Un hôtel, à Buenos Aires, qui dans les dernières années de la décennie 1970, en pleine dictature, a été construit grâce à un crédit public ; qui dans les années 80 était le préféré du futur président Carlos Menem, alors gouverneur de la province de la Rioja et qui au début du XXIè siècle s’est retrouvé brutalement en faillite, aujourd’hui exhibe dans ses salons un curieux mélange de paroissiens, entre des syndicalistes combatifs, des députés de gauche, des journalistes et des turistes. Nous parlons de l’hôtel Bauen, situé dans ce nombril “porteño” qu’est l’intersection de la rue Callao et de l’avenue Corrientes, en plein centre de Buenos Aires.

Depuis une semaine, le hall de l’hôtel est le scénario des conférences de presse du corps de délégués des travailleurs du métro. “Nous offrons gratuitement les installations pour une question de solidarité”, explique Marcelo Ruarte, le gérant de l’hôtel. Il s’agit d’un gérant particulier en raison des circonstances : il est le président de la coopérative de travailleurs qui administre l’hôtel depuis la faillite.

L’année dernière, au Bauen, le parti communiste argentin a réalisé son 23è congrès. Il a aussi été organisé le Troisième Forum de la Santé. “Nous tentons de faire en sorte que toutes ces activités n’affectent pas le mouvement des touristes. Pour le moment, il n’y a pas de plaintes.”

Mardi dernier, les travailleurs du métro ont réalisé leur assemblée dans un des salons. Dans le hall, à une table, l’ex députée de Buenos Aires, Vilma Ripoll (Mouvement Socialiste des Travailleurs), critiquait “la passivité du gouvernement national” face au conflit. Pas loin d’elle, le secrétaire général de la section ouest, le cheminot Ruben Sobrero, tenace oppositeur de l’historique syndicaliste de la CGT, Ruben Pedraza, réaffirmait sa solidarité “avec les compagnons du métro”. Une jeune femme distribuait des tracts appelant “à une grève à durée indéterminée”. Au-delà, des touristes avec des sacs d’achat, prenaient le café, regardant vers la porte où des caméras et des journalistes attendaient la confirmation de la grève de 24 heures. Derrière eux, une affiche sur un mur annoncait la présentation d’une pièce de théatre (une des nombreuses activités de l’hotel).

Les délégués du métro sortirent rapidemment. Le hall fut pris d’assaut par une horde de journalistes. Les tables se sont vidées. Au milieu de ce climat, le pianiste a arrêté de jouer. Ce piano a une concurrence impossible à imaginer dans un autre hôtel.

Clarin, 10 février 2005

Au sujet de la grève du métro de Buenos Aires :
Argentine : une grève qui n’en finit pas :
http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=32162