EXTRAITS :

« Le gouvernement socialiste de Morales n’a en rien diminué l’exploitation minière sur le territoire qu’il domine, la Bolivie étant un pays très minier depuis sa colonisation. Au contraire, il en fait la promotion. Par exemple, en invitant la Chine à participer à l’exploitation de ses grandes réserves de lithium, présentant le projet comme faisant partie de la lutte contre les changements climatiques, puisque ce métal conducteur hautement toxique – la voie de l’énergie du futur selon le gouvernement bolivien – se retrouve dans les piles de voitures électriques, etc. (j’imagine que les projets hydroélectriques en cours en partenariat avec le Brésil produiront leur « énergie verte »). La croissance des profits miniers a battu des records au cours des dernières années en Bolivie et le gouvernement est prêt à tuer pour les défendre. Je pense à la militarisation du conflit entre une filière de la minière canadienne South American Silver et la communauté de Mallku Khota qui escalada jusqu’en juillet 2012 quand le gouvernement ordonna l’envoi de 370 effectifs policiers pendant les négociations avec des paysans qui avaient pris en otage cinq travailleurs de la mine. L’affrontement laissa un paysan mort et plusieurs blessés.

Un autre secteur qui a battu des records d’expansion en Bolivie est celui des hydrocarbures. La Bolivie est devenue, au cours des dernières années, un des plus grands exportateurs de gaz en Amérique du Sud, suite à des investissements majeurs dans l’exploration, l’exploitation, la production et l’infrastructure gazière. Plusieurs pipelines vers les pays voisins ont déjà été inaugurés par le gouvernement de Morales et plusieurs autres sont en cours, comme par exemple ceux vers le Paraguay et l’Uruguay.

Depuis 2009, le gouvernement fait face à des mobilisations contre un projet de méga-autoroute qui traverserait le pays, dont une réserve naturelle, le TIPNIS (Territorio Indígena Parque Nacional Isiboro Sécure). La construction de l’autoroute, qui est déjà commencée, est financée à 80% par du capital brésilien, menée par une entreprise brésilienne et veut favoriser les importations brésiliennes, comme le soja, tout en ouvrant l’accès à la zone pour de futurs projets. Les autochtones qui y habitent, comme les peuples Chimane, Yurucaré et Moxos refusent que l’on détruise leur milieu de vie et se sont battus contre les colonisateurs espagnols, les dictatures militaires, les pantins néolibéraux et maintenant contre un socialiste autochtone. Ceux-ci sont en continuelle mobilisation contre le projet malgré la constante répression policière qui fut particulièrement intense en septembre et octobre 2011 avec des centaines d’arrestations et de blessés durant la 8e Marche autochtone en défense du TIPNIS qui dura 130 jours, couvrant 1200 km de Trinidad jusqu’à la Paz, en plus des tentatives du gouvernement de mobiliser ses propres bases pour affronter les manifestants. Morales déclara alors que ceux qui se mobilisaient contre l’autoroute conspiraient pour déstabiliser le pays, que les organisateurs de la marche étaient des agents au service d’intérêts impérialistes étatsuniens.

Le 29 mai 2012, des raids furent menés à plusieurs endroits. Treize personnes, liées surtout au milieu anarchiste, furent arrêtées. Ce fut présenté par la police comme une opération antiterroriste en relation à une vague d’actions directes survenues à la suite de la répression contre les mobilisations du TIPNIS, généralement contre des banques et institutions gouvernementales, certaines revendiquées en solidarité avec la lutte contre le TIPNIS, d’autres pour la libération animale, contre des projets d’infrastructure, contre le système pénitencier international et en solidarité avec les prisonniers anarchistes en Grèce et au Chili. Deux personnes demeurent toujours emprisonnées*: Henry Zegarrundo et Krudo, ils sont accusés de terrorisme.

En cette année du quinoa, annoncée par Evo Morales dans son rôle de nouveau mandataire spécial à la FAO pour « honoré la sagesse des peuples originaux », il m’apparaît opportun de mentionner les problèmes causés par la nouvelle popularité de cette plante miracle, que Morales n’a aucune honte à ignorer, lui qui en fait la promotion sur les tribunes internationales. La zone de culture se limitant en très grande partie à la zone andine de la Bolivie, du Pérou et de l’Équateur, c’est sur l’environnement et la population locale que tombe le poids de la demande internationale et ses bouleversements.

S’il est vrai que les entrepreneurs nationaux de cette plante nutritive ont pu rapidement s’enrichir au cours des dernières années dû à sa demande et sa valeur sur les marchés internationaux, les conséquences de cette même demande ont rendu cette nourriture, qui fait partie de l’alimentation de base des peuples Aymaras qui le cultive depuis des milliers d’années, de plus en plus inaccessible justement par la hausse des prix internes causée par son exportation massive (95% de la production de quinoa est destinée à l’exportation).

Ces gens qui le cultivent ont commencé à changer leurs habitudes alimentaires, délaissant le quinoa pour, entre autre, le riz (importé), qui vaut jusqu’à cinq fois moins cher. C’est aussi à cause de l’expansion des terres utilisées pour la monoculture de quinoa remplaçant de plus en plus les cultures de subsistance. Cette même dynamique cause aussi l’appauvrissement du sol. Les petits élevages, comme celui du lama, qui favorisent la fertilité des terres, étant de plus en plus délaissés.

Devant ces problèmes, l’État bolivien répond toujours de la même façon : industrialisation et valeur ajoutée sont la clé. On voit bien encore une fois que ses intentions écologiques n’ont aucune substance quand structurellement c’est un modèle d’importation/exportation qui est impulsé par les politiques de l’État bolivarien pour faire bénéficier le capital national.

Cette situation parle beaucoup des politiques agraires et de la fameuse réforme agraire dont les sympathisants de Morales aiment bien vanter les mérites. En favorisant la petite production tout en l’orientant fortement vers l’exportation, il s’agit en fait plutôt d’une continuation des grandes lignes des politiques néolibérales des précédents gouvernements, vers le renforcement de la grande industrie agroalimentaire du pays.

C’est au nom de la stabilité et la croissance économique, d’un financement de programmes sociaux – éducation, santé, travail, accessibilité au service de base, etc. – et de la souveraineté territoriale que l’État bolivien justifie une industrialisation intensive sur le dos d’une dégradation accélérée des milieux de vies humains et non-humains. »

Article intégral => http://www.sabotagemedia.anarkhia.org/2014/03/lhypocrisie-bolivarienne-de-la-rhetorique-revolutionnaire-a-la-pratique-colonialiste/