Sur le site d’Acrimed

Publié le jeudi 30 juin 2005

Nous publions ci-dessous, avec l’accord de son auteur, des extraits d’un article publié sur le site de l’Observatoire Nantais des Médias (Acrimed)

[…] Une nouvelle forme de travail vient aujourd’hui parfaire le dispositif d’offre de travail que tentent de faire admettre certaines entreprises ou opérateurs locaux, en particulier dans le domaine des médias. Elle connaît même un boom important et inquiétant. C’est le travail gratuit. […]

Cela ne se passe pas en Inde, en Chine, en Thaïlande ou au Maroc, c’est en France et plus précisément à Nantes que cette pratique se répand dans le secteur de l’audiovisuel [1]. Elle met en scène trois acteurs : des entreprises de diffusion télévisuelles locales, des écoles, principalement privées, et leurs étudiants. […]

Ce recours au travail gratuit n’est pas tout à fait inédit. Depuis longtemps, dans le cinéma, le court-métrage est, dans la plupart des cas, produit dans des conditions de bénévolat absolu. […] Avec la télévision locale, le problème du travail gratuit prend une acuité particulière puisque nous nous trouvons là dans une autre économie que le court-métrage. Les chaînes de télévision locales, qu’elles prétendent répondre, sur des bases associatives, à des missions de service public, tisser du lien social de proximité et de la citoyenneté, ou qu’elles occupent le terrain de la profitabilité publicitaire, recherchent des ressources d’origine variée : des subventions publiques, municipales ou départementales (c’est le cas de Télénantes, qui se présente comme une télévision locale de service public portée par une association [2], de TV Rennes ou TV 10 à Angers), des ressources publicitaires, du partenariat avec des entreprises ou des institutions (c’est le cas de Nantes 7 avec le Football-Club de Nantes et de Télénantes), voire des financements apportés par des actionnaires (comme pour TV Breizh à Lorient),

Nous voyons là des opérateurs locaux, semi-publics ou privés, confier en partie ou en totalité la réalisation de programmes à des écoles audiovisuelles ou de communication locales (Sciences’Com, Cinécréatis, Infocom à Nantes, ESRA, des sections universitaires à Rennes, STS des métiers de l ‘audiovisuel au lycée L. de Vinci de Montaigu), sous le couvert de conventions de stages ou de conventions de partenariat souvent ambiguës. Ces conventions sont parfaitement légales, mais leurs conditions d’application sont contraires au Code du Travail. Les étudiants effectuent sans encadrement – on dit pudiquement « en autonomie » – des tâches qui devraient normalement être effectuées par des salariés déjà professionnels. Ces entreprises ne semblent pas capables ou ne veulent pas proposer de réelles actions de formation avec un tuteur. Elles sont davantage à la recherche d’une main d’œuvre gratuite.

Beaucoup de professions du secteur des médias télévisuels sont touchées par cette concurrence faussée du travail gratuit des stagiaires : les professions journalistiques mais aussi l’ensemble des métiers techniques.

Ainsi, M6 Nantes est une entreprise (qui monte toujours) et qui fait une grande consommation d’apprentis journalistes.

Télénantes pourvoit à certains postes journalistiques, tout au long de l’année, par une rotation de stagiaires issus de Sciences’Com alors que cette école privée, comme son nom l’indique, n’annonce pas de formations au métier de journaliste. Ces stagiaires viennent pourtant de réaliser plus de 70 portraits de nantais qui ont alimenté l’antenne pendant le mois de juin 2005, avec un moment fort lors de la diffusion de l’émission-phare mensuelle de Télénantes : « Transbordeur ».

L’Université par le biais d’Infocom, Sciences’Com, Cinécréatis et le lycée de Montaigu auront réalisé, presque totalement à leur frais, tous les reportages d’au moins quatre numéros de « Transbordeur », émission diffusée sur Télénantes.
L’association universitaire « Dipp » réalise gratuitement, sans participation au financement de sa production, une émission mensuelle « Etudiants, poils aux dents » qui ressemble étrangement à ce que font des étudiants rennais pour TV Rennes avec « Mag d’U ».

Sciences’Com, on peut le constater, réalise régulièrement l’agenda de l’émission culturelle de Nantes 7.Par ailleurs, l’école -comme Infocom- fait écrire par ses étudiants nombre des contenus du portail universitaire « Nantes Campus », projet dont les partenaires sont l’Université de Nantes, Nantes Métropole, l’Ecole des Mines, l’Ecole Centrale etc, mais aussi l’Ecole privée de Design. Ce projet est porté « dans une collaboration originale public-privé » par la société Kosmos, [3]« éditrice de solutions Xnet ».

L’école privée Cinécréatis n’est pas en reste puisqu’elle a organisé parmi ses étudiants un concours débouchant sur la réalisation de six séquences de promotion des chaînes locales : trois pour Télénantes, trois pour Nantes 7. Comment ont été produits ces spots publicitaires, diffusés ou pas ? À qui a profité le travail des étudiants ?

Lors du Festival Ram’Dam, qui s’est déroulé au mois de février 2005 à Nantes, une équipe d’étudiants du lycée de Montaigu s’est retrouvé, sans tuteur réalisateur de Télénantes, à assurer la captation de quatre concerts d’une demi-heure chacun. Ces émissions ont été livrées clé en main à Télénantes qui les a diffusées et rediffusées à satiété. Coût pour la chaîne : zéro euro ; seul le car-régie de Télénantes a été mobilisé pour la captation. Pas une indemnité versée à ces étudiants, qui sans attendre de remerciements, ne s’attendaient pas pour autant à essuyer finalement des reproches sur la qualité de l’image et du son.

Le lycée de Montaigu a également pris en charge pour le compte de Télénantes la captation de spectacles, lors de manifestations comme « Hipop session ».

Il faut par contre saluer France 3 Pays de la Loire, qui, après avoir abusé de stagiaires journalistes, s’est mis en conformité avec le Code du Travail. À la demande de la CGT, la chaîne s’est engagée récemment à rémunérer ses stagiaires quand ceux-ci réalisent des reportages sans encadrement.

[…]

Christian Huteau

Lire la suite et la totalité de l’article sur le site de l’Observatoire Nantais des Médias

[1] Le travail gratuit touche d’autres secteurs professionnels : ceux de l’édition ou de la presse écrite. Voir « Tâcherons de luxe pour presse low-cost ». Observatoire nantais des médias.

[2] Voir, sur le site d’Acrimed : François Le Nours « Le magot des télévisions locales nantaises et ses enjeux ».

[3] www.kosmos.fr