A 14h, partie de la zone de gratuité des Tanneries fut transportée place
du Bareuzai, pour taquiner un centre ville dominé par les commerces et
éveiller les passant-e-s à la possibilité de court-circuiter le système
capitalisme par le don et le recyclage. Pour accompagner les nombreux
vêtements proposés par la zone de gratuité, des tables de presses
contenant littérature alternative et tracts d’information divers furent
installées.

Aux alentours de 15h, les stands furent rembalés pour faire place à la
manifestation. Malgré l’orage violent s’abbatant soudainement sur le
rassemblement, quelques 50 personnes sont restées pour entâmer un défilé
festif, coloré et déguisé, derrière une banderole « pour une ville
autogérée », rythmée par une samba de combat.

La manifestation se voulait singulière, car « active » et « participative ».
Active, pour rompre avec l’habituelle passivité des manifs-défilés, en
agissant directement sur l’objet de notre mécontentement. Participative,
pour permettre à toutes les personnes présentes de vivre l’action et d’y
contribuer directement. Notons également que la plupart des
participant-e-s étaient masqué-e-s de rose, en référence aux pink-blocs
ayant émaillé les manifestations anticapitalistes de ces dernières
années, et pour afficher une unité festive dans le refus du fichage
policier.

Le cortège a d’abord fait halte devant un hôtel IBIS, propriété du
groupe ACCOR. Alors qu’étaient exposés au mégaphone l’implication de la
société dans la politique d’expulsion des sans-papier-e-s, ainsi que son
exploitation des travailleuses d’ARCADE, des affiches dénonciatrices
étaient collées sur les murs de l’hôtel et des bombages effectués sur le
sol.

La manifestation a ensuite visité plusieurs espaces verts, qui purent
gouter les joies de la guérilla jardinière: plate-bandes de fleurs et
étendues de gazon furent agrémentées de plants de tomates, concombres,
courges et autres potirons, accompagnés d’un panneau explicatif incitant
les intéressé-e-s à prendre soin des pousses pour ensuite partager le
fruit de la récolte.

Les publicités jonchant le parcours ne furent pas épargnées,
systématiquement recouvertes par diverses affiches titrant « la pub,
c’est comme la voiture, ça tue, ça pue et ça pollue », « la publicité est
une pollution mentale », « les publicitaires pourrissent notre imaginaire,
pourrisons leurs pubs », « la publicité enferme les femmes dans des
stéréotypes de beauté, dans des situations de soumission – ras-le-bol! »,
« la publicité, c’est la dictature de la normalité et du marché », et « la
publicité prend les femmes pour des objets de consommation – halte au
sexisme, dans les pubs comme ailleurs! ».

Après plus d’une heure de joyeuse déambulation et d’actions,
accompagnées par des explicitations au mégaphone et la samba, la
manifestation prit fin place Wilson, les participant-e-s réquisitionnant
un bus pour rentrer, revendiquant des transports gratuits et la libre
circulation pour tou-te-s, indissociables de la volonté d’une ville
autogérée.

Ci-dessous, le tract distribué lors de l’action:

QUELQUES IDÉES POUR UNE VILLE AUTOGÉRÉE

Nous habitons la ville au quotidien, et pourtant, peut-on dire qu’elle
nous appartient? Nous y sentons-nous tou-te-s à notre aise, pouvons nous
y créer librement, s’y exprimer, l’investir de nos idées? Peut-on la
faire évoluer au rythme de nos envies partagées?

Il semblerait que non. Que chaque mètre carré soit réservé à un
« propriétaire », que les murs soient muets et déserts, que les rues ne
soient pas trop agitées et colorées, que toute action nécessite
l’approbation d’une municipalité.

Nous avons l’audace de penser qu’une autre ville est possible,
construite et gérée collectivement par tous les gens qui se sentent
concernés. Une ville répondant à d’autres critères que ceux de la
rentabilité et de l’autorité. Aujourd’hui, nous vous proposons quelques
premières pistes à explorer pour la réaliser, au travers d’actions
ludiques et concrètes, allant du détournement publicitaire à la guérilla
jardinière, en passant par le collage festif et la samba revendicative!

> CONTRE LES EXPULSIONS, LA LIBERTÉ DE CIRCULATION!

Notre société a décrété des frontières, selon lesquelles un individu est
désirable ou ne l’est pas, sur la base de critères arbitraires. Les
sans-papier-e-s sont de ces gens auxquels on interdit l’entrée à un
territoire, car illes ont le malheur d’être né-e-s « au mauvais endroit ».
Souvent pauvres et condamné-e-s à la clandestinité, victimes de guerres
ou réprimé-e-s dans leur pays, illes sont de plus victimes d’une
véritable chasse à l’homme menée par la police.

Diverses structures y collaborent, et c’est notamment le cas des hôtels
IBIS, propriété du groupe ACCOR, qui n’hésitent pas à transformer leurs
locaux en centres de rétention à l’occasion d’expulsions. Nous ne
voulons pas d’une telle ville-frontière, quadrillée par les flics et
accessible aux seul-e-s privilégié-e-s. Montrons à ACCOR et autres
expulseurs notre désaccord, et pratiquons la solidarité!

> CONTRE LA PUBLICITÉ, LA LIBRE EXPRESSION!

Le paysage urbain est envahi par la pub. A chaque angle de rue, celle-ci
nous persuade qu’elle détient ce que nous désirons, que c’est par la
consommation et la conformité au modèle social dominant que nous nous
réaliserons. La pub apprend aux femmes la soumission, s’approprie leur
corps et dicte d’absurdes règles de séduction. Elle fait baver les
pauvres et conforte les privilégié-e-s dans leur position. Elle
transforme tout en produit de consommation, et sait rendre désirables
passivité et résignation.

La pub est omniprésente, et ne laisse aucune place à d’autres formes
d’expression et à la contestation: quantité d’affiches sont ainsi
méthodiquement retirées des murs, pendant que les rares graffitis sont
effacés. Ne voulant pas d’une ville ainsi asceptisée, nous proposons de
dépolluer les panneaux publicitaires, de se les réapproprier en y
collant nos propres idées!

> CONTRE LES SUPERMARCHÉS, LA GUERILLA-JARDINIÈRE!

Notre alimentation dépend essentiellement des multinationales de
l’agro-alimentaire. Celles-ci jouent aux apprentis-sorciers par la
dissémination aveugle d’organismes génétiquement modifiés, réduisent en
esclavage des sans-papier-e-s dans de nombreux payx européens et
affament le tiers-monde par l’éradication des cultures vivrières, au
profit de leurs semances propriétaires. En tant qu’habitant-e-s des
villes, nous sommes particulièrement dépendant-e-s de ces entreprises,
car nous sommes le plus souvent complètement coupé-e-s de la production
de ce que nous mangeons. Et si la ville pouvait aussi se faire espace
d’autonomie alimentaire?

C’est dans ce sens que s’inscrit la guerilla-jardinière, par la pratique
collective de petites cultures sauvages, éparpillées, subversives.
Pourquoi ne pas égayer de quelques tomates votre trajet de vélo
quotidien, veiller sur les courgettes que vous aurez planté au pied d’un
arbre du quartier, puis les partager? Armé-e-s de semances diverses et
variées, nous proposons d’investir les plates-bandes et autres espaces
verts abandonnés!

Sur ce, à vous, à nous de jouer! Si ces idées vous interpellent, passez
donc en discuter à l’espace autogéré, et découvrir dans le même temps
notre zone de gratuité et ses vêtements à prendre ou à donner, son
infokiosk et sa foultitude d’idées, son espace d’informatique rebelle et
son libre accès à internet sur machines récupérées (les mercredis et
samedis de 16 à 20h).

juin 2003
des gens de l’espace autogéré des tanneries
(13-15-17, bd de chicago, 21000 dijon)
tanneries at squat.net