute que la réforme de l’aide au retour volontaire, qui sera mise en oeuvre dès cette année dans 21 départements, est notamment destinée à faciliter le retour de familles déboutées du droit d’asile.

Pour faciliter les éloignements, j’ai également décidé d’accélérer encore le programme de rétention administrative. Dans les prochains mois, des places de rétention supplémentaires seront ouvertes à Plaisir, Palaiseau, Nanterre, Rouen-Oissel, Marseille, Toulouse, Paris-Vincennes, Metz, Rennes, Lille, Coquelles, Garchy. Le nombre total de places, qui était de moins de 1000 en juin 2002, atteindra 1800 en juin 2006. Des crédits importants sont affectés à cet effort.

La mobilisation contre l’immigration irrégulière passe aussi par une coopération active avec le réseau diplomatique, comme l’a montrée la première conférence préfectorale et consulaire que j’ai présidée à Marseille en juillet. La mise en oeuvre des visas biométriques, en cours dans 5 consulats, sera étendue à une trentaine d’autres d’ici la fin de 2006, puis généralisée en 2007. Un contrôle réel sera exercé sur le retour dans leur pays d’origine des bénéficiaires de visas de court séjour, dans dix consulats très sensibles. Des formations communes aux personnels consulaires et de préfectures seront organisées dès le mois d’octobre et un réseau protégé de transmission d’informations sera créé.

Parallèlement et à ma demande, le ministère des affaires étrangères a engagé la procédure permettant de sanctionner les pays non coopératifs en matière de délivrance de laissez-passer, en limitant le nombre de visas de court séjour que la France délivre à leurs ressortissants. Une dizaine de pays que vous avez identifiés sont concernés, parmi lesquels je citerai aujourd’hui la Serbie-Monténégro, la Guinée, le Soudan, le Cameroun, le Pakistan, la Géorgie, la Biélorussie et l’Egypte.

Je vous demande, en outre, de mener dans chacun de vos départements, d’ici la fin de l’année, une opération exemplaire de lutte contre le travail illégal et les filières d’exploitation d’étrangers en situation irrégulière. Vous vous appuierez sur l’office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre. Vous me rendrez compte des résultats produits par ces opérations de contrôle.

L’action contre les « marchands de sommeil » relève de la même urgence, comme l’a démontré l’actualité tragique des dernières semaines. Il n’est pas question de rester inactif face à de tels enjeux. Je demande à chacun d’entre vous de recenser les immeubles insalubres et les squats. Vous devez, lorsque la sécurité des personnes l’exige, procéder aux expulsions qui s’imposent, en les accompagnant, dans toute la mesure du possible, par des solutions de relogement que vous négocierez avec les partenaires locaux, en utilisant s’il le faut le contingent préfectoral. Je vous demande aussi d’être attentifs aux situations de séjour irrégulier que les marchands de sommeil protègent.

***

J’en viens à présent à l’aménagement du territoire.

Brice Hortefeux et Christian Estrosi vous en parleront plus longuement lors de notre prochaine rencontre, mais je veux évoquer sans attendre la question de l’avenir des services au public.

Depuis 15 ans l’espace rural se repeuple. Il est grand temps d’adopter une démarche nouvelle pour donner aux Français les moyens d’y vivre et garantir entre eux l’égalité des chances. Beaucoup s’y sont essayés, mais l’impact n’a été le plus souvent que cosmétique. C’est pourtant un enjeu capital pour notre pays et j’entends que vous vous y engagiez avec une détermination totale.

Je ne veux plus que les Français soient mis devant le fait accompli et qu’ils apprennent par voie de presse la fermeture de tel ou tel service. C’est une marque de désinvolture, voire de mépris, qui n’est pas tolérable.

Comme je vous l’ai demandé par circulaire, vous devez aller à la rencontre de la population, écouter ses besoins et ses attentes, partir des besoins plutôt que des structures. Cela veut dire aborder l’ensemble de la palette des services aux publics, pour sortir d’un débat focalisé sur ceux de l’Etat. Il faut notamment que les acteurs privés, les professions médicales, les commerçants, les artisans, tous ceux qui contribuent à la construction de l’espace de vie, soient parties prenantes de la démarche et des solutions.

Il vous appartient d’agir à l’échelle que vous jugerez la plus pertinente, en fonction des bassins de vie de votre département, que ce soit l’intercommunalité, la zone d’emploi ou le pays. Au total, je souhaite que les départements se dotent d’un projet, au lieu de subir, année après année, l’effet de décisions venues de Paris. Il va de soi que ce projet devra être raisonnable, élaboré à coût global à peu près constant. Mais il va tout autant de soi que ce projet doit être innovant.

La première des règles du jeu, dont je serai le garant, c’est la loyauté des discussions avec la population et ses représentants. Il est donc essentiel que toute réorganisation soit gelée durant cette période, sauf si elle a déjà fait l’objet d’une très large concertation et peut s’opérer dans le consensus. En revanche, l’immobilisme n’est clairement pas la solution du problème et c’est le message que vous devrez porter.

Les résultats du sondage commandé par la Datar pour vous fournir une base de discussion vous seront présentés cet après-midi. Ils mettent en avant certaines des thématiques que vous retrouverez : la santé, les services aux personnes et en particulier à l’enfance et aux personnes âgées, les transports, et l’école. A cet égard, je souhaite que l’Éducation nationale participe activement à la démarche. Cette étude montre d’ailleurs clairement qu’à l’exception de l’école la demande de proximité de la population rurale ne s’adresse pas prioritairement aux services assurés par l’État.

La mutualisation des moyens, la polyvalence des agents et des structures offrent des possibilités considérables si on sait dépasser les frontières institutionnelles courantes, entre ministères, mais aussi entre services de l’État et des collectivités et entre services publics et privés. La loi du 23 février 2005 ouvre des voies que vous devez exploiter à fond.

J’ai voulu impulser cette nouvelle approche car je sais que les schémas nationaux prédéterminés focalisent les oppositions et ne résolvent rien. C’est en adaptant les solutions au plus près des besoins que l’on fera prévaloir l’efficacité et la qualité sur l’idéologie.

J’attends de vous des solutions concrètes à des problèmes concrets. Pour cela, il vous faudra faire preuve de créativité, d’imagination et de pragmatisme. Je souligne en particulier l’intérêt de la polyvalence des emplois publics. Pourquoi un fonctionnaire de l’Etat ne représenterait-il qu’une seule administration ? Pourquoi un secrétaire de mairie ne pourrait-il pas aussi effectuer des tâches pour le compte de l’Etat ?

Il n’est toutefois pas exclu que ces solutions se heurtent à des contraintes d’ordre national. Je souhaite disposer pour le 15 octobre de vosanalyses sur cette question, pour pouvoir en extraire des pistes d’action avant la mi-novembre. Vos propositions complèteront les travaux, que je suivrai par ailleurs, de la conférence nationale sur les services publics en milieu rural. La démarche institutionnelle et nationale initiée l’hiver dernier et la démarche décentralisée que je vous demande d’entreprendre sont parfaitement complémentaires.

Vos travaux ne s’arrêteront pas en octobre. Vous devrez pousser la concertation à son terme et élaborer d’ici fin décembre des projets concrets et innovants d’organisation des services, inscrits dans une stratégie de moyen terme. Une ligne budgétaire de 20 millions d’euros permettra d’appuyer ces projets.

***

Quatre points très brefs pour conclure :

Au même titre que la réforme territoriale, la réforme financière de l’Etat va maintenant vous mobiliser. Les grandes lignes du budget 2006 sont fixées, mais le projet d’ensemble ne sera présenté qu’à la fin de ce mois. Sachez que le budget du ministère pour 2006 s’élèvera à 13,4 milliards d’euros. A structure constante, les crédits de paiement des programmes augmenteront de 1,8 %. S’agissant des préfectures, la dotation préservera l’enveloppe de fonctionnement allouée en 2005.

Il vous faudra bientôt répartir localement les crédits de chaque programme. Cela vaut pour le ministère de l’intérieur, mais aussi pour les budgets des autres administrations, puisque vous avez la qualité d’ordonnateur secondaire pour les services déconcentrés et que les projets de BOP doivent vous être soumis pour avis. Il est impératif que vous fassiez prévaloir ici les priorités de l’Etat sur le territoire, y compris dans leur dimension interministérielle.

*

S’agissant de la réforme de l’administration départementale, je veux saluer vos propositions qui sont presque toujours ambitieuses et innovantes. Elles ont permis de fixer les orientations que la circulaire du Premier ministre du 28 juillet vous incite à mettre en oeuvre sans attendre, qu’il s’agisse de la création de pôles de compétence, de missions et de délégations interservices ou encore de guichets uniques.

Le véritable enjeu est de mutualiser et de simplifier l’intervention des services de l’Etat, afin de la rendre plus cohérente et plus lisible pour les Français. Profitez de cette dynamique pour engager sans attendre les réformes nécessaires, en concertation naturellement avec les chefs de service.

*

En matière de délivrance des titres, et comme je vous l’avais annoncé en juin, j’ai décidé d’engager sans délai la réalisation de passeports électroniques, afin de mettre notre pays en conformité avec les normes internationales. Ces documents comporteront une puce intégrant, entre autre, la photographie numérisée du titulaire.

Les préfectures conserveront les tâches d’instruction des dossiers et de saisie des données, y compris désormais la scannerisation des photos. En revanche, la production matérielle des titres sera confiée à un prestataire extérieur. L’entrée en vigueur interviendra en novembre.

*

Je terminerai par des éléments relatifs à la gestion du corps, qui ne sont pas indifférents, compte tenu des exigences qui pèsent sur vous et vos collaborateurs immédiats. Le régime indemnitaire connaîtra pour la 3ème année consécutive, une augmentation notable. Ainsi un sous-préfet de classe 5 (début de carrière) ou de classe 1 (préfectable) aura vu son régime indemnitaire progresser de 30 % depuis 2002, voire jusqu’à 45 % grâce à la modulation. Un préfet hors classe aura bénéficié d’une progression de 35 %. J’ai aussi décidé de vous donner une nouvelle marge de manœuvre par la modulation des primes des sous-préfets, laissée désormais à votre décision.

***

Je connais la complexité de vos missions et votre sentiment face aux multiples priorités qui vous sont fixées. Je sais aussi les questions que vous vous posez sur l’évolution de votre rôle face à l’évolution de notre société et de nos institutions.

Je veux vous dire ma conviction que l’on ne plus être préfet aujourd’hui, comme on l’était encore il y a dix ou quinze ans. Ce qu’on attend aujourd’hui de vous, ce ne sont plus seulement des qualités d’administrateur, mais bien une capacité à entraîner et à mobiliser des partenaires devenus multiples, à coordonner et à faciliter.

Cela suppose une parfaite connaissance de vos interlocuteurs, mais aussi du terrain sur lequel vous devez agir. Je suis surpris, à cet égard, que certains ne se rendent jamais dans les quartiers et ignorent ce qui s’y dit et ce qui s’y passe. Comment être efficaces dans ces conditions ?

Votre place et celle de vos collaborateurs sont au moins autant à l’extérieur que dans vos bureaux. Vous devez témoigner de la présence de l’Etat partout où les populations sont en difficultés et en situation d’attente. Vous devez regrouper autour de vous l’ensemble des acteurs concernés et traiter de manière pragmatique les problèmes concrets qui se posent.

Il vous faut vous engager personnellement, résolument et de manière durable dans l’action et obtenir des résultats. C’est votre raison d’être et la source de votre légitimité car c’est bien sur cela que vous serez jugés. Notre réussite collective et les conditions de vie des Français sont à ce prix.